mardi, juillet 31, 2007

Coran et Roumi


J'ai toujours aimé la traduction du Coran par Kasimirski. Parce que c'est une des plus belles ; elle claque, là où les autres paraissent plates. Naturellement, je suppose qu'un puriste va y trouver une foule de choses à redire, en y dénichant "erreurs et interprétations litigieuses", etc. Mais comme on ignore exactement quand a été recensée par écrit la version du Coran admise par les sunnites aujourd'hui (Othman sert de figure-repaire bien commode mais c'est plus compliqué que ça) ; qu'il y en avait au moins vingt variantes dans les premiers siècles ; que le grand poète Hafez, tirait son nom du fait qu'il savait par coeur les "14 recensions" ; qu'en plus de ça, les spécialistes de l'araméen s'y mettent à présent en expliquant que le Coran n'est compréhensible qu'en se référant à cette langue ; et que de toute façon il y en a toujours pour expliquer que le Coran est intraduisible, indéformable, inexplicable, etc., la question de la justesse mesurée au quart de poil de mouche me laisse froide. Idem pour les problèmes d'ordre et de numérotations. Ainsi on reproche à Kasimirski de n'avoir pas observé en 1840 la numérotation adoptée ... en 1923 (et de toute façon les numéros sont en plus, ça n'a jamais été dans le texte).

Mais certaines critiques dans leur ignorance, sont quand même des plus savoureuses. Ainsi pour prouver que cette traduction, c'est du n'importe quoi :

"Voici un bref exemple de la traduction de Kasimirski : la sourate 30 se nomme Al-Rum en arabe. Ce mot se traduit par Romains en français. Mais Kasimirski, lui, le traduit par Grec. Pourtant, il s'agit d'arabe élémentaire. Ce simple exemple démontre comment il interprète le Coran à sa manière au détriment du texte original. Le mot Grec en arabe se dit Al-Iounan. "

Or c'est Kasimirski qui a raison dans ses choix. Le Roum, à l'époque, c'est déjà le Grec, car cela désigne le Byzantin, le chrétien de rite grec, l'habitant d'Anatolie, bref le sujet du Basileus qui se désigne et se considère comme Romain pour des raisons historiques qui indifféraient absolument à Muhammad et aux Arabes. Quand il est dit :

"Les Grecs ont été vaincus
Dans un pays très rapproché du nôtre ; mais après leur défaite, ils vaincront à leur tour
Dans l'espace de quelque années. Avant comme après, les choses dépendent de Dieu."

Il s'agit d'une allusion politique précise à l'Empire byzantin et à sa guerre incessante contre les Sassanides, où un coup c'était le grec qui l'emportait, un autre le perse. Dans un texte français, il eût été absurde de garder "Romain" qui ne désigne pas la même époque ni le même empire. De même "roumi" dans un bouche d'un Maghrébin de l'époque coloniale veut dire tout simplement chrétien et non plus "romain" ni même "grec".

Roum est un mot qui a d'ailleurs pas mal changé de sens selon les populations car dans la langue kurde il a même fini par désigner non le Grec, mais le Turc. Ainsi, dans la version orale de Mamê Alan, Zîn dit : "Samê te pir e, mîna romiyane !" Ce que Roger Lescot traduit justement par "Tu es effronté comme un Turc !" et non comme un "Grec."

Bref j'aime bien la traduction de Kasimirski, d'autant plus qu'elle semble peu appréciée des Wahabbites, qui lui préfèrent une autre, comme il est indiqué :

Traductions suggérées


  • Muhammad Hamidullah
    P.S. Vous pouvez obtenir gratuitement cette copie en contactant l'ambassade d'Arabie Saoudite.

  • Quelques comparaisons, pour se faire une idée :


    Sourate 93

    Kasimirski :

    1. Par le soleil de la matinée,
    2. Par la nuit quand ses ténèbres l'épaississent,
    3. Ton Seigneur ne t'a point oublié, et il ne t'a pas pris en haine.
    4. La vie future vaux mieux pour toi que la vie présente.
    5. Dieu t'accordera des biens et te satisfera.
    6. N'étais-tu pas orphelin, et ne t'a-t-il pas accueilli ?
    7. Il t'a trouvé égaré, et il t'a guidé.
    8. Il t'a trouvé pauvre, et il t'a enrichi.
    9. N'use point de violence envers l'orphelin.
    10. Garde-toi de repousser le mendiant.
    11. Raconte plutôt les bienfaits de ton Seigneur.

    M. Hamidullah :

    1. Par le Jour Montant !
    2. Et par la nuit quand elle couvre tout !
    3. Ton Seigneur ne t'a ni abandonné, ni détesté.
    4. La vie dernière t'est, certes, meilleure que la vie présente.
    5. Ton Seigneur t'accordera certes [Ses faveurs], et alors tu seras satisfait.
    6. Ne t'a-t-Il pas trouvé orphelin ? Alors Il t'a accueilli !
    7. Ne t'a-t-Il pas trouvé égaré ? Alors Il t'a guidé.
    8. Ne t'a-t-Il pas trouvé pauvre ? Alors Il t'a enrichi.
    9. Quant à l'orphelin, donc, ne le maltraite pas.
    10. Quant au demandeur , ne le repousse pas.
    11. Et quant au bienfait de ton Seigneur, proclame-le.



    Sourate 101 :

    Kasimirski :

    1. Le coup. Qu'est-ce que le coup ?
    2. Qui te fera entendre ce que c'est que le coup ?
    3. Le jour où les hommes seront dispersés comme des papil­lons,
    4. Où les montagnes voleront comme des flocons de laine teinte,
    5. Celui dont les œuvres seront le poids dans la balance aura une vie pleine de plaisir.
    6. Celui dont les œuvres seront légères dans la balance aura pour demeure le fossé.
    7. Qui te dira ce que c'est que ce fossé ?
    8. C'est le feu ardent.


    M. Hamidullah :

    1. Le fracas !
    2. Qu'est-ce que le fracas ?
    3. Et qui te dira ce qu'est le fracas ?
    4. C'est le jour où les gens seront comme des papillons éparpillés,
    5. et les montagnes comme de la laine cardée;
    6. quant à celui dont la balance sera lourde
    7. il sera dans une vie agréable;
    8. et quant à celui dont la balance sera légère,
    9. sa mère [destination] est un abîme très profond.
    10. Et qui te dira ce que c'est ?
    11. C'est un Feu ardent.


    Sourate 113 :

    Kasimirski :

    1. Dis : Je cherche un asile auprès de Dieu dès l'aube du jour,
    2. Contre la méchanceté des êtres qu'il a créés,
    3. Contre le malheur de la nuit ténébreuse quand elle nous sur­prend,
    4. Contre la méchanceté des sorcières qui soufflent sur les nœuds,
    5. Contre le malheur de l'envieux qui nous envie.


    M. Hamidullah :

    1. Dis : "Je cherche protection auprès du Seigneur de l'aube naissante,
    2. contre le mal des êtres qu'Il a créés,
    3. contre le mal de l'obscurité quand elle s'approfondit,
    4. contre le mal de celles qui soufflent (les sorcières) sur les noeuds,
    5. et contre le mal de l'envieux quand il envie ".


    lundi, juillet 30, 2007

    Pétition en ligne : Deux journalistes kurdes condamnés à mort en Iran


    Pétition en ligne adressée au Secrétaire des Nations-Unies, au Haut-Commissaire des droits de l'Homme de l'ONU, au président de la République d'Iran, au chef de la Justice iranienne.

    "Deux journalistes kurdes iraniens, Adnan HASSANPOUR et Hiva BOTIMAR, ont été condamnés à mort le 16 juillet 2007 par le « Tribunal révolutionnaire » de Marivan pour « espionnage », vient-on apprendre à Paris.

    Ils viennent d’être transférés à la prison centrale de Sanandaj, capitale de la province du Kurdistan, en vue de l’exécution de leur condamnation.

    Collaborateurs du magazine ASO (Horizons), publié en kurde et en persan à Sanandaj, ces deux journalistes avaient été arrêtés fin décembre 2006 par la redoutable police politique iranienne ITILAAT. Lors de leur détention dans la prison de Marivan, ils ont été sévèrement torturés. Pour protester contre ces sévices, ils ont dû, à plusieurs reprises, faire des grèves de la faim.

    L’arrestation de ces deux journalistes kurdes pacifiques, dont l’un est engagé dans un mouvement écologiste, fait partie d’une vaste campagne de répression lancée par le régime du président iranien Ahmedinejad contre « les ennemis intérieurs ». Au cours des dernies mois environ 150 intellectuels, journalistes, et représentants de la société civile kurde ont ainsi été arrêtés. La plupart d’entre eux risque de lourdes condamnations par l’appareil judiciaire d’un régime dont le fondateur, l’ayatollah Khomeini avait dès août 1979 qualifié d’ « ennemis et d’enfants de Satan » les millions de Kurdes du pays qui ont le tort de ne pas être chiites et de revendiquer un régime laïc et démocratique.

    Sans une intervention urgente de la communauté internationale, les deux journalistes kurdes risquent d’être exécutés. Leur martyre pourrait ouvrir la voie à des exécutions en chaine d’autres prisonniers politiques kurdes et iraniens.

    Les Kurdes, au nombre d’environ 10 millions de personnes en Iran, peuplent majoritairement quatre provinces (ostan) de l’ouest iranien contigües au Kurdistan d’Irak et de Turquie."

    Qandil : une opération américano-turque ?

    Selon le Wahsington Post, une opération conjointe des Etats-Unis et de la Turquie contre les bases du PKK de Qandil serait en préparation.

    L'éditorialiste Robert Novakprésnete cette opération comme visant à éviter une invasion turque de "l'Iraq" ainsi que l'ouverture d'un second front .

    En gros la présence américaine empêcherait les peshmergas du Kurdistan de s'attaquer aux forces turques qui oseraient franchir la frontière, et viserait aussi à rassurer Erbil sur la cible réelle des militaires turcs : le PKK et non tout le Kurdistan, Kirkouk en prime. La question est de savoir si le Gouvernement du Kurdistan acceptera de bon gré l'incursion. Si elle ne vise qu'à débarrasser Qandil des bases PKK, cela ne changera rien pour le GRK, voire même pour le PKK qui s'éclipsera probablement à temps.

    Cela peut avoir des incidences au "soutien" supposé des USA au PJAK iranien et en tout cas n'amoindrit pas les difficultés d'une telle opération. Qandil reste un point assez difficile à attaquer, et si des pertes turques ne crééront pas un maëlstrom politique dans l'opinion turque (des soldats ils en perdent tous les mois, et pas en Irak), la Maison Blanche aura peut-être quelques difficultés à justifier quelques morts américains partis se battre contre des Kurdes qui, après tout, ne menacent ni l'Iraq ni l'Europe ni l'Amérique. Robert Novak se demande si cela vaut la peine, uniquement pour calmer la Turquie, de refroidir les relation avec les Kurdes d'Irak. L'ennui est que les Etats-Unis voudraient rester en bons termes avec leurs deux alliés, les Turcs et les Kurdes, afin de se dégager le plus vite possible du pays.

    Le Premier ministre irakien, le chiite Nouri al-Malikî est attendu en visite officielle en Turquie, à la mi-août. Il n'est pas chaud du tout pour une intervention turque et en plus comptait peut-être accepter le renfort de 12.000 peshmergas kurdes pour protéger dans les zones irakiennes les installations électriques. Si ça se trouve, les peshmergas vont être fort occupés ailleurs dans les semaines ou les mois qui suivent.

    samedi, juillet 28, 2007

    Curieuse affaire

    Selon la télévision turque TRT, un attentat-suicide a eu lieu à Qandil, tuant 4 commandants du PKK et le kamikaze lui-même. Il y aurait également plusieurs blessés.
    Un membre du PKK se serait ainsi fait sauter à l'explosif en pleine réunion réunissant de hauts cadres, dont parmi eux Riza Altun, nouvellement arrivé de France via l'Autriche, et dont la fuite a provoqué quelques tensions turco-autrichiennes.
    Les attentats suicide du PKK n'ont jamais été très nombreux et visaient surtout les casernes et les gendarmeries turques du sud-est. Avec les activités récentes du mystérieux groupe terroriste TAK, les kamikazes kurdes ont fait leur apparition dans l'ouest de la Turquie. Si les règlements de compte parfois violents entre commandants du PKK ne sont pas rares, c'était plutôt à coups de feu que l'on réglait cela. OSman Öcalan se prit ainsi une balle dans le mollet, quelques années avant sa fuite du PKK, alors qu'il était en plein conflit avec Cemil Bayik. Plus tard, des transfuges du PKK passés au PWD (nouveau parti fondé par Osman Öcalan) ont été assassinés par le PKK. Un attenta-suicide au sein même de leur fief est assez inédit. S'agirait-il d'un acte inspiré par Ankara pour étêter la guerilla de façon plus sûre et plus habile qu'une expédition militaire hasardeurse ? Ou bien est-ce un étêtement juste avant l'assaut afin de désorganiser l'adversaire ? S'agit-il de façon encore plus dérisoire de l'acte isolé d'un membre psychiquement déséquilibré ? ( la vie quotidienne à Qandil a de quoi rendre psychotique n'importe quelle personne saine d'esprit).
    Pour le moment, de toute façon, on ignore encore le nom des victimes.

    Cette semaine, coup de projo sur : Firik Dede


    Vieillard magnifique, il vient de mourir à 106 ans. Ce dede d'Ovacik était une des mémoires vivantes du Dersim.

    jeudi, juillet 26, 2007

    Ecriture géométrique : le Kurdistan 2 fois sur le podium

    Inscription de Kaftarlou
    Photo CHN News Agency

    A Shahryar, au Kurdistan d'Iran, une inscription géométrique a été découverte dans le tell de Kaftarlou, région d'Akhtarabad. En raison de sa similarité avec l'écriture dite géométrique des tablettes d'argile du site de Suse, elle est estimée remonter à 5000 ans.

    Ce n'est cependant que la seconde inscription en ancienneté trouvée en Iran, la plus ancienne ayant été également découverte dans le nord de la province du Kurdistan iranien, à Kan Tcharmî. Selon l'archéologue Reza Moradi Ghiasabadi, la similarité des signes utilisés avec ceux de Suse permettent d'estimer cette inscription à au moins 4200 to 4500 ans. Mais d'un autre côté, le fort taux d'oxydation peut aussi signifier que l'inscription est plus ancienne.

    Cette découverte pourrait aider à retracer l'expansion de l'écriture géométrique en Iran. une autre a été retrouvée sur le site de Djiroft, à Konar Sandal, dans la province de Kerman, et remonte au 3° millénaire avant J.C. Mais cette dernière inscription est plus élaborée, ce qui laisse penser que l'écriture de Kaftarlou pourrait remonter à 5500 ans.

    L'inscription s'avère malheureusement difficile à déchiffrer en raison de son mauvais état de conservation. Seuls 10 signes ont pu être identifiés, et encore ils ne sont pas dans le bon ordre. Malgré cela, le fait que l'écriture de Suse ait été décodée par Walter Hintz peut aider dans le déchiffrage de l'inscription de Kaftarlou.

    "Les représentation d'animaux tels que la chèvre, le verrat, le chameau, et des scènes de chasse, sont également visibles à côté. Leur étude permet d'avoir une idée de l'environnement et des condtions de vie dans la plaine de Shahryar et offrir aussi un aperçu du développement de l'élevage", a expliqué Ghiasabadi. Ils aident aussi à dater de façon plus pointu l'inscription.

    Détail pittoresque, sur l'inscription de Kaftarlou figure une petite phrase écrite en arabe coufique, "La ilaha illa Allah" (pas de dieu sinon Dieu) datant naturellement de la période islamique (vers 651, soit vers l'année 30 de l'hégire). Loin de s'en plaindre, l'archéologue explique que l'existence de ces inscriptions datant de la période islamique sont précieuses pour déterminer l'âge exact de celle de Kaftarlou. Elles permettent en effet de comparer les taux d'oxydation entre les deux écritures.

    Mais en raison de son mauvais état, le texte de Kaftarlou ne peut espérer être déchiffré avant plusieurs années.

    source Cultural heritage News Agency.

    mercredi, juillet 25, 2007

    TV, Radio : Bartholoméos Ier, Crossing the bridge, Olof Palme, Turquie, Arménie, Gilles Veinstein

    TV :

    Dimanche 25 juillet à 20h50 sur KTO : Bartholoméos Ier, un patriarche ; documetnaire de Jacques Debs, France 2002, rediffusion). rediff. le 31/7 à 14h15, le 2/8 à 10h55, le 3/8 à 18h20.

    Présentation assez haute en couleurs et drôle de Jean Belot sur Télérama :

    "L'homme, d'abord. Batholoméos Ier est modeste, sa simplicité tranche sur les riches décors qui l'entourent, et son humour sur la pompe dorée qui l'accable. Coquet avec ça - pour preuve, un flacon d'Eau sauvage entraperçu -, et friand de chocolats, qu'il offre à tout bout de champ. Humain, quoi. Capable aussi de colères noires, paraît-il. Mais le patriarche oeucuménique de Constantinople, primat de l'orthodoxie chrétienne, en impose. Il ne badine pas avec sa fonction et ne mâche pas ses mots quand le Vatican ou le gouvernement d'Istanbul, entend réduire la plénitude de ses pouvoirs : va pour le dialogie interreligieux et l'unité des chrétiens, mais pas question de limiter son influence ou de le placer sous la tutelle de Rome ; il n'apprécie pas davantage que vingt facultés de théologie musulmane prospèrent en Turquie quand la seule école de théologie orthodoxe du pays est fermée depuis trente ans.

    Après la disparition de l'URSS, les cartes de l'orthodoxie ont été redistribuées, et Bartholoméos veille adroitement à les regrouper sous son étendar, mais la partie n'est pas simple du côté de Belgrade. Diplomate en diable - observez la suavité aigre-douce de la rencontre entre le nonce et le patriarche -, il présente un visage empreint de fermeté et de bienveillance, de ténacité et de patience. Sûr qu'il la fera rouvrir, son école de théologie. Et que les orthodoxes ont à leur tête un chef pas ordinaire."

    Lundi 26 juillet, à 20h55, sur TPS Star : Crossing the Bridge, de Fatih Akin, film documentaire sur Istanbul, 2005.

    Mercredi 1er août, à 11h30, sur Planète : Assassinats politiques : Meurtre à Stockholm ; Qui a tué Olof Palme ? Documentaire de Nagel Burkhard et Klaus D. Kapp, france, 2004. On avait un temps, entre autres, accusé le PKK de façon peu convaincante, jusqu'à l'éminent et inénarrable Abdullah Öcalan, affirmant benoîtement de sa cellule d'Imrali, que son ex-femme d'être la meurtrière. Au-delà des élucubrations apoïesques, 21 ans après, rien n'est élucidé.

    Radio :

    Samedi 28 juillet à 6h00 sur France Culture : Sur les docks - Turquie/Arménie, histoire d'un dialogue (rediff.).

    Non la colonisation, ce n'est pas qu'une histoire "blanche et européenne". Série d'émission sur l'histoire de la colonisation, qui n'épargne personne. Après les Russes, les Belges, l'Italie, et avant le Japon, une présentation de la colonisation ottomane :

    Jeudi 2 août à 20h30 sur France Culture : Histoire de la colonisation - L'idée d'Empire chez les Ottomans. Conférence de Gilles Veinstein (EHESS, Collège de France), auteur de Syncrétisme et hérésies dans l'Orient seldjoukide et ottoman.

    Orhan Pamuk : "Un désir agressif d'écrire"

    Photo Olivier Roller

    Titre qui peut sembler curieux pour un article consacré à Orhan Pamuk, dont les livres et la personnalité dégagent tout ce que l'on veut, sauf de l'agressivité... Enfin, papier complet à lire en ligne sur Télérama.

    lundi, juillet 23, 2007

    Elections turques : résultat dans la Région kurde

    Voici les résultats dans les principales villes kurdes ou de l'est. Comme d'habitude et sans surprise, l'AKP domine :

    Voici les candidats DTP élus. Pour ceux qui connaissent, c'est pas e dessus du panier de la politique kurde, mais je suppose que les moins cons (ou les moins dociles) ont pas eu envie d'y aller...

    1-Diyarbekir: AKIN BİRDAL - 46.455 % 14,01
    2- Diyarbekir: AYSEL TUĞLUK - 37.325 % 11,25
    3- Diyarbekir: GÜLTAN KIŞANAK - 35.774 % 10,79
    4- Diyarbekir: SELAHATTİN DEMİRTAŞ - 28.300 % 8,53
    5- Dersim (Tunceli) : ŞERAFETTİN HALİS - 7.310 % 24,22
    6- Bîtlîs: MEHMET NEZİR KARABAŞ - 16.638 % 16,37
    7- Hakkari: SABAHATTİN SUĞVACI - 11.643 % 22,26
    8- Hakkari: HAMIT GEYLANI - 8.386 % 16,03
    9- Istanbul (3° circonscription) : SEBAHAT TUNCEL - 20.709 % 3,53
    10- Mardin : AHMET TÜRK - 39.698 % 21,30
    11- Mardin : EMİNE AYNA - 25.632 % 13,75
    12- Mûsh: SIRRI SAKİK - 13.975 % 15,07
    13- Siirt: OSMAN ÖZÇELİK - 22.883 % 26,02
    14- Ûrfa: İBRAHİM BİNİCİ - 26.027 % 6,92
    15- Van: FATMA KURTULAN - 38.373 % 16,45
    16- Batman: AYLA AKAT ATA - 28.153 % 19,70
    17- Batman: BENGİ YILDIZ - 26.097 % 18,26
    18- Sirnak : HASİP KAPLAN - 24.777 % 38,28
    19- Sirnak : SEVAHİR BAYINDIR - 12.902 % 19,93
    20- Igdir: PERVİN BULDAN 11.620 % 25,54
    21- Van: ÖZDAL ÜÇER - 26.101 % 9,89
    22- Istanbul (1° circonscription: MEHMET UFUK URAS - 38.919 % 3,58
    23- Mersin : ORHAN MİROĞLU - 38.995 % 6,25
    24- Mûsh M.NURİ YAMAN - 14.271 % 14,48


    dimanche, juillet 22, 2007

    Cette semaine, coup de projo sur : Kani Karaca



    Puisqu'il semble que l'AKP soit en passe de remporter les élections et que le CHP soit le grand perdant, on risque d'entendre hurler encore un bon moment les "gardiens de la laïcité" turque en uniforme prêt à proclamer la patrie en danger à chaque fois qu'une fille se noue un foulard sous le menton. Comme il va falloir qu'ils s'habituent à vivre dans une dangereuse république islamique, on leur dédie ces chants soufis interprétés par Kani Karaca avec, en prime, la récitation de la Fatiha ou Sourate I du Coran. Nul doute qu'ils apprécieront.





    Kani Karaca, né en 1930 est mort récemment, en 2004. Originaire d'Adana, il devint aveugle à l'âge de 2 ans. Son infortune contribua sans doute à développer sa mémoire. A l'âge de 11 ans il commença de réciter le Coran tout en étudiant les sciences religieuses. Cela ne l'empêcha pas de poursuivre plus tard des études de musicologie et en plus de ses talents de récitation coranique, il interpréta avec talent des chants classiques et religieux.

    vendredi, juillet 20, 2007

    Vie de Malek Jân Ne'matî


    Parution récente (avril 2007) aux éditions Diane de Selliers d'un ouvrage consacré à Malek Jân, la soeur de l'Ostad Nûr Alî Elahi, et désignée par ce même frère Sheikh ahl-e Haqq, malgré son sexe.

    Le livre est en fait composé de deux parties, la première étant une biographie, heureusement replacée dans le contexte historique de l'Iran du début du 20° siècle, avec également une présentation succincte, mais assez claire pour les non-initiés, de ce qu'est la secte des Kurdes Ahl-e Haqq ou Yarsan. Les figures spirituelles de son père Hadjî Ne'mat et de son frère sont bien sûr prégnantes dans ce parcours religieux et font regretter que des biographies et des études vraiment poussées ne leur aient pas été consacrées, de même que l'essentiel de leurs ouvrages n'ont pas été traduits du persan.

    Par moment, la biographie frôle l'hagiographie tartignolle et les faits les plus intéressants sont juste effleurés : l'opposition des autres clans ahl-e haqq, puissantes familles de sheikhs, à ce yarsanisme "réformé", le problème de l'appartenance ou non des Ahl-e Haqq à l'islam, sous le voile d'une prudente taqiyah ; certaines dissensions familiales juste évoquées de façon allusive ; les Yaresan face aux Gardiens de la Révolution après 1979... Quant à l'enseignement de Nûr Alî Elahî ( que Malek Jân avait pris pour murshîd) il faut se reporter à d'autres ouvrages (cités plus bas) pour le comprendre mieux.

    Suit dans la seconde partie une traduction de certains de ses poèmes mystiques (mais pas transcendants) et un extrait de questions-réponses entre fidèles et murshid. Les "dits" de Malek Jân qui ont été choisis ici s'adressent visiblement à un public occidental, avec tous les ingrédients faits pour le rassurer, : la condition féminine, avec notamment l'accession aux femmes de rites réservés aux hommes (comme le souligne drôlement Leili Anvar : "Dans son milieu cette décision fait figure de véritable révolution. Ce serait un peu comme si mère Thérésa avait décrété quelque part dans un village reculé que les femmes pouvaient être ordonnées prêtres", comme quoi on est plus évolué à Kermanshan qu'à Rome) ; l'absence de condamnation de l'homosexualité (car paradoxalement, dans nos sociétés "libérées" des interdits religieux, nos contemporains n'ont de cesse de faire avaliser leurs pratiques sexuelles - à défaut de les faire bénir - par un leader religieux ou un autre, fût-ce le plus exotique) ; l'insistance sur les bienfaits de la science, etc. Bon, ouf, on respire : bien qu'Iranienne et religieuse, Malek Jân était féministe, anti-homophobe, anti-anti-IVG, et probablement écologiste, même si sa mort en 1993 ne lui a peut-être pas laissé le temps de se prononcer sur les OGM et le problème de la couche d'ozone.

    En conclusion, un livre qui peut donner envie d'en savoir un peu plus sur les Yaresan (dont la religion et les très beaux hymnes avaient été partiellement traduits par Mohammad Mokri qui vient tout juste de mourir) et faire comprendre au public moyen que le Moyen-Orient est quelque chose d'un peu plus varié en ethnie et croyances qu'un vaste Petrolistan arabophone et musulman.

    Autres ouvrages facilement disponibles en français sur les Ahl-e-Haqq :

    - L'Esotérisme kurde de Nûr Alî-Shâh Elâhî, traduit, introduit, commenté et annoté par Mohammad Mokri, Albin Michel.
    - La Voie de la perfection ou l'enseignement secret d'un maître kurde en Iran, Bahrâm Elâhî, Albin Michel.
    - Connaissance de l'âme, Ostad Elahî, éd. L'Harmattan.
    - Musique et mystique dans les traditions de l’Iran, Jean During, Institut français de recherche en Iran, 1989

    Discographie :

    Chant du Monde a heureusement réédité les enregistrements de l'Ostad Nûr Alî.


    Mort du Khalife Mirza Agha Ghowsî

    Nous en avions parlé il y a peu, avec la présentation du double CD enregistré par Jean During à Sine. Le sheikh Khalife Mirza Agha Ghowsî, joueur réputé de daf est mort le 17 juillet. (source Peyman Nasehpour via ekurd.net)

    "Sud-est" : Elections J-2

    Petite scène de vie intéressante sur le déroulement de la campagne électorale dans les régions kurdes : comment les candidats déjouent le fait que les électeurs illettrés puissent avoir du mal à reprérer leur candidats sur les listes, et l'absurdité de ces meetings sous surveillance où le public parle en kurde et où le candidat n'a le droit de ne répondre qu'en turc sous peine de prison... En tout cas, 80 ans d'intense turcification ne semblent guère concluants en ce qui concerne la compréhension et l'alphabétisation en langue "officielle". On ne peut pas dire que la colle de la "citoyenneté turque" aient bien pris sur la population du Sud-Est...

    Sinon, pirouettes ou jeu de chaises musicales ? Dans un meeting à Bingol hier, Leyla Zana y est allée de son couplet "séparatiste" en proclamant : "Je ne suis pas Diyarbakrî, je suis Kurdistanî. Ici, ce n'est pas "l'Est" ou le "Sud-Est", c'est le Kurdistan." (source net kurd).

    Aurait-elle été piquée par la mouche nationaliste, elle qui hurlait trois ans auparavant, notamment au Parlement européen son attachement à la République turque, à la citoyenneté turque, et tenait en fait, presque mot pour mot, l'actuel discours d'Ayse Tugluk, la présidente du DTP ? Le fait que cette dernière ait supplanté la première dans son rôle fétiche "la voix d'Apo" explique peut-être cela. Soit, vexée de s'être fait supplantée, Leyla Zana se met à jouer la partition "kurdistanî", -en se rapprochant de la ligne Karayilan ?-, soit, exceptionnellement retors et organisé, le DTP a décidé de ménager la chèvre kurde et le chou turc, en tenant parallèlement deux discours totalement en contradiction, d'un côté celui de la grande fraternité sous la République turque, de l'autre en flattant ceux que le statut de la région fédérale du Kurdistan en Irak fait rêver... La stratégie du ratissons large...

    Cela dit, Ayse Tugluk, "parachutée " à Diyarbakir et dont tous les médias kurdes relèvent, en s'en gaussant, la méconnaissance totale de la langue kurde, a sans doute besoin de quelques soutiens tricolores (rouge-vert-jaune) pour persuader les électeurs de son intérêt réel pour la cause du Sud-Est. Quant à Osman Baydemir, l'actif maire de Diyarbakir, il n'est pas dans la course, sans doute trop avisé pour affronter en "indépendant" celle que l'on surnomme la "chienne de garde" d'Apo, peut-être aussi assez lucide sur le peu de marge de manoeuvre qu'auront les députés DTP ou indépendants étiquettés "kurdes" au Parlement turc : il est à parier que coincés entre les sourcilleux nationalistes prompts à saisir le parquet pour la moindre "menée séparatiste" et les "injonctions" à des initiatives plus ou moins fumeuses ou opportunes du PKK, ces députés, s'ils gagnent des sièges, peuvent s'attendre à des mandats difficiles.

    jeudi, juillet 19, 2007

    Baskin Oran en vedette

    Il permet aux journaux français voulant traiter des élections turques de s'échapper un peu du manichéisme lassant : AKP "Islamistes" vs "laïcs" CHP, sans paraître favoriser l'un ou l'autre camp. Baskin Oran cette semaine remporte la vedette avec un article dans Le Monde et un dans Libé. A quand le Figaro pour faire le grand chelem ?

    Parution : Etudes kurdes Hors-Série n°2



    "La Ligue Khoyboun (« Être soi-même ») se trouve à la base de la conceptualisation du nationalisme kurde moderne en Turquie. Ce comité, créé en 1927, vise à réaliser l’union de tous les Kurdes, sans distinction de religion, de dialecte et de classe sociale, dans un Kurdistan indépendant.

    La modernité de la Ligue Khoyboun réside aussi dans l’importance accordée par ses dirigeants à sa propagande politique. Cette propagande est couplée avec un investissement important dans les contacts diplomatiques, pour la plupart officieux, avec les acteurs étatiques (Iran, France, Grande-Bretagne, Italie, Union Soviétique) et non étatiques de la région (les Arméniens et l’opposition turque). Ce faisant, le Khoyboun réussit à s’insérer dans un système d’alliances politico-militaires et, de la sorte, devenir un acteur régional incontournable, par exemple lors de la révolte de l’Ararat.

    Le Khoyboun est également à l’origine de diverses associations et comités kurdes créés dans le Nord syrien et dans les grandes villes du Levant comme Alep, Damas et Beyrouth, de sorte que l’on peut considérer la Ligue comme une « école » du nationalisme kurde. En outre, les dirigeants de la Ligue Khoyboun, notamment les frères Djeladet et Kamuran Bedir Khan, vont jouer un rôle déterminant dans le mouvement de renaissance culturelle en dialecte kurmandji. Bien que les activités prometteuses des frères Bedir Khan se voient freinées par le départ des Français du Levant et par l’indépendance syrienne, le travail réalisé sur la langue et la culture kurdes, durant les années 1930 et 1940, revêt une grande importance car il deviendra la base d’une nouvelle période de développement de la langue kurde à partir des années 1980, cette fois-ci en Europe occidentale.

    Les intenses activités de propagande du comité, et la « reconversion » d’une bonne partie des membres de la Ligue Khoyboun en « historiens », ont donné lieu à ce que l’on pourrait appeler les « archives kurdes » de la période postérieure à la fondation de la République turque . Ces documents témoignent de l’évolution du mouvement nationaliste kurde, ainsi que d’événements importants dans l’histoire contemporaine des Kurdes de Turquie. Ils constituent donc une source incontournable pour le chercheur, même si la prudence est de mise devant des documents profondément marqués par l’idéologie nationaliste, et qui ont comme objectif principal la légitimation du combat mené par le Khoyboun. Qui plus est, grâce à ces documents, les dirigeants du Khoyboun sont devenus des héros, hors de toute analyse critique, et ont nourri l’imaginaire national des nouvelles générations de nationalistes kurdes.

    Parallèlement, l’exil des intellectuels kurdes dans les territoires sous Mandat français en Syrie et au Liban, explique la position centrale de la France, et dans une moindre mesure de la Grande-Bretagne dans la production d’archives diplomatiques largement inexploitées, concernant les activités du Khoyboun entre 1927-1944.

    Pour ces raisons, nous avons voulu faire un double travail. D’une part, nous avons mis en valeur des documents, pour la plupart inédits, élaborés par le Khoyboun et par les services de renseignements français et britanniques. D’autre part, nous avons introduit, à l’aide des archives, mais aussi de commentaires, des éléments qui invitent à une relecture sur la portée réelle des activités du Khoyboun dans l’évolution du nationalisme kurde de l’entre deux-guerres. De la sorte, nous espérons avoir contribué à poser les bases pour une meilleure connaissance, plus proche de la réalité et plus éloignée des mythes, de l’organisation qui transforma à toujours le nationalisme kurde en Turquie."

    Jordi Tejel


    ***

    SOMMAIRE

    • La Ligue Khoyboun (1927-1944) à travers les archives. Mythes et réalités de la première organisation nationaliste kurde
    • La formation du Khoyboun au Liban
    • L'organisation du mouvement
    • Le Khoyboun et l'alliance kurdo-arménienne
    • Programme et doctrine du Khoyboun
    • Le Khoyboun et la révolte de l'Ararat (1927-1931)
    • Crise et réveil du Khoyboun
    • La fin du Khoyboun

    DOCUMENTS

    • Original et traduction du sermon de fidélité au Khoyboun et à la cause kurde ;
    • Résumé des statuts de la Ligue Khoyboun ;
    • Liste française des membres et branches du Khoyboun ;
    • Liste britannique des membres et branches du Khoyboun (1) ;
    • Liste britannique des membres et branches du Khoyboun (2) ;
    • Résumé de la lettre et du pamphlet rendus par le chef yézidi Ismaïl bey du Sindjar aux autorités britanniques ;
    • Traité de collaboration arméno-kurde de 1927 ;
    • Programme du Khoyboun ;
    • Rapport français sur l'interdiction de deux disques kurdes sur la révolte de Cheikh Saïd ;
    • Lettre de Sureya Bedir Khan à son frère ;
    • Entrevue entre le consul turc et Kamuran Bedir Khan en 1932 ;
    • Résumé d'un pamphlet de la Ligue Khoyboun, septembre 1928 ;
    • Liste de villages kurdes détruits selon la brochure The Case of Kurdistan against Turkey ;
    • Appel à la révolte (1) ;
    • Appel à la révolte (2) ;
    • Entrevue de Djeladet Bedir Khan avec le consul turc ;
    • Défense de Chukru Sekban des thèses turques sur les origines des Kurdes ;
    • Proclamation, occupation et création de la République kurde de l'Ararat ;
    • Appel de Sureya à l'aide des Britanniques en 1929 ;
    • Cachet du Khoyboun soulignant l'importance des revues dans la vie d'une nation ;
    • Statuts et programme de la Société de Bienfaisance pour l'aide des pauvres Kurdes de la Djézireh ;
    • Résumé du document saisi par le Khoyboun aux Turcs et adressé à M. Churchill ;
    • Lettre de Khoyboun à son Excellence Monsieur Churchill ;
    • Rapport sur la situation politique interne dans les vilayets de Bitlis, Diyarbekir, Van, Hakkari, Mush, Mardin, Urfa et Siirt ;
    • Notes.

    mercredi, juillet 18, 2007

    Travel is dangerous for birds and men


    "Un philosophe ishrâqî n'oublie jamais que sa philosophie est fait pour le conduire ailleurs."

    Henry Corbin, préface au Vade-mecum des Fidèles d'Amour.

    Radio : Turquie, Arménie, Sharam Nazeri

    Toute la semaine prochaine, sur France Culture :

    Sur les Docks - Turquie/Arménie, esquisse d'un dialogue. Rencontre entre un Turc (37 ans) et un Arménien (65 ans) exilés en France. Par H. Basarslan et J. Kehayan. Rediff. de l'émission de novembre 2006.

    • Lundi 23 juillet : Reportage : Istanbul-Bolis, la ville-monde.
    • Mardi 24 juillet : Retour à Trabzon (Trébizonde) sur les lieux de mémoire de la famille de Jean.
    • Mercredi 25 juillet : Kharpout, la ville du père de Jean.
    • Jeudi 26 juillet : Esquisse d'un dialogue.


    Par ailleurs peyamner.com annonce un concert de Shahram Nazeri à Paris cet automne, dans le cadre de l'année Rumî, mais sans préciser le lieu ni la date, seulement qu'il se produira avec Daryush Talaï et son fils Hafez Nazeri.

    La question kurde en Syrie en passe d'être résolue ?

    Alors que dans l'opposition arabe syrienne, ou bien celle des Frères musulmans, l'évidence se fait, peu à peu, qu'on ne pourra éternellement étouffer en Syrie la Question kurde, le président syrien Bachar al-Assad, entre deux tirs essuyés et évités de justesse (parfois de la part de son propre clan), essaie de réparer l'effet désastreux du Serhildan kurde de 2004 et l'assassinat du Sheikh Ma'ashuq al-Xiznewî en 2005. Il vient d'annoncer de prochaines mesures pour réintégrer dans la citoyenneté syrienne les dentaines de milliers de Kurdes de Djezrireh qui avait été déchu de leur nationalité en 1962 dans un plan "d'arabisation" de la zone frontalière. Le statut de ces Kurdes apatrides sur leur propre sol est la revendication n°1 des partis kurdes syriens, dont Yekitî, qui a commencé dès les années 2000 à organiser des manifestations publiques et des sit-in.

    Occupation kurde à Kirkouk ?


    Histoire de faire encore plus hurler la Turquie, le ministre de la Défense irakien a obtenu des Kurdes que 6000 peshmergas soient déployés entre Kirkouk et Baisdji afin de protéger les pylones électriques et les raffineries, l'accord définitif devant être avalisé par le Premier ministre chiite, Nouri al-Maliki. On parle aussi d'un déploiement semblable au nord de Mossoul pour protéger des sabotages les oléoducs menant à Ceyhan, en Turquie.

    Il semble donc que l'annonce du retrait américain d'Irak n'aura pour conséquence que de consacrer et renforcer et étendre la présence des peshmergas kurdes à Kirkouk et dans les autres territoires revendiqués par le Kurdistan, les unités irakiennes n'étant guère opérationnelles dans la lute anti-terrorisme. S'il est laissé à lui-même face aux agressions, l'Irak devra pour un moment compter sur la fiabilité des troupes kurdes, n'en déplaise à la Turquie. Les attentats récents de Kirkouk décideront peut-être Bagdad à ne plus tergiverser sur le retour de Kirkouk dans la Région du Kurdistan et malgré les dernières frictions au sujet de la loi sur le partage des revenus, l'entente chiito-kurde semble relativement constante, les deux camps poursuivant un but similaire : l'instauration de régions fédérales stables au détriment de l'ex-domination sunnite.

    mardi, juillet 17, 2007

    Qubad Talabani : Le retrait des troupes américaines d'Irak serait une catastrophe


    Il est âgé de 29 ans et représente le Gouvernement régional kurde aux USA. C'est aussi le fils de l'actuel président d'Irak Jalal Talabani et seul son jeune âge peut empêcher qu'il prenne la succession de son père à la présidence si ce dernier disparaissait prématurément.

    Sera-t-il l'équivalent un jour de ce que représente Nêçirvan Barzani face aux "dinosaures" du PDK et de la société kurde en général ? Voici en tout cas, au lendemain du sanglant attenta de Kirkouk, la traduction d'une interview donnée au journal Esquire, dajns laquelle il interpelle principalement le public américain, à l'heure où les pressions conjointes du Congrès et de l'opinion publique poussent à un retrait total des troupes américaines d'Irak.

    photo. Qubad Talabani.


    A la lumière des attaques de ce matin, voyez-vous Kirkouk comme un obstacle dans vos efforts pour présenter le Kurdistan comme une zone de paix ?

    Kirkouk devient de plus en plus tendue au fur et à mesure que le temps s'écoule. Un crime a été commis ; ce crime s'est perpétré durant plus d'une décennie. Des centaines de milliers de gens ont été expropriés uniquement en raison de leur identité. A présent, ceux qui ont commis ce crime doivent faire face à la justice. Les habitants originaires de Kirkouk doivent décider par référendum -- comme cela est stipulé dans la Constitution-- de voter pour le statut futur de Kirkouk, par un processus démocratique. Le Kurdistan est sûr de façon flagrante et nous disons aux résidents et aux cotoyens de Kirkouk qu'eux aussi pourraient vivre dans la sécurité et la stabilité. Le Kurdistan n'a pas toujours été ainsi. Mais par un gouvernement efficace et une collaboration réelle, nous avons été capable de débarrasser notre région des terroristes et des gens qui veulent lui nuire. Et nous sommes sûrs de pouvoir apporter la stabilité et la sécurité dont nous jouissons à la population de Kirkouk, pour cette population favorable au rattachement de Kirkouk à la région.

    Quand pensez-vous que pourra se tenir le référendum? Cette question est sur le feu depuis des années.

    La constitution de l'Irak--un document voté par plus de 11 millions de gens--stipule que le référendum qui définira le statut de Kirkouk doit être tenu au plus tard en décembre 2007. Nous ne pouvons décider quels articles seront appliqués et c'est pourquoi nous ne pouvons en dire plus. La décision qui prévaudra à l'avenir de Kirkouk n'est pas du ressort des Kurdes.

    Que dites-vous de ces députés qui souhaitent le retrait (américain) d'Irak ?

    Le retrait des troupes américaines d'Irak serait une catastrophe. Nous comprenons l'impatience du peuple américain. Nous comprenons que les sacrifices des Américains ne peuvent se poursuivre indéfiniment sans résultat. Mais nous leur demandons de réaliser que l'Amérique a une obligation morale de défendre au moins les Kurdes. Après tout ce que nous avons souffert pour construire ce que nous avons et être si près d'une réussite durable, remettre cette réussite en question par un retrait complet des forces en Irak ? Ce serait une injustice.

    Et qu'en est-il de ces Américains qui ont perdu des proches en Irak ?

    Les familles américaines ont souffert. Les familles irakiennes ont souffert. Et il y avait des familles qui souffraient avant la guerre. Les irakiens étaient tués pour leurs croyances, pour leur ethnie, pour leur opinions politiques, et cette souffrance a cessé depuis. A présent, c'est une bataille contre le terrorisme. C'est une guerre longue et qui impliquera beaucoup de pays et beaucoup de forces. Cela va nécessiter beaucoup de gestes politiques, beaucoup d'argent. Ce n'est pas une guerre qui peut être menée uniquement par des moyens militaires.

    Plusieurs politiciens pensent que nous n'aurions jamais dû envahir l'Irak. Pensez-vous que c'était une mauvaise idée ?

    Ce n'était pas une mauvaise idée -- C'était une grande idée ! La guerre n'était pas la meilleure solution mais c'était la seule solution. Les Irakiens souffraient tous les jours sous le régime de Saddam. Maintenant, les souffrances sont d'une autre sorte. Il y a un espoir de les faire cesser, tandis que sous le régime de Saddam il n'y en avait aucun. Il n'y avait que cette douleur continuelle et sans écho au dehors.

    Quelle est la question que tout le monde vous pose ?

    Mon opinion sur le terrain irakien.

    Et quelle est votre réponse ?

    Une réponse longue, compliquée, sinueuse qui ne répond pas vraiment. de toute évidence, on est loin d'une situation idéale. Si vous regardez la région kurde, elle est est florissante, prospère, elle se développe, elle est pacifique, elle est stable, c'est le modèle de ce que nous aviosn espéré pour tout le reste du pays. Bien sûr tout est loin d'être parfait, mais les résultats sont encourageants, en progrès, et tout ira de mieux en mieux avec le temps. Il est important que les Américains comprennent que c'est une partie de l'Irak qui marche bien, et qu'ils doivent être fiers de cela, car l'Amérique a sacrifié beaucoup de soldats pour ce succès. Elle nous protégeait depuis plus d'une décennie avec ses zones de non-survol qui nous ont permis de créer des institutions gouvernementales. C'est pourquoi vous pourrez constater que beaucoup de Kurdes sont reconnaissants aux Américains, en dépit du fait qu'au cours de l'Histoire, l'Amérique a souvent laissé tomber les Kurdes. Il y a eut des trahisons et ce qui se produit en ce moment, ce débat sur le retrait, alimente l'instabilité, et fait s'interroger les Kurdes si une autre trahison ne pointerait pas à l'horizon.

    L'Irak est au bord d'une guerre civile et religieuse. Où vous placez-vous là-dedans ?

    Ma religion est l'islam mais je la vis sur un mode laïque. Je suis déçu par le fait que les leaders de ma foi ne condamnent pas les atrocités commises par des lâches se réclamant de ma religion.

    En tant que Kurde, vous-considérez-vous comme Irakien ?

    Oui, je suis un Kurde. Je suis un Kurde d'Irak.

    Vouez-vous le Kurdistan se séparer de l'Irak ?

    Le gouverment kurde s'est prononcé pour une démocratie fédérale en Irak : nous ne nous séparerons pas de l'Irak. Si l'Irak se sépare de nous, nous ne pourrons rien faire contre cela. Si l'Irak échoue en tant qu'Etat, alors nous n'aurons d'autre choix que de poursuivre notre route de notre côté.

    Envisagez-vous cela dans le calme ou prévoyez-vous un conflit ?

    Je ne sais pas. Malheureusement, nous devons nous préparer à tous les scénarios. Nous avons des forces de sécurité capables et compétentes qui peuvent protéger la région du Kurdistan de toute agression, extérieure et intérieure.

    Quel aspect de la politique américaine aimeriez-vous transplanter au Kurdistan?

    J'envie les institutions que vous avez aux Etats-Unis. Nous désirons ardemment des instituions et des officiels resposnables. Les gens ici sont resposnables. Vous avez un président qui, s'il enfreint certaines limites, peut être promptement remis à sa place par le Congrès. Un président qui peut être contenu est une rareté au Moyen-Orient. Vous avez des parlementaires élus. Tous les membres du Congrès ne sont pas blancs comme neige mais ils perdent leur fonction quand ce n'est pas le cas. Cela arrive rarement au Moyen-Orient, cet équilibre, ce contre-pouvoir entre les branches différentes du gouvernement. Nous n'avons pas - et nous n'aurons probablement jamais - une démocratie de type américaine en Irak ou au Kurdistan. Et la démocratie que nous instaurons dans notre partie d'Irak portera la marque de ce qui est acceptable dans notre société. Mais l'important ici est de bâtir une société civile et d'amener nos citoyens à participer à la formation de ce gouvernement et de sa politique. Votre démocratie est vieille de deux siècles et est toujours en évolution : Attendre de l'Irak qu'il passe en un clin d'oeil d'une dictature à une véritable démocratie est peut-être beaucoup demander."

    source esquire.com

    lundi, juillet 16, 2007

    "Cette ophtalmie qui s'appelle la bigoterie"


    Toujours dans la série "je ne mâche pas mes mots", les circonstances qui poussèrent à la rédaction du Bruissement des ailes de Gabriel, racontées dans le Prologue :

    "Il y a deux ou trois jours, dans un groupe de gens dont la perception visuelle aussi bien que la vision intérieure étaient obscurcie par cette ophtalmie qui s'appelle la bigoterie, quelqu'un, très mal informé concernant les anciens shaykhs, tenait des propos insensés, vitupérant la dignité éminente des maîtres et imâms de la voie mystique. A cette occasion, ce personnage, pour aggraver encore son attitude négative, se mit à tourner en dérision les termes techniques dont usent les maîtres spirituels d'époque récente. Il poussa l'entêtement jusqu'à prétendre raconter une anecdote concernant Maître Abû 'Alî Fârmadhî - que Dieu l'ait en sa miséricorde. On avait demandé au maître : "Comment se fait-il que les vêtus-de-bleu désignent certains sons comme étant le "bruissement des ailes de Gabriel" ? Le maître de répondre : "Sache que la plupart des choses dont tes sens sont les témoins, sont toutes autant de "bruissement des ailes de Gabriel." Et il ajouta à l'adresse du questionneur : "Toi-même, tu es l'un desbruissements des ailes de Gabriel." Notre prétentieux négateur s'acharnait vainement, en demandant : "Quel sens peut-on supposer à de pareils propos, sinon que ce sont des radotages parés d'un faux brillant ?"

    Le vêtement bleu des soufis était souvent à manches courtes, d'où la cocasserie involontaire de la métaphore qui suit sur "la manche de sa patience" et qui montre bien que "Dieu aveugle et égare qui il veut certes, mais faut pas pousser le Shaykh dans les orties...

    "Sa témérité en étant arrivée à ce point, je m'apprêtai, par amour pour la vérité, à faire face à sa fureur avec autant de véhémence. Je rejetais d'un mouvement d'épaule le pan de la considération ; je retroussai la manche de la patience et me posais sur la pointe du genou de la sagacité. Pour le provoquer, je le traitai d'homme stupide et vulgaire. "Attention ! lui dis-je. Avec une ferme décision et un jugement pertinent sur la chose, je vais t'expliquer ce que c'est le bruissement des ailes de Gabriel. Si tu es digne du nom d'homme, si tu as l'ingéniosité d'un homme, tâche de comprendre. C'est pourquoi j'ai donné comme titre à ces pages : Le Bruissement des ailes de Gabriel..."

    ... Ou la sagesse à coups de marteau sur le crâne des crétins... En tout cas s'il n'a pas exagéré ou maquillé la date de l'altercation, avoir rédigé ce traité en 2, 3 jours (ou nuits) témoigne d'une assez remarquable capacité de rédaction, ce qui, vu son énorme bibliographie (plus de 50 ouvrages, pas seulement sur la mystique et la philosophie mais aussi sur la logique et la physique) et l'âge auquel il fut exécuté, n'est forcément pas invraisemblable.

    Shihâb od-Dîn Yahyâ Sohrawardî, "Le Bruissement des ailes de Gabriel", in L'Archange empourpré, trad. Henry Corbin.

    Kurdistan 2007


    samedi, juillet 14, 2007

    Cette semaine coup de projo sur : Hossein Alizadeh & Turtles can fly




    Il est à l'affiche en ce moment en France avec la sortie du film de Bahman Ghobadi, Half Moon. Il a également composé la musique de ce film, d'Un temps pour l'ivresse des chevaux et des Tortues volent aussi. Hossein Alizadeh, né en 1951 est un très grand musicien persan, à la fois compositeur, interprète de radif, joueur de tar, de setar, de barbat. En 2007, il a reçu un Grammy Award avec l'Arménien Dijvan Gasparyan pour l'album Endless Vision.
    La musique des Tortues volent aussi colle parfaitement à l'atmosphère du film, surtout à l'histoire d'Agrin : triste et mystérieuse, douce et rêveuse, parfois déchirée par des cris et des appels de douleur.

    vendredi, juillet 13, 2007

    La flamboyance du soufi


    Ce que j'adore chez Sohrawardî, c'est qu'il ne s'embarrasse pas de fausse modestie, ni de précaution de langage et appelle un con un con :

    "Tout le monde reconnaît que les hommes diffèrent entre eux par la rapidité de la pensée. Il y en a qui ne tireraient aucun profit de la méditation prolongée ; ils ne comprennent rien, étant complètement stupides. Il en est d'autres qui, par la rapidité de leur conception, déduisent une foule de choses de certaines questions, sans l'aide d'aucun maître humain." (allez savoir à qui il pense, là...) "On peut donc admettre qu'il y en ait qui possèdent une promptitude de conception d'une telle force, qu'ils atteignent en un temps très bref un grand nombre de connaissances."

    Non seulement il est drôle, sacque sèchement quand il a affaire aux crétins mais en plus, il ne se fait aucune illusion sur lui-même : il est flamboyant et il le sait.

    Shihâb od-Dîn Yahyâ Sohrawardî, "Le Livre du rayon de Lumière", in L'Archange empourpré, trad. Henry Corbin.

    No, no es cierto que solo Dios basta


    Sur la méfiance de l'église catholique envers l'angélologie et le combat de l'avicennisme latin, qui de façon inattendue, trouve un renfort avec la révolution copernicienne, objection majeure de Corbin : le Ciel d'Occident en devient, du coup, mortellement emmerdant et dépeuplé :

    "Déjà en son monumental ouvrage, Pierre Duhem avait montré que la révolution astronomique qu'entraînait l'adoption de la théorie de Copernic, présupposait une révolution théologique. Or ce qui tourmentait la théologie officielle, les critiques et les sarcasmes du théologien Guillaume d'Auvergne nous montreront que c'était essentiellement toute la théorie des Intelligences et son aboutissement : la doctrine de l'Intelligence agente illuminatrice des âmes humaines, - bref toute l'angélologie. La théologie allait combattre tout émanatisme, revendiquer l'acte créateur comme une prérogative de Dieu seul, mettre fin au soliloque de l'âme humaine avec l'Ange Intelligence agente. Seulement, toute la cosmologie était solidaire de l'angélologie. Rejeter celle-ci, c'était ébranler les bases de celle-là. Or, c'est précisément ce qui servait au mieux les intérêts de la révolution copernicienne. L'on assiste donc à une alliance de la théologie chrétienne et de la science positive en vue d'anéantir les prérogatives de l'Ange et du monde de l'Ange dans la démiurgie du cosmos. Après cela, le monde angélique ne sera plus nécessaire de nécessité métaphysique ; ce sera comme un luxe dans la Création, d'une existence plus ou moins probable. Sans doute l'on aura vengé les droits du monothéisme rigoureux, mais en même temps aussi l'on aura créé une nouvelle situation de l'homme dans le cosmos, laquelle aura des conséquences déplorables pour l'un des alliés. Les Cieux auront été laïcisés, dépeuplés de leurs présences angéliques. La Terre devenue une planète comme les autres, se sera plus sous les Cieux mais en plein Ciel. Dès lors, qui s'intéresserait à l'"orientation" dont Hayy ibn Yaqzân, par exemple, dispense l'enseignement ? Pourtant l'Orient vers lequel il s'oriente, l'homme n'a cessé de le chercher plus ou moins obscurément."

    Voilà, un Ciel uni, plus de froufrous et de lumières d'anges, et surtout plus de rapports personnels, exclusives, presque jaloux, entre une âme humain et son double céleste, lesquels étaient naturellement, de par la diversité des âmes, multiples, voire inégaux, là non il s'agit finalement d'un amour parental, strict, égalitaire, comme on découpe un gâteau en parts rigoureusement identiques, pas de "préférences". C'est plus juste, plus réconfortant pour les fervents de l'égalitarisme, plus puéril aussi, et ça manque d'un certain sel pour les mystiques et les âmes gnostiques :

    "La théologie exotérique peut mettre en lumière la relation commune des hommes avec leur Père commun, ou leur service commun envers le Roi tout-puissant. Il s'agit toujours là d'une relation commune à tous, partagée entre tous, situant chacun à équidistance du centre, pour ainsi dire. Mais l'expérience de l'âme mystique ne se satisfait que d'un "seul à seul" avec l'Aimé, car l'amant ne peut partager son aimé ; elle implique ce que l'on a voulu dire ici par individuation, - une individuation dont l'aspect est, certes, tout autre que celui qui en philosophie est traité au chapitre de l'individuation des Formes par la matière."

    Ce Ciel d'un monothéisme ennuyeux à force d'être strict (comme disait Cavanna dans Les Ecritures : "C'est grandiose. Mais un peu sec.") me rappelle une réflexion que j'avais laissé échapper un jour où parlant avec un ami, j'avais fait une allusion aux sept âmes de Sejestanî. Devant son étonnement, j'avais expliqué cette pluralité des âmes, allant de trois à sept, tant pour les Grecs que pour nombre de musulmans et même Thomas d'Aquin, en ajoutant machinalement : "Oui en Occident on a qu'une âme maintenant, on se fait chier." C'est un peu pareil pour le Ciel nettoyé de ses Anges, et comme conclut Henry Corbin, citant Eugenio d'Ors : "No, no es cierto que solo Dios basta" (Non, il n'est pas certain que Dieu seul suffise).

    Avicenne et le récit visionnaire Henry Corbin ; chap. II : Avicennisme et angélologie : avicennisme latin et avicennisme iranien.

    jeudi, juillet 12, 2007

    Radio : Les Orientales

    Dimanche 16 juillet à 0.h00 sur France Musique : Equinoxes- Les Orientales au festival de Saint-Florent-le-Vieil. Avec Hussein El Bechari (Egypte) et les chants nomades de la mer Rouge ; l'ensemble Ezir et le répertoire de Touva (chant diphonique et chant de gorge, le "khoomei") ; Sahar Afarin (Afghanistan) et les chants de montagne ; Süleyman Ergüner (Turquie) joueur de ney. Par C. Bourgine.

    Pédagogie angélique et individuation : Talem eum vidi qualem capere potuit


    Résumé très clair et lumineux même, de Corbin, sur les différentes positions, notamment celle d'Abû-l-Barakât en plus de celle d'Ibn Sîna, qui éclaire davantage l'opinion de Sohrawardî, sur l'union ou la relation de l'Âme céleste et son pendant terrestre. C'est que le Sheykh al-Ishraq a un style d'une concision qui frôle l'elliptique, le cher garçon, obligeant à se reporter à ses commentateurs (Ghiyat ad Dîn Shirazî et Mollah Sadra) mais qui eux-mêmes y ajoutent leur grain de sel. En fait on ne comprend bien Sohrawardî que lorsqu'on a saisi Ibn Sîna, c'est-à-dire d'où Sohrawardî reprend la route et d'où il s'éloigne du point de départ.

    Sur la question de l'individuation de l'âme et de celle de la dyade Âme céleste/âme humaine, en gros les âmes humaines sont-elles toutes et procèdent-elles toutes de la X° Intelligence en ayant le même type de dyade avec elle ou y a -t-il pour chacune un couple différent ?

    "Ici l'individu est un individu parmi d'autres de même espèce ; il est subordonné à l'espèce ; peut-être lui arrivera-t-il d'être l'individu dominant l'espèce, mais comment parviendrait-il à l'état de l'être individuel qui est à lui-même son espèce, qui réalise la plénitude de son propre archétype ? Ce serait là atteindre à la condition angélique, au minimum celle des Animae coelestes. Or, précisément n'est-il pas répété que la condition de l'Anima humana est analogue à la leur, et que sa voie vers la perfection est de se comporter à leur exemple ? Mais comment sera-t-il possible que sa relation avec l'Intelligence agente exemplifie au plan de l'"ange terrestre" le rapport individué de chaque Âme céleste avec l'Ange spirituel ou Chérubin dont elle émane ? Ce dernier rapport est le rapport d'un seul avec un seul, constituant une dyade parfaite. Cette dyade peut être exmplifiée à l'infini, à condition que ce rapport soit maintenu. Mais comment l'analogie de rapport serait-elle sauvegardée, si le terme qui doit correspondre à l'Anima coeslestis vaut non pas pour une Âme unique mais pour une multitude ?"

    (...) Cependant, pas plus que la question ne s'origine à des données théoriques, de telles considérations ne suffiraient à rendre compte du fait expérimentalement vécu qui est la vision et la rencontre du seul à seul. Si ce seul à seul relevait de la norme générale de l'individuation pour les individus d'une même espèce, la faveur de cette rencontre appartiendrait de plein droit à quelqu'un. Sinon, l'état d'esseulement où se produit le seul à seul, postule une autre norme d'individuation que celle qui attribue à la Matière l'individuation des formes.

    Selon cette norme, lorsqu'un réceptacle corporel y est devenu apte sous l'action des Sphères célestes, l'Ange Dator formarum y infuse une âme pensante qui devient alors numériquement différente des autres. En bref l'âme humaine ne reçoit son individualité que par le fait de son union avec le corps, et cette individuation est le "service" que le corps rend à l'âme."

    Ici on est loin de la tragédie d'une chute dans la corporalité vécue par tant de gnostiques et de mystiques pour qui l'individuation est déchéance, expulsion de l'unité. Le corps sert l'âme en lui donnant son individualité, mon "âme est telle que mon corps l'a fait", joli. Mais évidemment les choses n'en restent pas là (ç'eût été trop facile..) :

    "Seulement, la perspective avicennienne elle-même conduit à poser la question relative à la sauvegarde de l'individualité de l'âme après la mort. Qu'en raison de son épistémologie elle ménage une réponse favorable, soit ; mais, précisément, il devient alors urgent de ne point laisser peser d'équivoque sur le sens de l'individualité appelée à subsister post mortem. Or, dans la perspective même de l'avicennisme, le sort futur des âmes comme substances séparées dépend du degré d'illumination qu'elles auront atteint sur terre, de la plus ou moins grande aptitude qu'elles auront acquise à se tourner avec plus de spontanéité, de perfection et de constance vers l'Ange Intelligence illuminatrice. Car il y a aussi les âmes des non-gnostiques qui n'ont aucun souci du monde des Intelligences archangéliques, n'en ont qu'une vague connaissance par ouï-dire, et ne se tournent jamais spontanément et toujours avec une extrême difficulté vers l'illumination de l'Intelligence."

    Sinon, amusant, l'état mystique c'est comme le démon de Midi, ça survient volontiers à la quarantaine (il y en a de plus précoces) :

    "En revanche, chez les gnostiques, c'est principalement à partir de l'âge de quarante ans, l'activité propre du corps commençant alors à diminuer, que peut commencer un état spirituel auquel le changement résultant de la mort ne causera ni privation ni dommage. Progressant dans cette perspective où se précisent les conditions et le sens de la personne individuelle et de la surexistence personnelle, il semble que l'on s'éloigne de plus en plus des conditions qui faisaient que l'âme fût redevable de son individualité à son union avec un corps matériel."

    Quant à la question des murshids ou "maîtres, guides", elle semble renfermer autant de cas divers parlant en faveur d'une différenciation des âmes et de leurs espèces : "Aussi bien, certaines âmes n'apprennent-elles rien que de maîtres humains ; d'autres ont eu des guides humains et supra-humains ; d'autres ont tout appris de guides invisibles, connus d'elles-seules" (ce que les chiites appellent les owaysî). On peut aussi imaginer, qu'à l'image du corps réceptable de l'âme qui permet aussi son individuation, l'âme humaine réceptacle de la vision de l'âme céleste individualise et différence cette vision, selon son aspiration intime ? son espèce ? Référence heureuse aux Actes de Pierre, talem eum vidi qualem capere potuit (je l'ai vu tel que j'étais en mesure de le saisir), dans le récit de la Transfiguration quand toute une assemblée voit différemment la même apparition : "L'on demande à chacune ce qu'elle a vu : les unes ont vu un enfant, d'autres ont vu un adolescent, d'autres un vieillard... Chacune peut dire à son tour : Talem eum vidi qualem capere potuit."

    Avicenne et le récit visionnaire Henry Corbin ; chap. II : Avicennisme et angélologie : Pédagogie angélique et individuation, chap.

    mercredi, juillet 11, 2007

    Avicenne et le récit visionnaire


    Ibn Hazm disait que derrière la prétendue objectivité des "rationnalistes" se cachait en vérité beaucoup de motifs psychologiques, subjectifs, circonstantiels inavoués. Ibn Sîna, lui, par sa philisophie illuministe, résoud la question, en quelque sorte : c'est par la raison et ses chemins détournée qu'il est mené à son moi profond :

    "Or, dans le cas de l'avicennisme comme dans le cas de tout autre système du monde, c'est le mode de présence assumé par le mode de philosophie qu'il professe, qui apparaît en fin de compte comme l'authentique élément situatif de ce système considéré en lui-même. Ce mode de présence se dissimule le plus souvent sous la trame des démonstrations didactiques et des développements impersonnels. C'est lui pourtant qu'il s'agit de déceler, car il décide sinon toujours de l'authenticité matérielle des motifs incorporés dans l'oeuvre du philosophe, du moins de l'authenticité personnelle de ses motivations ; ces dernières rendent raison finalement des "motifs" que le philosophe assuma ou rejeta, comprit ou manqua, porta à leur maximum de sens ou au contraire dégrada en insignifiances. Mais il n'est pas de son effort que les constructions rationelles dans lesquelles se projeta sa pensée lui révèlent finalement leur lien avec le fond le plus intime de lui-même, et qu'alors paraissent les motivations secrètes dont il n'avait pas cosncience lorsqu'il projetait son système. Cette transparition marque une rupture de niveau dans le cours de la vie intérieure et des méditations. Les doctrines scientifiquement élaborées se dénoncent comme une mise en scène de l'aventure la plus personnelle. Les hautes constructions de la pensée consciente s'estompent aux lueurs non pas d'un crépuscule mais plutôt d'une aurore, d'où surgissent les figures depuis longtemps pressenties et aimées."

    "Chacun de nous porte en lui-même l'Image de son propre monde, son Imago mundi, et la projette dans un univers plus ou moins cohérent, qui devient la scène où se joue son destin. Il peut n'en avoir pas conscience, et dans cette msure il éprouvera comme imposé à lui-même et aux autres, ce monde qu'en fait lui-même ou les autres s'imposent à eux-mêmes. C'est aussi bien la situation qui se maintient tant que les systèmes philosophiques se donnent comme "objectivement" établis. Elle cesse proportionnellement à la prise de conscience qui permet à l'âme de franchir triomphalement les cercles qui la retenaient prisonnière."

    "A la promptitude philosophique à concevoir l'universel, les essences intelligibles, fait pendant désormais l'aptitude imaginative à se représenter des figures concrètes, à rencontrer des "personnes". La rupture de niveau une fois consommée, l'âme révèle toutes les présences qui l'habitaient depuis toujours, sans qu'elle en ait eu jusque-là conscience. Elle révèle son secret ; elle se contemple et se raconte comme à la recherche des siens, comme pressentant une famille d'êtres de lumière qui l'attirent vers un climat au-delà de tous les climats connus. Ainsi se lève à son horizon un Orient que sa philosphie anticipait sans le savoir encore. La figure de "l'Intelligence agente" qui domine toute cette philosophie révèle sa proximité, sa sollicitude. L'Ange s'individue sous les traits d'une personne précise, dont l'annonciation correspond au degré d'expérience de l'âme à laquelle il s'annonce : c'est par l'intégration de toutes ses puissances que l'âme s'ouvre à la transconscience, et anticipe sa propre totalité."

    Sur "l'orientaliste" (ce gnostique ishraqî par excellence !), cette note très juste :

    "Je crois que l'on pourrait à grand traits dire ceci : le philosophe oriental professant la philosophie traditionnelle vit dans le cosmos avicennien ou dans le cosmos sohravardien, par exemple. Pour l'orientaliste, c'est plutôt ce cosmos qui vit en lui. Cette inversion du sens de l'intériorité exprime du même coup ce qui du point de vue de la personnalité consciente, s'appelle intégration. Mais intégrer un monde, le faire sien, implique aussi que l'on en est soi-même sorti pour le faire rentrer en soi-même."

    in "Avicennisme et situation philosophique", I.

    Henry Corbin dit à juste titre que la Gnose est en soi une "religion" transversale, ou passant par dessus toutes les religions établis. J'ajouterai qu'en lisant son beau commentaire sur Avicenne, me frappe le fait que l'état de gnostique, cette nostalgie originelle, n'a jamais été choisi par tous les grands "salîk" ou pèlerins intérieurs. On ne devient pas gnostique, on naît ainsi, et il est frappant en lisant tous les écrits de toutes les époques, de retrouver les mêmes symptômes, souvent éprouvés dès l'enfance, particulièrement cet état "d'étrangeté" que l'on trouve sous presque toutes les plumes (ou calames) de cette estimable confrérie :

    "Sous cet appesantissement s'angoisse une existence étrangère, et le sentiment d'être un Etranger est bien le sentiment dominateur chez tout gnostique, celui qui donne à sa conscience sa puissance d'exaltation."

    "C'est en s'éveillant au sentiment d'être une Etrangère, que l'âme du gnostique découvre elle est, et pressent à la fois d' elle vient et elle retourne. Comme le dit Sohravardî en son "Epître des Tours (risâlat al-Abrâj) : l'idée du Retour implique une présence antérieure, une préexistence en la patrie d'origine, car "malheur à toi ! si par patrie tu entends Damas, Baghdâd ou autres cités de ce monde."

    "Au moment où l'âme se découvre comme étrangère et solitaire dans un monde qui lui avait été familier, se profile à son horizon une figure personnelle, s'annonçant personnellement à elle, parce qu'elle symbolise avec son fond le plus intime. Autrement dit, l'âme se découvre comme étant la partie terreste d'un autre être avec lequel elle forme une totalité de structure duelle. Les deux éléments de cette dualitude peuvent être désignés comme le Soi et le Moi, ou comme le Moi céleste transcendant et le Moi terrestre, ou sous d'autres noms encore. C'est à ce Moi transcendant que l'âme s'origine dans le passé de la métahistoire ; il lui était devenu étranger, tandis qu'elle sommeillait dans le monde de la conscience commune ; mais il cesse de lui être étranger au moment-même où c'est elle qui se sent étrangère dans ce monde. C'est pourquoi il lui faut de ce Moi une expression absolument individuelle, qui ne pourrait passer dans la symbolique commune (ou dans l'allégorie) sans que la différenciation individuelle péniblement conquise soit refoulée, nivellée et abolie par la conscience commune."

    "Le Soi n'est ni une métaphore ni un idéogramme. Il est "en personne" la contrepartie céleste d'un couple ou d'une syzygie constituée d'un ange déchu ou ordonné au gouvernement d'un corps, et d'un ange resté dans le Ciel."

    "Les mystiques pèlerins terrestres du Récit de l'Oiseau et du Récit sohravardien de l'Exil, ne feront pour leur part que céder à la même nostalgie que les Âmes motrices des Sphères célestes. Leur exil, la misère de leur condition terrestre, s'origine non pas au "péché" originel d'une humanité fautive, se sentant coupable et responsable devant un juge, mais à un drame, à une déchéance de l'être, bien antérieure à l'apparition de l'homme terrestre. A ce drame, celui-ci participe parce qu'il est de même race céleste que les dramatis personae originelles."

    in "La crypte cosmique : L'Etranger et le guide ; chap. I.

    "L'Orient, il n'est pas possible de l'attteindre avant l'échéance d'un certain délai, qui seule rendra possible l'exode de l'Etranger vers sa patrie de lumière."

    in "Le cycle des Récits ou le voyage vers l'Orient" ; chap. I.

    Avicenne et le récit visionnaire, Henry Corbin, éd. Verdier.

    mardi, juillet 10, 2007

    Hikumeta Herêma Kurdistanê



    Il existait en soranî, en arabe et en anglais, le site officiel du Gouvernement Régional du Kurdistan lance enfin ses pages en kurmancî.

    lundi, juillet 09, 2007

    La sortie ciné du 11

    Il arrive... Il sort enfin.... le 11... Devinez quoi ?


    Non raté, je parlais pas de L'Ordre du Phénix mais de Half Moon de Bahman Ghobadi. Cela dit, sortir son film le 11, faut soit être déconnecté du monde, soit pas avoir de chance, soit être gonflé. Critiques unanimement élogieuses au Masque et la Plume, à voir, donc.

    Salles sur Paris.

    samedi, juillet 07, 2007

    Cette semaine coup de projo sur : Tahir Tofiq



    Tahir Tofiq est né en 1922 à Koya, au Kurdistan irakien. Chanteur célèbre et très populaire, aux côtés d'Ali Merdan, Hasan Zirek, il a beaucoup enregistré, dans les années 70 et 80, dans les programmes kurdes de Radio Bagdad. Il est mort le 20 octobre 1987.









    vendredi, juillet 06, 2007

    Rapport de HRW : Nêçirvan s'exprime

    Comme la publication du rapport de Human Right Watch fait des remous, le Premier ministre du Kurdistan, Nêçirvan Barzani, s'est exprimé là-dessus lors d'une conférence de presse, en déclarant qu'il "soutenait" le rapport et HRW (soutenir un rapport qui vous aligne personnellement j'adore, y a qu'un ministre kurde pour ça) et qu'il fallait "résoudre ce problème", en annonçant qu'il souhaitant former une commission d'enquête sur les deux services de sécurité "asayish" de Hewlêr et de Silêmanî.

    Une nouvelle loi qui doit préparer l'unification des deux services (PDK/UPK) doit être d'ailleurs présentée au Parlement, sa rédaction permettra peut-être de limiter les pouvoirs des sections anti-terroristes. (source Netkurd).

    La Turquie alignée par Amnesty International

    Puisqu'on est dans la semaine "Rapport sur les droits de l'Homme", le rapport d'Amnesty International sur les pratiques perdurantes de la torture et des déni de justice en Turquie peut être lu sur leur site (en français).

    Concert de soutien à l'Institut kurde