mercredi, octobre 31, 2007

Pas même un chat turkmène...

Depuis quelques temps, on parle ça et là, et dans les média kurdes d'une liste de 150 (ou 50 selon les versions) personnalités kurdes d'IRAK, attention, devant être livrées par Erbil à la Turquie, sur requête de ces Messieurs d'Ankara. Et les quelques noms connus ne sont pas des moindres : Mahmoud Othman, député au Parlement ou Masrur Barzani, le propre fils du président et chef des services de sécurité... Bien sûr que le gouvernement d'Erbil va s'empresser d'obtempérer...

Dernier à avoir révélé que son nom figurait sur la liste, un Turkmène, hé oui, un de ces frères turcs qu'Ankara plaint si souvent de connaître un sort épouvantable dans le Kurdistan du GRK...

Sur awene.com, Abdulqadir Bazirgan, commentant sa demandant d'extradition, a expliqué sobrement qu'il prenait cela comme un très grand honneur qu'on lui faisait. Interrogé sur les raisons qui motivaient Ankara à vouloir sa tête, il a donné son interprétation : "Je suis un Kurdistanî, prêt à défendre la Région du Kurdistan."

Abdulqadir Bazirgan apaprtenait auparavant au Front turkmène, le parti soutenu par Ankara. Il en a démissionné et est à la tête d'un autre mouvement turkmène "Caksazî" (réformes).

Comme ça, Jalal Talabanî, le président d'Irak, qui avait déjà affirmé aux Turcs qu'il ne leur livrerait pas même un chat kurde, n'a plus qu'à ajouter la mention : "et même pas un chat turkmène".


Conférence : Les menaces d'intervention turque et la situation au Kurdistan

Samedi 3 novembre 2007
à 16h00

Les Menaces d'intervention turque et la situation au Kurdistan

par Kendal Nezan
(de retour du Kurdistan d'Irak)

Institut kurde de Paris
106 rue Lafayette
75010 Paris
M° Poissonière, G. du Nord, G. de l'Est.
entrée libre.

mardi, octobre 30, 2007

Le livre du dedans

"Un oiseau s'est posé sur le sommet d'une montagne ; il s'est envolé.
Qu'est-ce que la montagne a perdu et qu'a-t-elle gagné de ce fait ?"


"Quelqu'un dit : "Mawlana ne parle pas." Je dis : "C'est mon imagination qui a attiré cette personne" ; mon imagination ne lui dit pas : "Comment vas-tu ?" ou "Comment te portes-tu ?". Elle l'a attiré sans parole. Si ainsi ma réalité l'attire et l'amène en un autre lieu, quoi d'étonnant ? La parole est l'ombre de la réalité et son accessoire. Si l'ombre attire, à plus forte raison la réalité." 

Un des motifs puissants de la malâmatiyya est l'horreur des éloges mal venus, la louange des imbéciles, des niais, des aveugles, des paresseux, des ignorants. Le réflexe qui prime chez eux est l'indignation ou la suspicion : "Qui es-tu pour me louer, toi ???" (C'est-à-dire l'opposé de la doxa du jour qui veut que "personne n'a le droit de blâmer personne, et qui es-tu pour me faire la morale, gna gna gna..."). Or si un Malâmatî ne cherche que cela, le blâme, c'est peut-être pour éviter certaines louanges qui sonnent en insultes tellement elles viennent de très bas... un peu comme on se gare prudemment d'éclats de boue. La question est : pourquoi se sentaient-ils à ce point offensés? Et qu'est-ce qui les offensait ?
La superficialité. Et comme la superficialité est à la fois hâtive et paresseuse, elle a quelque chose de la muflerie, et donc elle relève de la grossièreté, de l'offense.

"Le Maître dit que Sayyid Borhân-ud Dîn Mohaqiq (que dieu sanctifie son secret !) parlait quand quelqu'un entra, disant : "J'ai entendu ton éloge dans la bouche d'un tel. "Il répondit : "Voyons, qui est cet un tel ? A-t-il vraiment le rang spirituel nécessaire pour me connaître et faire mon éloge ? S'il me connaît seulement par les discours, il ne me connaît pas ; car ces discours, cette bouche et ces lèvres ne durent pas : tous ces phénomènes ne sont qu'accidents. Mais s'il me connaît par mes actions, s'il connaît mon essence, je sais qu'il peut faire mon éloge, et que son éloge est le mien.""

"Quelqu'un vint. Le Maître demanda : "Où étais-tu ? Nous avions un ardent désir de te voir, pourquoi es-tu resté loin de nous ?" - Il répondit : "C'était le hasard." Le Maître dit :"Nous faisons aussi des prières pour que ce hasard change et s'annihile. Un hasard qui produit la séparation est un hasard qui ne doit pas être."

On raconte que Mohammad (sur lui le salut) était revenu de la guerre sainte avec ses compagnons. Il dit : "Qu'on batte du tambour, cette nuit nous allons coucher devant la porte de la ville. Demain nous y entrerons." On lui demanda : "Pourquoi cela ?" Il répondit : "Peut-être que vos femmes se trouvent avec des hommes étrangers, vous serez vexés de le voir, et il y aura un scandale." Un de ses compagnons ne l'écouta pas ; il entra, et trouva sa femme avec un étranger."



"Quand les vêtements du faqîr sont usés et déchirés, alors son coeur est ouvert."


"Il y a une tête qui sort d'un bonnet doré ; et une tête dont la beauté des boucles est dissimulée par un bonnet doré et une couronne incrustée de pierreries. Car les boucles des beautés attirent l'amour ; là est le trône des coeurs ; la couronne dorée est objet inanimé ; celui qui la porte est le bien-aimé du coeur."




"Où que tu sois, et dans quelque situation que tu te trouves, essaie toujours d'être un amoureux et un amoureux passionné. Une fois que tu posséderas l'amour, tu seras toujours un amoureux, dans le tombeau, lors de la résurrection, dans le Paradis, à jamais."

"Majnûn désirait écrire une lettre à Laylâ. Il prit une plume et écrivit ses vers :



Ton nom est sur mes lèvres,
ton image est dans mes yeux,
ton souvenir est dans mon coeur :
à qui donc écrirais-je ?



Ton image réside en mes yeux, ton nom n'est pas hors de mes lèvres, ton souvenir est dans les profondeurs de mon âme, à qui donc écrirais-je, puisque tu te promènes en tous ces lieux ? La plume s'est brisée et le papier s'est déchiré."

Ou quand Mawlana se fâche, ce qui donne, en gros : "Tu ne sais même pas que ta femme est une pute et tu prétends percer les secrets de l'univers ?" Ils sont d'un délicieux, par moment, ces cheikhs...
"Quelqu'un dit : "cet astronome déclare : "Vous prétendez qu'en dehors de ce firmament et de ce globe terrestre que nous voyons, il y a quelque chose. Pour moi, en dehors du visible il n'y a rien ; sinon, montrez-moi où se trouve."


Le Maître répondit : "Cette question est stupide depuis le début ; car tu dis : "Qu'on me montre où cela se trouve. " Or, pour cette chose, il n'y a pas de lieu. Viens, dis-moi d'où provient ton objection et dans quel lieu elle se trouve. Elle n'est pas dans la langue, ni dans la bouche, ni dans la poitrine : fouille partout, réduis ces organes en parcelles ou en atomes, et tu verras que cette objection et cette pensée, tu ne les saisis nullement dans ces organes. Donc, nous savons que ta pensée n'est pas dans un lieu. Lorsque tu ne connais pas le lieu de ta propre pensée, comment connaîtrais-tu le lieu du Créateur de la pensée ?


Des milliers de pensées et d'états d'esprit passent en toi sans que tu interviennes ; ils ne sont ni dans ta possibilité ni dans en toi, et tu n'es conscient ni de leur origine, ni de leur destinée, ni de leur projet. Alors que tu n'es pas capable de connaître tes propres états, de quelle façon peux-tu t'attendre à connaître le Créateur Lui-même ?


Cet homme ignoble dit que dans le ciel Dieu n'est pas. O chien ! Comment sais-tu qu'il n'y est pas ? En vérité, as-tu traversé les étendues du ciel, empan par empan, et tout parcouru, pour rapporter que là Il n'est pas ? Tu as dans ta propre maison une prostituée et tu ne las connais pas comme telle. Comment veux-tu connaître le ciel ?"

Le Livre du dedans : fihi-mâ-fihi, trad. Vitray-Meyerovitch.

lundi, octobre 29, 2007

Interview de Saywan Barzanî : le PKK et la Turquie doivent rester en-dehors du Kurdistan d'Irak

... et la Turquie doit régler sa Question kurde et le PKK cesser la lutte armée. Voilà en gros les commentaires sur la crise apportés par Saywan Barzani, représenttant du Gouvernement kurde à Paris, dans une itnerview accordée à asianews.

"Comment expliquez-vous la récente escalade des tensions entre la Turquie et l'Irak ?


L'actuelle escalade turque est due à un conflit interne entre la puissante armée turque et le gouvernement islamiste élu. Les deux camps, laïcs et islamistes, essaient de se renforcer sur une question unificatrice, qui est la Question kurde.

La montée de la violence chez les voisins de la Turquie représente un échec de la politique d'Ankara’s policies. Depuis la fondation de la Turquie moderne, cette dernière a dû faire face aux révoltes des Kurdes, lesquels demandent un minimum de droits culturels, politiques et économiques.

Le Gouvernement du Kurdistan irakien ne peut être blamé si les régions kurdes de Turquie vivent dans une pauvreté extrême et si l'existence même des Kurdes est niée. Les rebelles kurdes mènent une guerre civile qui affecte dans une large mesure les populations civiles et le sous-développement évident des régions kurdes de Turquie comparées au reste du pays. Environ 4000 villages ont été évacués et détruits. La région orientale de Turquie est devenue une terre hors-la-loi, une zone pour toutes sortes de trafics, s'élevant à des billions of dollars, que ce soit dans la drogue, les armes ou la contrebande d'alcool.

Quelles sont les relations entre Ankara et le Kurdistan irakien ?

La création du Gouvernement irakien du Kurdistan en 1992 a été une chance pour la Turquie. Initialement, la violence avait chûtée de 80%.

Plus de 32,000 camions transportaient des marchandises destinées au Kurdistan irakien. Tout le sud-est de la Turquie survit essentiellement grâce au commerce officiel avec notre région. L'année dernière, les exportations de la Turquie ont dépassé les 5 billions de $US, avec 700 sociétés turques qui y sont actives.

Nous aussi, nous voulons que le PKK cesse la lutte armée, non parce que nous croyons que le peuple kurde y obtiendra des droits quelconques, mais plutôt parce qu'en Turquie on peut utiliser les institutions démocratiques pour réaliser pacifiquement des réformes structurelles.

La menace d'une intervention turque "sur une large échelle" dans les territoires orakiens est-elle réaliste ?

L'escalade et les menaces militaires d'un autre âge sont de nos jours sans aucun fondement et ne peuvent être d'aucun intérêt pour la Turquie sauf à y entretenir son nationalisme du XX° siècle, et la doctrine officielle de l'Etat et de l'armée.

D'abord, le but déclaré d'éradiquer le PKK est impossible à atteindre. Ces dernières années l'armée turque a mené 25 incursions en Irak sans aucun résultat tangible. Les combattants kurdes de Turquie s'étalent sur une zone de 130 kilomètres à une altitude de 3,400 mètres. Cela prendrait 15 jours à un tank turc pour la parcourir, alors qu'en deux heures de marche la guerilla peut passer en Iran.

Même si la Turquie tue quelques milliers de combattants, d'autres prendront leur place. Il y a des milliers de PKK en Iran, en Turquie, en Azerbaidjan, en Arménie et en Géorgie.

La Question kurde demande une solution politique, et non des menaces d'extermination qui ont échoué et empêchent d'arriver à quoi que ce soit. Quelle que soit le type d'incursion militaire que la Turquie puisse mener, elle ne servira qu'à ruiner les économies turque et irakienne et à déstabiliser la plus grande partie de la région.

Comment la communauté internationale peut résoudre la crise ?

La seule solution passe par la négociation et l'absence d'interférence dans les affaires internes des uns et des autres. Par exemple, les voisins de l'Irak ne devraient pas interférer dans la façon dont vont se décider les frontières du Kurdistan lors du référendum de Kirkouk.

De plus, en tant que protecteur de l'Irak mandé par les Nations Unies, les Etats-Unis doivent clairement faire savoir leur position aux Turcs et rejeter tous les arguments et prétextes sans fondements qui sont avancés. Les Américains doivent imposer la paix et appeler le PKK et le gouvernement d'Ankara à rester en dehors du Kurdistan d'Irak, qui émerge tout juste de 40 années de guerre et de génocide.

L'opinion publique occidentale et ses gouvernements sont les seuls qui peuvent inciter les Turcs à poursuivre une politique pacifique, à arrêter de menacer le Kurdistan irakien, cette démocratie naissante, et à trouver une solution à leur Question kurde, vieille de 80 ans."

source : asianews.it

samedi, octobre 27, 2007

Coup de projo sur : Cultural Cornerstones


Cultural Cornerstones est une organisation non-gouvernementale, basée à Atlanta, qui a pour but de protéger ou sauver le patrimoine artistique des populations en danger, que ce soit le fait de conflits armés, d'abus massifs des droits de l'homme ou bien des effets de la globalisation. Sur le terrain, ils mettent en place des équipes locales afin qu'elles préservent leur propre héritage, en leur fournissant du matériel et une formation technique. Elle encourage les communautés à collecter et préserver leurs archives, afin de les rendre accessible à leur propre population ainsi qu'à un niveau international. Cultural Cornsertones a ainsi travaillé sur les Kurdes de Turquie, les Karen et les Roms de Macédoine.
Le CD qu'ils ont produit, çavê min î, Tu es mes yeux, commercialisé en 2001, rassemble des enregistrements de terrain réalisés par Jordan Bell et Gregory Scarborough. Il comprend des prestations de dengbêj, des musiques et des chansons traditionnelles, des chants politiques, du Botan, de Serhed, de Diyarbakir, de Mardin, de Hakkari...
Le premier morceau en écoute est du dengbêj Fadil de Qoser (Mardin). Aveugle de naissance, le maître Fadil a commencé dès l'âge de 5 ans à s'assoir auprès des vieillards de sa communauté pour écouter leurs chants et leurs histoires.
Le second est un dîlan (ronde) enregistré à Batman, lors d'une noce. Gregory et Jordan racontent ce qui arrive toujours quand un voyageur tombe sur une noce de plein air : à peine avaient-ils croisé la foule qu'ils se sont retrouvés assis de force, un thé à la main. La tradition des Kurdes kidnappeurs...
Le troisième morceau fut enregistré alors qu'ils se promenaient dans les champs autour de Diyarbekir, en quête de chants traditionnels agricoles. En fait les ouvriers et les jeunes filles qui ont chanté pour eux ont entonné des couplets incontestablement politiques, avec V de la victoire en prime. On entend notamment des allusions au HADEP (perperok, papillon) et à Mazlum Dogan.
Le chant suivant est aussi une satire du "gendarme", personnage hélas omniprésent au Kurdistan turc - appelé pour l'occasion "fils de l'âne" - et de l'armée turque en général. Ce genre de chanson est naturellement interdit et la chanter en public vaut d'être arrêté et emprisonné. Mais si le jandarma avait de l'humour, ça se saurait...
Enfin on termine sur une prestation de deux dengbêj, Abdullah et Ismaïl, enregistré à Colemerg (Hakkarî).

vendredi, octobre 26, 2007

Notre consul au Kurdistan


Photo Paoli Woods pour le Monde

Il s'est fait longtemps attendre, voire désiré... Enfin on l'a et on le félicite ! Frédéric Tissot prendra ses fonctions en 2008 et le moins qu'on puisse dire c'est qu'il arrive dans une période troublée... mais il semble avoir l'habitude...

En tout cas cela fait plaisir de voir arriver un véritable ami des Kurdes et qui en plus fait partie du petit club restreint (et privilégié ?) des Français kurdophones...

Toute sa bio et ses aventures kurdes téléchargeables ici.



Hasankeyf : dédommagements dérisoires et grogne des habitants

Villageois de Hasankeyf
Photo Roxane

La ville et ses alentours abritent les plus vieux habitants troglodytes de Mésopotamie, puisque l'occupation des grottes remonte à la Préhistoire.

Alors que le glas de Hasankeyf sonne après des années de lutte, une visite de l'European Ilisu campaign, qui plaide pour le sauvetage de la ville, a révélé (mais qui s'en étonnerait ?) que les garanties de dédommagements financiers qui avaient été négociées en contrepartie aux expropriations des habitants, sont loin d'être accordées de façon satisfaisante....

En effet, le financement du barrage d'Ilisu, qui doit noyer Hasankeyf et sa vallée, provient de sociétés allemandes, autrichiennes et suisses. Les fonds transitent par des agences d'export de crédit, et une des conditions apposées à ces fonds étaient que les habitants délogés soient convenablement indemnisés et réinstallés.

Christine Eberlein, de l'association suisse "Déclaration de Berne" et membre active de l'European Ilisu campaign a pourtant constaté, lors d'une tournée dans les villages d'Ilisu et de Karabayir que les compensations offertes par le gouvernement turc aux pasyans étaient "misérables" et qu'en plus le relogement des familles déplacées se faisait alaturca, dans la grande tradition ottomano-kémaliste des déplacements et installation forcés de population, tradition qui va de Mehmet II Fathi jusqu'aux déportations de la "sale guerre" des années 90.

Les gouvernements allemand, autrichien et suisse, en permettant le baillage de fonds pour la construction du barrage, avaient pourtant exigé pas moins de 150 conditions et assurances que la population déplacée retrouverait un logement acceptable et un revenu (car bien sûr, les paysans, ou les habitants vivant du tourisme, vont perdre aussi leurs moyens de vivre).

Selon le rapport, non seulement les habitants ne sont pas relogés de façon adéquate et en plus, ils n'ont que le choix d'accepter ou de refuser un dédommagement financier qui est très loin de valoir ce qu'ils ont perdu.

Pour en savoir plus, notamment sur les sociétés europénnes impliquées et sur le détail des financements, lire la déclaration et le compte-rendu de weed.org.

jeudi, octobre 25, 2007

Le livre des avares

Djâhiz, dans son Livre des avares, racontant une anecdote sur Khâlid ibn Yazîd explique à la fin les différentes catégories de mendiants fripons et rusés auxquels Khâlid a fait allusion :

"M.kh.trânî : ce mot désigne l'homme qui se présente dans des vêtements d'ascète et vous fait croire que Bâbek lui a coupé la langue à la base parce qu'il était muezzin dans son pays. Il ouvre la bouche comme pour bâiller et onne lui voit absolument pas de langue, alors qu'en réalité la sienne est aussi grosse que celle d'un boeuf. Je m'y suis moi-même laissé prendre. Le m.kh.t.rânî doit avoir un comparse qui parle pour lui ou bien une planchette ou du papier pour écrire ce qu'il a à dire.


Kâghânî : celui qui fait semblant d'être possédé ou épileptique. Il écume au point qu'on le croit irrémédiablement possédé, tellement la crise simulée est aiguë, et qu'on s'étonne de le voir en vie avec une telle infirmité.


Bânwân : celui qui s'arrête devant la porte, tire le verrou et crie : "Bânwâ", ce qui signifie : "Seigneur".


Qarasî : celui qui entoure sa jambe ou son bras d'un bandeau qu'il serre fortement et garde pendant toute une nuit. Lorsque le membre est enflé et que le sang ne circule plus, il le frotte avec du savon et du sang-de-dragon, y fait couler quelques gouttes de beurre et l'entoure d'un bandeau qui en laisse une partie visible. En voyant cela, on ne peut douter que ce ne soit la gangrène ou quelque maladie infectieuse analogue.


Musha'ib : celui qui traite un enfant, à sa naissance, pour le rendre aveugle, lui dessécher ou lui atrophier un membre, afin que ses parents puissent l'utiliser pour mendier. Et parfois même, ce sont les parents eux-mêmes qui conduisent l'enfant au musha'ib ; il lui donnent, pour cette opération, une somme importante parce qu'alors l'enfant devient un capital productif. Ils l'exploitent eux-mêmes ou le louent pour un prix déterminé ; parfois, ils louent leurs enfants, moyennant une somme élevée, à des gens qui se rendent en Afrique du nord et le font mendier tout le long du chemin. S'ils sont dignes de confiance, on leur accorde crédit ; sinon, ils doivent fournir un garant qui réponde des enfants et du prix de la location.


F.l.w.r : celui qui fait subir un traitement à ses testicules pour donner à croire qu'il a une hernie. Parfois, il simule un cancer, un ulcère ou une tumeur aux mêmes organes ou encore à l'anus, en y introduisant un morceau de larynx avec du poumon. D'autres fois, c'est une femme qui simule ces affections au vagin.


Kâghân : le jeune éphèbe qui mendie quand il se prostitue ; il est doué de quelque beauté et capable de remplir les deux fonctions.


'Awwâ : celui qui mendie entre le coucher du soleil et la Prière du soir. Parfois, il chante, s'il a une voix agréable.


Istîl : celui qui se fait passer pour aveugle. Il peut quand il le veut, montrer qu'il a les yeux crevés ou plein d 'eau ou qu'il ne peut y voir parce que l'ophtalmie ou le rîkh as-sabal lui a fait perdre la vue.


Mazîdî : celui qui circule avec quelque menue pièce de monnaie et dit : "J'ai réuni cet argent pour acheter un vêtement (qatîfa) ; ajoutez votre obole, s'il vous plaît". Parfois, il s'encombre d'un enfant trouvé. D'autres fois encore, il demande un linceul.


Musta'rid : celui qui vous accoste. Il a une belle apparence et des vêtements décents. Il semble mourir de honte et craindre d'être aperçu par une de ses connaissances. Il vous aborde ensuite carrément et vous parle mystérieusement.


Muqaddis : celui qui s'occupe d'un mort et fait une collecte pour l'achat d'un linceul. Sur le chemin de la Mekke, il se tient près du cadavre d'un âne ou d'un chameau et prétend que l'animal lui appartient et qu'il ne peut pas continuer sa route. Il connaît les divers dialectes du Khurâsân, du Yémen et de l'Afrique du nord et s'est informé des villes, des routes et des habitants de ces pays. Il peut ainsi, quand il le désire, se faire passer pour originaire d'Ifrîqiya, de Farghana ou de l'un quelconque des districts du Yémen.


Mukaddî : mendiant importun."


Et Djâhiz conclut : "Nous n'avons expliqué ici que les mots cités par Khalawaih. Il y a infiniment plus d'espèces de mendiants, mais nous ne devons pas nous éloigner davantage de notre sujet."



Al-Hâritî, soucieux quand il festoyait de ne pas inviter des pourceaux, s'en était remis à Abû-l-Fâtik, "juge de fityân", c''et-à-dire de brigands pour qu'il lui dresse la liste de tous les invités offensant les bonnes manières et la noble conduite qu'un bon truand, d'âme élevée et d'éducation soignée, ne se serait jamais permis d'enfreindre dans ses banquets de confrérie (car le brigand bien élevé a la parole fleurie, le geste noble et le poignard chatouilleux) :

Nashshâl : celui qui se sert directement dans la marmite, avant que le repas soit cuit, que la marmite soit retirée du feu et que tous les convives se soient rassemblés.
Nashshâf : celui qui prend le bord d'un pain, l'ouvre et le trempe dans la marmite pour l'imbiber de graisse, au détriment de ses compagnons.

Mirsâl : il y en a deux sortes ; 1° celui qui, en introduisant dans sa bouche une boulette de harîsa, de panade, de pâte de dattes ou de riz, l'envoie d'un seul coup au fond de sa gorge ; 2° celui qui, marchant dans un fourré de jeunes palmiers ou d'autres arbres, saisit le bout des palmes ou des branches pour se frayer un passage ; immanquablement, ces branches vont frapper le visage du compagnon qui suit, sans que le premier se soucie ni se doute le moins du monde du mal qu'il peut causer.

Lakkâm : celui qui n'attend pas d'avoir mâché et avalé une bouchée pour en mettre une autre dans sa bouche.
Massâs : celui qui suce l'intérieur des os longs après en avoir fait sortir la moelle, sans se soucier de ses compagnons.

Naffâd : celui qui, s'étant lavé les mains dans la cuvette, les retire mouillées et asperge ses amis.
Dallâk : celui qui, au lieu de se laver les mains avec de la saponaire, les essuie à la nappe.

Muqawwir : celui qui découpe les pains en rond, garde pour lui le centre et laisse les bords à ses compagnons. (celle-là je l'adore; surtout que ça marche très bien aussi avec un camembert).

Mugharbil : celui qui tourne la salière comme un tamis, pour prendre toutes les épices sans se soucier de priver ses compagnons et de les laisser sans épices pour ajouter au sel.

Muhalqim : celui qui parle la bouche pleine. Nous lui disons : "C'est laid ! Attends, pour parler de pouvoir le faire."

Musawwidj : celui qui prend de grosses boulettes, manque à chaque instant de s'étouffer et se voit obligé de boire pour les faire passer.
Mulaghghim : celui qui prend le bord du pain ou aplatit les dattes avec son pouce pour pouvoir puiser davantage de beurre frais ou fondu, de colostrum, de lait ou d'oeuf à la coque.

Mukhaddir : celui qui frotte sa main pleine de graisse avec de la saponaire dont il se sert ensuite, lorsqu'elle est verte ou noire de crasse, pour frotter ses lèvres.

En plus des portraits peu ragoûtants dressés par le juge des Truands, al-Khâritî en ajoute d'autres de son cru :

Le lattâ est connu : c'est celui qui lèche son doigt et le trempe ensuite dans le plat commun contenant de la sauce, du lait, du sawîq (soupe de farine), etc.

Le qattâ est celui qui mord dans une boulette, en coupe la moitié et trempe l'autre dans la sauce.

Le nahhâsh est, on le sait, celui qui déchire la viande comme une bête féroce.

Le maddâd est celui qui prend dans ses dents un nerf insuffisamment cuit et le tend entre la bouche et la main ; parfois, lorsqu'il le tire brusquement, le nerf se rompt et va asperger le vêtement du voisin. Le maddâd est encore celui qui, mangeant avec des convives des dattes fraîches ou sèches, de la harîsa ou du riz, termine sa part et tire à lui celle des autres.

Le daffâ est celui qui, s'il y a dans le plat un os tenant à la viande qui l'entoure, l'écarte avec son morceau de pain pour qu'il ne reste que la viande ; pendant toute cette opération, il feint d'imbiber son pain de sauce, sans viser aucunement la viande.

Le mukhawwil est celui qui, s'apercevant du nombre excessif de noyaux qu'il détient, s'arrange pour les mêler à ceux de son voisin.


Le livre des avares, Jâhiz, trad. Charles Pellat.

La crise turko-kurdo-irakienne pour les nuls

Ayant sur ce blog un afflux de lecteurs envoyés par le Nouvel Obs et la Revue du Web, je me doute que les béotiens (sans connotation péjorative) du Moyen-Orient et de la Question kurde ne doivent pas capter grand-chose à des articles réactifs pondus au jour le jour et qui ne se soucient pas de tout réexpliquer à chaque fois. Donc, ça ne m'arrive pas souvent de louer la presse française quand il s'agit de la Question kurde, mais le résumé de Marc Semo dans Libération : Trois questions pour comprendre le conflit au Kurdistan irakien est clair et pose bien les problèmes et/ou les buts plus ou moins avoués poursuivis par chaque camp. La crise kurdo-turco-irakienne pour les nuls, quoi (sans connotation péjorative, juste du réalisme).

mercredi, octobre 24, 2007

Radio : wahhabisme

Dimanche 28 octobre à 18h10 : Le wahhabisme, avec Hamadi Redissi, auteur de Le Pacte de Nadjd. Ou comment l'islam est devenu sectaire (Seuil) et Jean-Louis Schlegel. Cultures d'islam, A. Meddeb.

Dernière déclaration du GRK : le PKK doit déposer les armes

Dernière mise au point officielle du Gouvernement Régional du Kurdistan, cette fois-ci à l'adresse du PKK, qui suit au fond, point par point, celle du président de l'Irak, Jalal Talabani :

1. Nous ne croyons à l'usage de la violence en tant que doctrine et méthode pour atteindre des objectifs politiques.

2. Nous n'acceptons d'aucune façon, en accord avec la Constitution d'Irak, l'utilisation du territoire irakien, y compris les territoires de la Région du Kurdistan Region, comme base pour menacer la sécurité des pays voisins.

3. Nous appelons le PKK à mettre fin à la violence et à la lutte armée comme mode d'operation. Les problèmes actuels doivent être réglés par des moyens diplomatiques et politiques. Il est indispensable de cesser d'user de toute autre méthode, lesquelles sont inutiles, et nous demandons au PKK de maintenir son cessez-le-feu et de ne plus procéder à des opérations armées.

4. Nous condamnons toutes les activités terroristes de n'importe quel parti, car le peuple du Kurdistan est la première victime du terrorisme. Nous avons toujours combattu pour le bien de la paix, de la démocratie, le développement et la stabilité pour notre peuple et pour les peuples de la Région. Nous livrons, de fait, une lutte continuelle et ardue contre le terrorisme.

Nous déclarons ces principes comme étant la ligne politique ferme du peuople du Kurdistan, nous répétons que nous souhaitons établir des relations amicales et nous engager à entretenir de bonnes relations avec tous nos voisins.

Nous avons toujours appelé à la paix et à la sécurité et nous croyons que les problèmes en suspens peuvent être résolus par le dialogue et la compréhension".

Le Porte-parole de la Présidence de la Région du Kurdistan."


mardi, octobre 23, 2007

Une solution américaine ?

Une chose est quasi-sûre, quand Erdogan dit que s'il y a opération turque en Irak, ça ne sera que contre le PKK, cest-à-dire qu'il n'y aura pas d'occupation turque au Kurdistan, il dit vrai. L'AKP n'a certainement pas envie de se coltiner une guerre et les peshmergas sur le dos, avec en plus la fâcherie des USA et de l'Irak.

Un raid-éclair ne pourrait cependant pas éliminer le PKK de Qandil, cela ne ferait qu'augmenter le nombre de cercueils de soldats turcs revenant du front. Evidemment le PKK est sous-armé aujourd'hui, contrairement à 1995, quand il avait réussi à descendre un hélicoptères avec des officiers à bord. Mais l'objectif 0 perte est impossible à atteindre pour l'armée turque et un retrait plus ou moins piteux serait pour elle catastrophique... à tel point que le gouvernement d'Ankara pourrait en tirer profit contre les militaires, qu'il n'aime guère et c'est réciproque.

Maintenant le gouvernement d'Erbil ne peut, sans entacher sa crédibilité, laisser les Turcs entrer sans rien dire. On compte pour rien "l'armée irakienne" qui pour le moment peine à reconquérir son propre terrain gace aux milices. Donc le seul moyen est de trouver une solution qui arrange les trois capitales, Ankara, Bagdad, Erbil, sans qu'aucune n'ait à perdre la face. Jalal Talabani a évoqué hier une forme "d'embargo" pour empêcher Qandil de s'approvisionner, mais sans un déploiement de peshmergas autour des positions du PKK je ne vois pas comment c'est faisable. De plus il est peu envisageable que les forces kurdes soient plus occupées à monter la garde autour du PKK qu'aux frontières et à l'intérieur du pays, à la fois contre les possibles invasions turques et surtout contre les infiltrations terroristes de Syrie et d'Irak.

La seule solution est d'amener le PKK à se replier ou à rendre les armes, ça tout le monde le sait. La Turquie pour le moment refuse de reconnaitre Erbil comme interlocuteur politique (par contre en économie, ça gêne moins). Les Kurdes du sud pourraient pourtant servir d'intermédiaire, si ça ne se passe déjà pas, en sous-main, servant ainsi commodément de négociateurs-tampons entre Ankara et Qandil.

Dernière solution évoquée : des raids aériens américains contre le PKK. Totalement inutiles, sans doute pas très meurtriers (je doute que les USA veulent avoir beaucoup de sang kurde sur les mains). Cela serait plus acceptable pour la Région du Kurdistan, fermement opposée à toute incursion turque et même "arabe" contre d'autres Kurdes. Cela pourrait laisser respirer Erdogan face à l'opinion publique turque : "vous voyez, on a beaucoup gueulé et les USA ont bougé." Cela aurait probablement l'efficacité des opérations policières anti-PKK en France, quand on ferme les associations en leur demandant gentiment de bien rouvrir sous un autre nom 15 jours plus tard mais de se faire oublier entre-temps...


Conférence : Les Jeunes Turcs et les Kurdes

Samedi 27 octobre 2007
à 16h00

La politique des Jeunes Turcs vis-à-vis des Kurdes (1913-1918)

par Fuat Dündar

Institut kurde de Paris
106 rue Lafayette
75010 M° Poissonnière, Gare du Nord.
Entrée libre.

lundi, octobre 22, 2007

Conférence : La montée du nationalisme en Europe et en Turquie

UNIVERSITE GALATASARAY :CENTRE DE RECHERCHE ET DE DOCUMENTATION SUR L’EUROPE

7émes JOURNEES EUROPEENNES

La Montée du Nationalisme en Europe et en Turquie

GSU Istanbul
25 Octobre 2007
Salle Aydın Doğan


10:00 Ouverture
Prof. Dr. Duygun YARSUVAT ( Président de l’Université Galatasaray )
Prof. Dr. A. Işıl KARAKAŞ (Université Galatasaray, Directrice du CREDE)

Discours d’introduction
Prof. Dr. İlber ORTAYLI (Université Galatasaray, Faculté de Droit)

10:45 Pause

11:00 Première Session :

Le Nationalisme: Une esquisse de conceptualisation

Président de la session: Prof. Dr. Kenan GÜRSOY (Université Galatasaray, Doyen de la Faculté des Sciences et Lettres)

- Prof. Alain DIECKOFF ( IEP de Paris, CERI ) ‘Nationalisme politique contre nationalisme culturel’
- Prof. Dr. Tülin BUMİN (Université Galatasaray) ‘Retour du politique ou retour de la nation ?’
- Olivier ABEL (Faculté de Théologie protestante de Paris) ‘Sociétés closes, sociétés ouvertes; le problème de la démocratie’

12:00 Discussion
12:30 Déjeuner

14:00 Deuxième Session:
Le nationalisme: Etudes de cas

Président de la session Prof. Dr. Ahmet İNSEL (Université Galatasaray)

- Prof. Jean Michel de WAELE (Université Libre de Bruxelles) ‘Vers un retour des partis nationalistes en Europe centrale et orientale après l’élargissement’
- Dr. Magali BOUMAZA (Université Galatasaray /IEP de Strasbourg GSPE) 'Les militants frontistes et l'entrée de la Turquie dans l'Union Européenne : un indicateur des influences idéologiques de l'extrême droite française'

14:45 Discussion
15:00 Pause

15:15 Suite de la Deuxième Session :

- Dr. Maître de conférences, Füsun TÜRKMEN (Université Galatasaray) ‘La montée du nationalisme en Turquie: Continuité et changement’
- Prof. Dr. Levent KÖKER (Université Gazi) ‘La démocratie cosmopolite contre le nationalisme: Surmonter les contraintes idéologiques des relations entre laTurquie et l’UE’
- Dr. Maître de conférences, Hülya TANRIÖVER (Université Galatasaray) ‘La culture des sentiments nationaux à travers les messages publicitaires: Visage souriant du néo-nationalisme turc’

16:15 Discussion
16:45 Clôture

Conférence

Le samedi 27 octobre 2007
à 17h30

Rencontre-conférence avec Ephrem-Isa Yousif
sur son ouvrage :
Les Syriaques racontent les Croisades + documents visuels

"Trois chroniqueurs syriaques ont écrit un récit des Croisades dans la langue de leur peuple, le syriaque, dialecte araméen : Michel le Grand, l'Edéssien anonyme et Bar Hébraeus présentent une vision des événements différente de celle des chroniqueurs latins, byzantins et arabes. "


Ville de Clichy
Médiathèque
98 rue Martre
tel. : 01 47 15 31 06

Festival du cinéma kurde de Paris


"Le Festival du Cinéma Kurde de Paris se veut d’être un lieu d’échange, d’interrogation, d’interaction et espère donner l’occasion de connaître une vision globale du travail des cinéastes kurdes autour des images et des représentations d’un peuple marqué par les voyages, les exils forcés, les mémoires déchirées, les histoires troublantes et la volonté d’affiner un point de vue intelligible et cohérent autour des images du Kurdistan et de son peuple. Le Festival du cinéma kurde de Paris permettra au public parisien de saisir la réalité de ce peuple, souvent méconnue ou imprégnée de clichés médiatiques de sa représentation."

Ali Gül DÖNMEZ
Président du COCDARK
Site officiel : programme, renseignements.

dimanche, octobre 21, 2007

Interview de Jalal Talabani

"Asharq Al-Awsat : La tension persiste dans la Région du Kurdistan. Etes-vous toujours convaincu que cela ne mènera pas à la guerre et à une incursion au nord de l'Irak ? Que pensez-vous de la déclaration du Premier Ministre irakien Nuri al-Maliki "d'éradiquer" le Parti des Travailleurs du Kurdistan's [PKK] du Kurdistan irakien ?

Jalal Talabani : C'est un problème sensible et je voudrais m'exprimer clairement et franchement là-dessus. Depuis longtemps nous conseillons au PKK d'abandonner l'action armée. Nous leur avons dit : Nous vivons dans une ère de globalisation. Les partisans de la guerre ne sont plus acceptables ni utiles. Nous pensons que le PKK doit se tourner vers une action politique, parlementaire, diplomatique et populaire à la place de l'action armée. Dans un discours que j'ai fait récemment à Sulaimaniyah, j'ai publiquement déclaré que les Kurdes ne croient pas que les actions militaires du PKK en Turquie ou en Iran puissent servir les intérêts du peuple kurde. En vérité, cela mine leurs intérêts. Nous croyons que l'action armée nuit à la démocratie en Turquie et nuit au Premier Ministre Recep Tayyip Erdogan et au Parti de la justice et du développement [AKP]. Ce parti a un caractère démocratique nouveau, souhaitant bâtir une société turque nouvelle qui ferait une place pour les Kurdes en Turquie et pour les autres groupes ethniques du pays.

L'AKP reconnaît l'existence du peuple kurde et d'une cause kurde. Il a une position bienveillante envers l'usage de la langue kurde dans les media. De plus les dernières élections parlementaires ont été libres dans les régions kurdes et ont amené l'élection de patriotes kurdes au Parlement. L'AKP a remporté plus de 60% des votes kurdes, ce qui signifie qu'ils en sont satisfaits. Cela signifie aussi que mener des actions armées contre ce parti sert les forces chauvines turques en Turquie.

En ce qui concerne la présence de combattants du PKK en Irak, notre constitution interdit clairement la présence de forces armées étrangères sur le territoire irakien ou d'utiliser de telles forces pour lancer des attaques armées contre les pays voisins. Mais que pouvons-nous faire ? Nous voulons que ce parti quitte la Région du Kurdistan et retourne dans son propre pays, où il y a un terrain montagneux encore plus difficile, un territoire plus vaste, et où il pourra y faire ce qu'il veut. L'Irak n'approuve pas la présence de combattants du PKK ni leurs actions armées. Il ne peut les tolérer quand ils vont en Turquie pour y tuer des gens et ensuite returnent dans notre territoire, fournissant ainsi une excuse à d'autres forces pour attaquer nos régions. Que pouvons-nous faire sinon condamner ces actes mais nous n'avons pas de forces militaires suffisantes à envoyer dans les monts Qandil Mountains pour les jeter dehors. Nous avons besoin de nos forces militaires pour maintenir la sécurité dans les rues de Bagdad et pour combattre le terrorisme.

J'aimerais déclarer ici que nous sommes volontaires pour opérer dans une commission tripartite avec la Turquie et les Etats-Unis pour mettre fin aux activités du PKK au Kurdistan d'Irak et les confiner aux monts Qandil. En aucune façon nous ne voulons leur permettre de profiter de la situation actuelle.

Awsat : Est-ce que cela serait une première étape pour les pousser hors des régions habitées ?

Talabani : Nous les avons rejetés hors des villes et nous essayons de leur faire quitter toutes les zones peuplées. Nous souhaitons les empêcher d'user de certaines facilitiés, comme entrer en contact avec d'autres partis étrangers, faire venir des fonds de l'étranger, et amener des personnes d'Europe au Kurdistan d'Irak. Nous devons mettre un terme à tout cela. Nous avons fermé leurs bureaux dans les villes d'Irak, dont Bagdad. Ils utilisaient ces bureaux pour opérer dans les vilels sous diverses couvertures.

Awsat : Le gouvernement turc veut que vous arrêtiez leurs leaders présents sur le territoire irakien.

Talabani : Nous ne pouvons pas faire cela. Comment pouvons-nous arrêter les leaders dans les montagnes, entourés de milliers d'hommes ? L'armée turque, avec toute sa puissance, ne peut le faire, alors comment le pourrions-nous it?

Awsat : Dans ce cas, qu'est-ce que Nuri al-Maliki voulait dire quand il parlait d'éradiquer leurs bases?

Talabani : Je ne pense pas que c'était des propos aussi nets. Le Premier Ministre et moi-même avons le même point de vue, qui est que nous ne pouvons envoyer de forces irakiennes suffisantes pour combattre le PKK.

Awsat : Des voix au Parlement kurde ont critiqué l'accord de coopération sur la sécurité avec la Turquie. Ils disent que le Parlement kurde n'a pas eu connaissance du texte de cet accord.

Talabani : Le pluraisme fait partie de la démocratie irakienne. En tant que président, j'ai eu connaissance de cet accord, dont une des dispositions stipule qu'une intervention militaire turque est inadmissible. Cependant, il prévoit une coopération pour combattre toute activité terroriste menée contre l'Irak ou la Turquie. Par ailleurs, il n'est pas exact que les Kurdes n'aient pas vu ce texte. Je leur ai dit ce que j'y avais vu et que le ministre des Affaires étrangères, Hoshyar Zebari, qui est aussi un Kurde et est membre du Parti démpocratique du Kurdistan, l'a vu aussi. Le représentant du Premier Ministre, qui est aussi un Kurde, l'a également vu. Il y a des voix extrémisyes dans tous les partis mais elles ne représentent qu'elles-mêmes.

Awsat: Vous tenez-vous encore à l'opinion qui écarte la probabilité d'une action militaire turque étendue ? Avez-vous reçu des assurances américaines ou européennes à cet égard ?

Talabani : J'écarte toujours la possibilité d'une intervention militaire turque. Tout le monde est contre, les Etats-Unis, l'Europe et l'OTAN. J'ai d'autres raisons de l'écarter, dont le fait que Recep Tayyip Erdoganis est un homme bon et sage. Il comprend qu'une intervention militaire ne résoudra pas le problème ni ne donnera de résultats concrets. De plus le texte de la résolution approuvé par l'Assemblée nationale turque parle d'intervention contre des combattants et laisse les civils en dehors de ça. Par ailleurs le vice-président Tariq al-Hashimi nous a rapporté que les officiels turcs lui avaient promis qu'aucune action militaire n'était imminente.

Personnellement, je comprends la position du Premier Ministre Erdogan. Il fait face à une forte pression des forces de la ligne dure nationaliste et de la part des forces armées du pays. Toutes critiquent l'AKP pour ne pas avoir adopté de position dure sur la question. En bref, j'espère que les leaders des Kurdes en armes comprendront que l'intérêt des Kurdes requiert qu'ils ne mettent pas la Région du Kurdistan en danger. Ce que nous vivons au Kurdistan est une chance historique que nous avons parachevée par des moyens légaux, en accord avec les dispositions constitutionnelles et le gouvernement central. Le gouvernement du Kurdistan a rendu des services conséquents au peuple kurde. C'est donc dans l'intérêt des Kurdes de préserver cette entité. Aujourd'hui il y a un climat démocratique en Turquie qui est favorable aux Kurdes. Ce climat ne doit pas être gâché par des actes irresponsables qui ne produisent et ne produiront aucun résultat positif.

Awsat : Quelles sont les assurances des USA ?

Talabani : Les Etats-Unis ont annoncé, par la bouche de leur président, qu'ils étaient opposés à une intervention militaire. N'est-ce pas une assurance?

Awsat : Je veux dire, les Américains vous ont-ils informé que la Turquie ne mènera pas une incursion militaire au Kurdistan d'Irak ?

Talabani : Ils déclarent tous les jours qu'ils sont opposés à une intervention. Les Turcvs nous ont dit eux-mêmes qu'ils ne veulent pas envahir la région et nuire aux Kurdes. Ils disent qu'une action militaire se limitera aux combattants du PKK. Je crois que si les combattants du PKK cessent leurs opérations à l'intérieur de la Turquie, il n'y aura aucune intervention.

Awsat : On a dit qu'Al-Hashimi n'avait pas eu d'instruction offocielle pour mener sa mission à Ankara.

Talabani : Je crois que l'initiative du vice-président était louable, positive et excellente. Elle a eu tout mon soutien. Je crois que le frère Adil Abdul-Mahdi (aussi un vice-président) soutient aussi cette initiative. Elle peut donc etre vue comme une initiative du Conseil de présidence. J'ignore si Al-Hashimi avait coordonné ou non sa visite à Ankara avec le Premier Ministre. Quoi qu'il en soit, c'est une initiative louable.

Awsat : Cette initiative a été critiquée par le conseiller d'Al-Maliki, Sami al-Askari.

Talabani :Sami al-Askari parle trop.

Awsat : Avez-vous quelque chose à ajouter à vos dernières réactions sur les remarques faites par le président syrien Bashar al -Assad au sujet d'une intervention militaire turque au Kurdistan d'Irak ?

Talabani : J'ai entendu de mes propres oreilles les remarques du président Al-Assad et l'ai vu moi-même à la télévision. Avant tout je pense que ces remarques sont très sérieusement incompatibles avec l'esprit de solidarité arabe et celui de la solidarité et de la coopération syro-irakienne. Comment le président d'un pays arabe peut soutenir une intervention militaire contre la République d'Irak ? C'est un problème très grave qui nuit aux relations entre les deux pays.

Personnellement je me suis toujours retenu de commenter les positions syriennes dans un désir de préserver les liens de longue date avec la Syrie. Mais cete fois-ci je ne pouvais tolérer une telle prise de position dont la gravité dépassait tout. Le président syrien aurait mieux fait de dire la même chose que les Américains et les Européens, c'est-à-dire de préférer une solution politique en dépit de sa compréhension de la position turque.

Awsat : Comment expliquez-vous cette déclaration ?

Talabani : Je pense que la question doit être posée aux Syriens eux-mêmes. Je me demande pourquoi la Syrie agit de la sorte alors que nous sommes parvenus à nous accorder sur de nombreux points. J'ai rendu personnellement visite à la Syrie. Mon représentant Adil Abdul-Mahdi leur a rendu visite. Le Premier Ministre leur a rendu visite. Le ministre des Affaires étrangères syrien nous a rendu visite. Nous travaillons dans des commissions mixtes sur de nombreux projets. Je suis vraiment stupéfait de cette déclaration inamicale envers l'Irak.

Awsat : L'amendement sur le pétrole et le fait que le gouvernement du Kurdistan ait signé des accords pétroliers ont fait l'objet de critiques. Ne craignez-vous pas que cela créée des tensions ?

Talabani : Le cabinet et les cinq membres du Conseil ont approuvé la loi. Elle a été présentée au Conseil des représentants, qui l'a approuvé entièrement. Notre problème est que beaucoup de gens ne lisent pas attentivement les textes des lois et des résolutions. La loi dit que le pétrole est une ressource nationale et que ses revenus iront à l'Etat central, qui en retour les distribuera aux provinces selon la taille de leur populations et leurs besoins. De même la finalisation des contrats passera par l'Etat central, bien que les régions aient le droit de signer des cntrats ; c'est seulement la forme finale de ses contrats qui passe entre les mains de l'Etat. S'il ne les approuve pas, les contrats ne seront pas valides. Concernant les contrats de la Région du Kurdistan, ils n'ont rien à avoir avec la production du pétrole mais avec le stade initial de l'exploration. Quand nous aurons atteint le stade de la production et de l'exploitation, nous devrons en référer à Bagdad, comme le prévoit l'article 12 de la Constitution irakienne.

Nous pouvons donc voir que les positions kurdes ont été déformées. Le gouvernement régional ici insiste bien sur le fait que le pétrole est une ressource irakienne, que ses revenus doivent aller au gouvernement central de Baghdad, et que les contrats définitifs seront signés par le centre. Des problèmles ont été soulevés du fait que certaines dispositions de la Constitution ont été mal comprises. Les articles 100 jusqu'à 112 donnent aux régions le droit de participer à la rédaction initiale et à l'aménagement des contrats. Pourquoi avoir donné aux régions ce droit ? Parce que dans le passé les régions productrices de pétrole kurdes et arabes ont été privées du partage de ces revenus. Les Kurdes n'ont jamais demandé à monopoliser le pétrole et ses revenus. Nous ne voulons qu'appliquer les dispositions constitutionnelles et croyons que les revenus du pétrole doivent être partagés et distribués équitablement entre toutes les régions de l'Irak sans exception.

Awsat : Selon certains cercles, la loi prive des régions de ce partage des revenus.

Talabani : C'est faux. Ce serait une violation de la Constitution et de la loi qui est actuellement examinée par le Conseil des représentants.

Awsat : Quand sera votée cette loi ?

Talabani : La question doit être posée au Conseil des représentants.

Awsat : Quand aura lieu le référendum sur Kirkouk ?

Talabani : Il n'est pas possible de tenir le référendum cette année car le recensement n'est pas terminé et la normalisation de la situation n'est pas achevée. Une commission du ministère des sciences et technologies a commencé de dédommager les familles qui souhaitent revenir dans leur foyer d'origine. Celles qui ne le souhaitent pas ne seront pas chassées mais elles n'auront pas le droit de participer au référendum qui déterminera le sort de Kirkouk.

Awsat : Cela signifie qu'elles deviendront des citoyens de seconde zone, n'est-ce pas ? Est-ce que cela n'attisera pas les tensions ethniques et confessionnelles ?

Talabani : IL n'y a pas de raison pour que de telles tensions surviennent car ce qui est en train de se faire est une tentative de rectifier les erreurs perpétrées par l'ancien régime. Il a voulu modifier la démographie de la ville et lui imposer par force une arabisation. Je voudrais souligner que ce que nous vouslons faire est prévu par l'article 112 de la Constitution. Nous souhaitons appliquer cette disposition tout en tenant compte des droits des Turkmènes, des Chaldéens, des Assyriens et des Arabes qui vivent à Kirkouk depuis toujours. Je plaide pour que nous transformions Kirkouk en une autre Bruxelles avec les KUrdes, les Arabes, les Assyriens, les Chaldéens et les Turkmènes vivant ensemble. Si nous envisageons la questions d'un point de vue humanitaire, dans une perspective de normalisation, il n'y a aucune raison de rencontrer des problèmes. C=Les Kurdes chauvins disent : Kirkouk est une ville kurde et les non-Kurdes doivent partir. Les chauvins des deux côtés s'expriment de façon similaire.

Mais si nous considérons Kirkouk comme une ville de fraternité et de justice, il n'y aura pas de problème.

Awsat : Il y a une certaine tendance chez les Américains à vouloir réduire la présence militaire en Irak et même à se retirer d'Irak. Quelle est votre opinion sur cette question ? Comment voyez-vous l'avenir de la présence des Etats-Unis en Irak ?

Talabani : La meilleure solution est d'entraîner, d'armer, d'équiper les forces irakiennes. Nous voulons que leur nombre s'accroisse jusqu'à 15-17 divisions. Acutellement nous avons 12 divisions. Il est possible d'achever ce processus à la fin de 2008. Il est utile à cet égard d'utiliser l'aide des anciens cadres et leur expérience militaire. Par exemple, mon conseiller militaire est le lieutenant général Wafiq al -Samarrai, qui était directeur des services de renseignements militaires sous Saddam Hussein. De plus il est nécessaire de continuer d'armer les membres de la force de police irakienne. Actuellement seulement un poolicier sur cinq a une arme. Récemment nous avons conclu un accord avec la Chine pour qu'elle fournisse notre police en armement léger. Quand nous aurons des troupes de soldats et des forces de police bien entraînées, nous serons graduellement capables de nous passer d'une présence militaire étrangère et des forces de la Coalition. Nous sommes dékà en charge de la sécurité dans huit gouvernorats irakiens. A la fin de 2008 nous aurons la responsabilité de la sécurité dans tous les gouvernorats.

La question alors se pose ainsi : aurons-nous encore besoin des forces des Etats-Unis après cela ?

Ma réponse est celle-ci : Aussi longtemps qu'une menace étrangère existe et aussi longtemps que nous ne pouvons la repousser et empêcher les pays voisins plus grands d'intervenir dans nos affaires, la réponse est que nous continuerons d'avoir besoin d'une présence militaire américaine. Sommes-nous aujourd'hui capable d'empêcher une intervention turque ? Serons-nous capable d'empêcher l'Iran d'intervenir dans notre pays à l'avenir ? Si nous sommes sûrs qu'aucune intervention étrangère n'aura lieu et si nous réussissons à entraîner et équiper nos forces militaires, nous serons capables de dire aux armées étrangères : Merci et au revoir. Selon moi, les Etats-Unis peuvent retirer 100,000 hommes à la fin de 2007. Les forces restantes peuvent se retirer des villes dans 3 ou 4 bases et quand nous n'aurons plus besoin d'elles, elles pourront partir.

Awsat: Y a-t-il des plans pour conclure un accord de défense à long terme avec Washington qui prévoirait que les forces des USA resteraient en Irak ?

Talabani : Nous, les cinq dirigeants, avons affirmé le besoin d'établir une coopération stratégique avec les Etats-Unis. Si nous parvenons à un accord avec Washington qui serait acceptable pour les deux parties, nous le signerons. L'accord portera sur la présence de ces forces et la durée de leur séjour. Maintenant je voudrais revenir sur la question du retrait des forces américaines. Je voudrais affirmer que ce qui se prépare est un retrait et non une fuite. J'ai rencontré des officiels américaines et des candidats à la présidence américaine. Tous sont d'accord sur le fait que le retrait doit être une affaire organisée. Ils estiment qu'un retrait immédiat serait un désastre des deux côtés.

Awsat : Les relations américano-irakiennes s'inscrivent d'une certaine façon dans un triangle Irak-USA-Iran. Comment réussirez-vous à maintenir l'équilibre si les choses empirent et vont jusqu'à un conflit militaire entre Washington et Téhéran ?

Talabani : Je ne vois pas le problème de cette façon. Nous avons des relations avec Washington et Téhéran. Nous agissons sur la base de ce qui est bon pour l'Irak. Il est dans notre intérêt d'avoir de bonnes relations avec l'Iran à condition qu'il ne s emêle pas de nos affaires. Dans le même temps nous cherchons à avoir de bonnes relations avec les pays arabes. Personnellement, je m'efforce d'améliorer les relations de l'Irak avec l'Arabie saoudite, l'Egypte, la Jordanie et la Syrie. Il est dans notre intérêt de maintenir de bons liens avec notre environnement arabe. Sur la probabilité d'une guerre entre l'Iran et les Etats-Unis, nus ne pouvons empêcher une telle guerre. Ce que je peux dire est que nous cherchons à avoir de bonnes relations avec ces deux pays. Les relations entre l'Iran et les USA sont complexes. L'Iran joue un rôle en essayant de convaincre l'armée Al-Mahdi et d'autres groupes sur lesquels il a une influence de rester calmes et de s'abstenir de causer des problèmes. C'est une attitude nouvelle et louable. "

aawsat com via ekurdnet

La guerre de Troie aura-t-elle lieu ?

Dans La Guerre de Trois n'aura pas lieu, il y a un passage extraordinaire où, réunis seuls pour négocier, Ulysse et Hector, dont aucun des deux ne veut la guerre, essaient pathétiquement (Hector) et sans illusion (Ulysse) de sauver la paix, sachant qu'ils sont tous les deux dans le dos une foule patriocarde prête à en découdre joyeusement et férocement la fleur à la sagaie. Et quels que soient les efforts des plénipotentiaires, la guerre de Troie aura lieu parce qu'un écrivaillon avide de sang et de bruits de tambour aura tout fait pour qu'elle ait lieu, dût-il en perdre la vie lui-même.
Admettons qu'aujourd'hui Ulysse soit l'AKP au pouvoir et Hector le gouvernement d'Erbil, avec sur le dos une guerilla inutile, aussi encombrante et emmerdante et semeuse de désastres que la femme volage de Ménélas...
Hier, sur Peyamner, étaient repris des propos qu'aurait tenus Erdogan sur la chaine turque Channel 4, invitant le PKK à laisser les armes et à débattre dans un cadre parlementaire. La nouvelle semblait tellement énorme que je ne l'ai pas citée tout de suite. Aujourd'hui Xebat, le journal du PDK confirme en s'appuyant sur Milliyet.
Mais voilà, c'est ce jour-là, quatre jours après le vote de l'assemblée turque sur une possible intervention armée au Kurdistan d'Irak, c'est ce moment-là que le PKK choisit pour reprendre le combat, faisant 16 victimes de plus à Hakkari. Cette fois-ci, je ne vois même pas comment Erdogan et Gul peuvent faire pour juguler les bellicistes avec seize morts de plus et des prisonniers...
Et tout ça pour le profit de qui ? de quoi ? Hormis poignarder les Kurdes d'Irak dans le dos et faire tout pour nuire à la chance unique d'avoir un jour un Etat kurde sûr et autonome, si ce n'est indépendant, à quoi peut servir une telle attaque, cette fois-ci bien revendiquée par un reponsable planqué à Erbil ?
Tout cela a forcément un nom : si ce n'est de la connerie pure, c'est de la trahison. Oui, en ce moment, le PKK, une fois de plus, en refusant de se retirer du Kurdistan d'Irak, trahit la nation kurde.

samedi, octobre 20, 2007

Coup de projo sur : la zawiya Hilaliyah d'Alep


La zawiya Hilaliya est une branche alépine de la Qadiriyya, fondée en 1680 à Alep, dans le quartier Djalloum, par le cheikh Hilal Rami Hamdani. A l'époque de l'enregistrement (je ne sais si c'est toujours le cas) la zawiya était dirigée par le cheikh Jamal al-Dîn al-Hilalî, son descendant. Et naturellement, tous les vendredi, il y a dhikr... L'enregistrement n'est cependant pas un semâ "live" car c'est une prestation qui a été donnée à la Maison des cultures du monde en 2001 et le cheikh n'a pas fait le voyage. C'est le munshîd Muhammad Hakim qui dirige cette "reconstitution" théâtrale d'un dhikr, ce qui explique peut-être pourquoi ils sont plus calmes que leurs cousins kurdes de Sine.
Il faut souligner que la beauté de ces chanteurs alépins est portée aussi par une très belle poésie. L'ouverture loue Dieu, le prophète, et invoque le secours des grands fondateurs d'ordres soufi, dont bien sûr Ahmad al-Jilanî, le fondateur des Qadirî :
"...Les Jilanî m'apportent le réconfort, dans la misère et l'affliction,
Pars et vagabonde, grise-toi d'amour,
Et contemple le pouvoir et la gloire du Sublime,
Ô colombes, des dunes stériles à la verte vallée de 'Aqiq,
Vos roucoulement se changent en lamentations.
Êtes-vous comme moi abandonné par l'ami sincère ?"
La deuxième partie, Rakza, est accompagnée des tambourins (daf). Après une qasidah, en muwashhah un poème du fameux poète et grammairien syrien Abû 'Alâ al-Maarî (973-1057, auteur de l'épitre du Pardon, racontant un voyage au Paradis dont on dit parfois qu'il aurait pu inspirer Dante) :
"A la tombée de la nuit, mon désir devient insensé,
Plus fébrile à chaque battement de coeur.
L'eau de mon pays est la plus pure,
Mais il est vrai qu'il est aussi des liqueurs bien douces."
La troisième partie est le musaddar (moment où les soufis se balancent du buste et de la tête non pour se donner le mal de mer mais pour faire descendre sur eux le hâl d'extase) :
"...Qui est à l'origine de toute chose, sinon Muhammad ?
Combien de pleines lunes lui ont emprunté son éclat et sa lumière ?
Oui, il est l'astre pôlaire qui brille au firmament du devoir,
L'étoile qui contient toutes les créatures.
Par Dieu, toi le caravanier dont le chant encourage
Les chameaux porteurs de palanquins,
Pitié pour l'amoureux transi.
Ma nostalgie s'est nourrie du chagrin
Causé par l'amour de Taha le bienheureux..."
Après le Maqsûm, vient at-Taraqî, l'ascension, as-Sawî (encore avec les daf) et puis le bouillonnement khummarî, le moment le plus intense ; et puis dandana, la retombée, fin du dhikr et shahada, profession de foi.
"... Entre dans le jardin, ô compagnon,
Près de la chaire du prédicateur.
Ecoute ces mélodies merveilleuses comme de l'ambre, ces paroles éloquentes.
Nous nous tournames vers le guide, celui qui dissipe l'obscurité.
Ô habitants de l'oasis, je n'en peux plus de l'impatience
De vous revoir?
Soyez généreux, accordez votre grâce à l'amoureux transi."
(Notice Arwad Esber et traduction des poèmes Hiam Hammoui).

vendredi, octobre 19, 2007

Funérailles de Mehmed Uzun : arrestation du mollah

Lors des funérailles de Mehmed Uzun, des éloges funèbres et des prières ont été prononcés, dont un en kurde, lu par le mollah Nuri Tanrikulu.

Mal en a pris au mollah de prononcer la sourate de la Fatiha "pour le repos des Martyrs kurdes et du Kurdistan".

Du coup le bon mollah a été arrêté pour propagande terroriste par les Forces "antiterroristes" de Diyarbakir. (source avesta).

Donc voilà le texte subversif de la Fatiha, prononcé à la mémoire des Shahid kurdes que nous nous faisons un plaisir de répéter ici :


Au nom de Dieu clément et miséricordieux
1. Louange à Dieu souverain de l'univers,
2. Le clément, le miséricordieux,
3. Souverain au jour de la rétribution.
4. C'est toi que nous adorons, c'est toi dont nous implorons le secours,
5. Dirige-nous dans le sentier droit,
6. Dans le sentier de ceux que tu as comblés de tes bienfaits,
7. De ceux qui n'ont point encouru ta colère et qui ne s'égarent point. AMEN.

(trad. Kasimirski).

Qobad Talabani : Les Etats-Unis doivent défendre les Kurdes

Puisqu'on les bassine pour qu'ils restent dans un "Irak uni", autant en profiter. Le représentant du GRK aux Etats-Unis, Qobad Talabani (le fils du président irakien) a rappelé que les USA étaient tenus par l'ONU de protéger la région kurde de toute agression, même turque, puisque le Kurdistan se trouve être officiellement le "nord de l'Irak" : "Les Etats-Unis ont été mandatés par les Nations-Unies pour qu'ils protègent la souverainteté de l'Irak et sa population".
Cette résolution avait été effectivement votée après la défaite de l'Irak en 2003. Mais Qobad a ajouté qu'il espérait peu que Washington fasse du zèle pour remplir sa charge dans ce sens-là.
(source Washington Post).

Sur la route de Koya




Sur la route de Shaqlawa à Koya, on avait dit au chauffeur de s'arrêter dans le premier village attrayant. On avait fait hâte à Kelhesmer. Les habitants nous avaient vues comme tombées de la Lune.

Sanate

Photo souvenir prise par Roxane... L'évêque de Zakho, ses cousins, Sanate-le-bas, juste devant la frontière turque et en dessous du PKK à l'arrière... Moi, posée à côté d'un évêque, ça me change des sheikhs et des pîrs...

Concert de soutien à l'Institut kurde