lundi, mars 26, 2007

Entretien avec Massoud Barzani



Via Kurdistan Observer, une interview de Massoud Barzani donnée à al-Hayat le 24 mars. Une interview longue, précise, détaillée, qu'on chercherait en vain dans les articles et interviews indigents de la presse française sur le Kurdistan.




Al Hayat: Êtes-vous préoccupé par la situation en Irak ?

Massoud Barzani: Ce n'est pas un sujet de précoccupation mais la situation est ennuyeuse et inquiétante.

Al Hayat: Quel est la cause de votre inquiétude ? L'échec de parvenir à fonder une nation, ou celui de parvenir à un accord entre les Irakiens ?

Barzani: Ce qui m'inquiète le plus ou ce que je considère comme étant le plus périlleux car menaçant l'avenir de l'Irak est le conflit sectaire qui commence à s'implanter de façon dangereuse.

Al Hayat: Est-ce que l'Irak vit une guerre civile ? Pouvons-nous qualifier la situation actuelle une guerre civile entre chiites et sunnites ?

Barzani: Je ne sais pas mais le résultat est tragique. Si vous voulez lui donner une appellation, cela pourrait être celle d'un "meurtre en raison d'une carte d'identité ". Je ne sais exactement si c'est une guerre civile, mais c'est une guerre tragique ou une guerre sectaire.

Al Hayat: Assistons-nous à un affrontement sunnites-chiites?

Barzani: Oui c'est le cas.

Al Hayat: Les Kurdes sont-ils une part de ce conflit ?

Barazani: Non. Dans ce conflit nous sommes une partie de la solution, une partie du problème, mais pas de cet affrontement.

Al Hayat: Craignez-vous le retrait américain ?

Barzani: A ce stade, le retrait serait une catastrophe.

Al Hayat: Une catastrophe? Pouvez-vous, s'il vous plait, préciser ?

Barzani: La présence américaine empêche la situation de se détériorier ou d'évoluer vers une violente guerre civile. Leur présence est très importante, elle arrête les menaces étrangères.

Al Hayat: De quel bord ?

Barzani: De tous les pays qui ont des aspirations, un ordre du jour ou l'intention d'intervenir militairement.

Al Hayat: Ainsi vous pensez que le retrait américain serait une catastrophe?

Barzani: Oui, s'il n'y a pas encore d'ordre en Irak, si le gouvernement irakien, l'armée et les forces de sécurité ne sont pas prêtes à contrôler la situation, le retrait provoquerait une tragédie.

Al Hayat: Avez vous peur d'invasions importantes dans le cas d'un retrait américain ? Est-ce que les chiites essaieraient de contrôler Bagdad par exemple ?

Barazani: Tout est possible, les Sunnites ou les Chiites pourraient tenter cela, et alors ce sera réellement une terrible guerre civile.

Al Hayat: Si les Américains se retirent, que feront les Kurdes ?

Barzani: Nous essaierons d'empêcher ce qui surviendra, et si nous échouons, nous ne participerons pas à tout cela. Nous espérons que cela n'arrivera pas.

Al Hayat: Quatre ans après la guerre en Irak, cette guerre était-elle une faute ?

Barzani: Les fautes ont été commises après la guerre. Je pense que la décision de se débarrasser du régime n'était pas une erreur car renverser un régime dictatorial est une bonne chose dans tous les pays mais les fautes ont commencé avec la résolution 1483 du Conseil de sécurité de l'ONU et l'arrivée de Paul Bremer comme gouverneur civil en Irak..

Al Hayat: Il y a un point de vue qui estime que l'administration américaine n'avait pas projeté d'instaurer un Conseil de gouverment, mais que l'échec de l'opposition irakienne à se mettre d'accord pour gouverner les a incité à ce choix ?

Barzani: C'est faux. La résolution 1483 a transformé ces forces en forces d'occupation et ainsi Paul Bremer a été désigné comme Gouverneur suprême de l'Irak. Les forces irakiennes n'ont pas eu l'occasion de former un gouvernement. Nous avions commencé à discuter avec ces forces pour former un gouvernement provisoire mais nous avons été pris de court par la résolution 1483 et par l'annulation de ce sur quoi nous nous étions mis d'accord.

Al Hayat: Les erreurs sont partis de là ?

Barzani: Oui.

Al Hayat: Pensez-vous que le démantèlement de l'armée irakienne était une de ces erreurs ?

Barzani: Pas seulement le démantèlement de l'armée, mais d'abord, la proscription de former un gouvernement provisoire et d'empêcher les Irakiens d'exercer leurs droits. Il n'était pas nécessaire de démanteler l'armée, mais il fallait la restructurer. L'Irak n'a pas besoin d'un million de soldats. L'esprit de cette armée ne convenait pas, il était celui d'une oppression du peuple irakien. C'est pourquoi il était nécessaire de la restructurer et de la rééduquer. Mais c'était une erreur de dissoudre l'armée sans avoir déterminé l'avenir des Irakiens, sans leur avoir donné l'occasion de vivre, ou sans leur assurer des droits acquis, et les laisser à la rue.

Al Hayat: Est-ce que certains d'entre eux ont alors rejoint la résistance?

Barzani: Chacun a choisi sa voie. Démanteler l'armée était une erreur. Nous avions besoin d'elle, mais en nombre moins important, avec un esprit et un équipement différents.

Al Hayat: La décision de "débaathification" fut-elle aussi une faute ?

Barzani: Lors de la conférence organisée oar l'opposition et tenue à Londres en 2002, avant la chute du régime, j'ai dit aux participants que renverser le régime n'était qu'une question de temps, mais que les problèmes commenceraient après sa chute. Que nous avons connu une expérience réussie au Kurdistan, et que j'espérais qu'ils en profiteraient. Personnellement, 37 membres de ma famille ont été tués, ma tribu a perdu 8200 personnes et mon peuple 180 mille. Pourtant nous n'avons pas rejeté la paix, même avec Saddam Hussein. Nous avons décrété une amnestie générale pour tous ceux qui avaient coopéré avec le régime lors du soulèvement de 1991. Il y a une inclination à la vengeance. Si nous y cédons, comme un moyen de régler nos comptes, nous ne parviendrons à aucun résultat. C'est la raison pour laquelle j'ai demandé à ce que l'on s'accorde sur un groupe de noms liés à l'ancien régime, et qui sont maintenant l'objet de poursuites judiciaires. Le reste sont des citoyens irakiens traités comme tel mais sans que le Parti Baath ait le droit de subsister. Il était important d'établir une liste de noms. Mais le processus de débaathification a été mal appliqué.

Al Hayat: Qu'avez-vous ressenti quand ils ont exécuté Saddam Hussein? Il était la cause d'une catastrophe qui s'est abattue sur votre famille, votre tribu et votre nation.

Barzani: Je considérais Saddam Hussein comme mort dès le moment où il a été pris dans son trou sans faire de résistance. Son exécution ne m'a pas surpris mais j'aurais souhaité que cela ne survienne pas le jour de la Fête.

Al Hayat: Etiez-vous au courant de la date de cette exécution ?

Barzani: Non.

Al Hayat: Est-ce que cette exécution le jour de la Fête a affecté les Irakiens ?

Barzani: Bien sûr, ce n'était pas souhaitable, ils auraient dû tenir compte des sentiments musulmans et il n'aurait pas dû être exécuté ce jour. Je ne suis pas contre la peine de mort, mais pas le jour de la Fête.

Al Hayat: Avez-vous eu le désir de vous venger ?

Barzani: Je n'ai jamais pensé à la vengeance.

Al Hayat: Avez-vous pensé à tuer Saddam?

Barzani: Quand il était au pouvoir et que nous le combattions, je cherchais à le renverser, mais pas pour des raisons personnelles. Je soutiens la cause d'un peuple, la cause de la démocratie en Irak, la cause des droits de l'homme pour les Kurdes, je le considérais comme l'adversaire de ces causes et donc j'ai essayé de le renverser lui et son régime, mais je n'ai jamais pensé à le tuer personnellement.

Al Hayat: Ils ont annoncé l'exécution de Taha Yassin Ramadan. Que ressentez-vous devant cette histoire de l'Irak pleine d'exécutions et de violence?

Barzani: L'histoire irakienne est pleine d'exécutions; celui qui parvient au pouvoir exécute son prédécesseur. J'aurais souhaité une autre histoire pour l'Irak mais c'est ainsi que cela s'est produit.

Al Hayat: C'est notre histoire, notre présent. Espérez-vous en un autre Irak ?

Barazani: Nous travaillons à changer et nous ne devons pas perdre espoir, même si le processus n'est pas facile.


Al Hayat: Nous entendons beaucoup parler de Kirkouk, de son arabisation forcée et de l'interdiction de cette arabisation. Qu'en est-il réellement ?

Barzani: Il y a un malentendu sur ce sujet. Kirkouk est une région irakienne, son identité est kurde, et tous les éléments historiques et géographiques le prouvent. C'est dans cette région que l'on a découvert du pétrole pour la première fois, et c'est pourquoi les régimes successifs ont tous tendu à traiter la région d'une façon anti-humanitaire ; ils ont dépossédé les Kurdes de leurs droits, 200 mille familles kurdes ont été déplacées, tandis que d'autres étaient forcées de changer leur affiliation pour le nationalisme arabe. Des tribus arabes ont été déplacées du Sud pour le Centre et ont été implantées à Kirkouk, en vain. Après la chute du régime, un accord a été conclu sur cette question avec l'article 140 de la Constitution,. Les personnes déplacées regagneraient leur région et les Arabes retourneraient dans le leur avec des indemnités. Les Kurdes et les Arabes originaires de Kirkouk resteraient Après la normalisation, il y aurait un recensement et un référendum.

Il y a eu un malentendu. Nous sommes vus comme refusant la présence des Arabes à Kirkouk et comme voulant chasser les Turkmènes. Non, nous sommes prêts à instaurer une administration commune à Kirkouk après la normalisation.

Al Hayat: Une administration commune avec qui ?

Barzani: Avec les Turkmènes, les Arabes et les Chrétiens.

Al Hayat: Quelle est la date du référendum?

Barzani: Le processus doit débuter fin 2007.

Al Hayat: La question de Kirkouk a-t-elle déclenché des tensions avec le mouvement d'as-Sadr ?

Barazani: En partie. Le gouvernement a amené du Sud des tribus arabes dont on dit qu'elles appartiennent au mouvement d'as-Sadr, mais lors de nos rencontres avec eux, les partisans d'as-Sadr sont d'accord sur l'application de l'article 140 de la Constitution.

Al Hayat: Que se passera-t-il si les forces non-kurdes choisissent de s'opposer au référendum ?

Barzani: Si nous nous conformons à la Constitution, le processus s'achèvera rapidement. Mais il y a des gens qui sont contre ce référendum, de sorte que chaque partie prendra position vigoureusement contre la partie adverse.

Al Hayat: Qui contrôle militairement Kirkouk ?

Barzani: Les Américains.

Al Hayat: Il n'y a pas de troupes de Peshmergas ?

Barzani: Il n'y en a pas, il n'y a que les forces américaines et celle de l'armée irakienne.

Al Hayat: Dans le cas où une guerre civile éclaterait après le retrait américain, vous attendez-vous à ce que les Peshmergas entrent dans Kirkouk?

Barzani: Pourquoi une guerre civile éclaterait-elle ? Nous ne pensons pas à une guerre civile, les Arabes qui sont présents sont nos frères, les Turkmènes aussi. Certains prédisent une guerre civile et la vérité est qu'il n'y en aura pas. Ceux qui prétendent que les Kurdes vont contrôler Kirkouk sont des groupes turkmènes et arabes marginaux. Ils ne représentent pas la majorité des Arabes et des Turkmènes. Ce sont des groupes qui ont perdu leurs avantages avec la chute du régime et ils veulent mettre des bâtons dans les roues mais n'arrêteront pas le processus.

Al Hayat: Kirkouk est-il un problème entre vous et la Turquie ?

Barzani: Non, Kirkouk est une région irakienne, la Turquie n'a rien à y faire et nous ne lui permettrons pas d'intervenir en quoi que ce soit dans la question de Kirkouk, parce que c'est un pays étranger et que nous n'accepterons pas son ordre du jour dans la région. Elle n'a aucun droit d'intervenir dans la question irakienne, n'est-ce pas ?

Al Hayat: La Turquie dit que la création d'une Région kurde semblable à un Etat est une menace pour sa sécurité.

Barzani: C'est une perception erronée, nous ne menaçons pas la Turquie.

Al Hayat: Massoud Barzani peut-il abandonner Kirkouk ?

Barzani: Jamais.

Al Hayat: Quel est le leader kurde qui peut l'abandonner ?

Barzani: Aucun Kurde ne peut abandonner Kirkouk.

Al Hayat: Est-ce que ce n'est pas comme dire qu'aucun Palestinien n'abandonnera Jérusalem ?

Barzani: Je ne compare pas Jérusalem à Kirkouk, il y a une grosse différence, mais aucun Kurde n'abandonnera Kirkouk.

Al Hayat: Vous ne pouvez signer un accord qui déclarerait que Kirkouk n'est pas une partie du Kurdistan quelles que soient les tentations pour le faire ?

Barzani: Je vous le dis en toute confiance, aucune autre solution ne pourra être acceptée.

Al Hayat: Si vous échouez à annexer la région au Kurdistan, remettrez-vous la question à plus tard ?

Barzani: Nous nous sommes mis d'accord de façon constituionnelle pour résoudre ce problème. Le problème ne réside pas seulement en Kirkouk. Il y a un problème semblable à la frontière entre la province d'Anbar et Bagdad, Takrit, Nadjaf et Karbala, et il y a un problème entre Bagdad Mossoul. Ils ont tous leurs racines dans les changements que l'ancien régime avaient fait afin de modifier la démographie pour des raisons politiques. Ceux qui souhaitent attiser la situation violent dangereusement l'application de l'article 140 de la Constitution et ceux qui voient les intérêts de l'Irak et veulent résoudre définitivement le problème de Kirkouk souhaitent l'application de cet article.


Al Hayat: Pourquoi décrivez-vous la question de Kirkouk comme un barril de poudre ?

Barzani: Ce n'est pas exact. Il y a des groupes arabes chauvins et un groupe de Turkmènes soutenus par les Services secrets turcs. Mais ils ne peuvent rien faire, car les Arabes ne les soutiennent pas, pas plus que les Turkmènes. Tous sont d'accord sur la solution constitutionnelle et d'autres interventions causeraient des problèmes à Kirkouk.

Al Hayat: L'actuel gouvernement irakien se conforme-t-il à l'accord ?

Barzani: Oui, légalement il s'y conforme.

Al Hayat: Et les grands partis politiques ?

Barzani: Ils s'y conforment aussi.

Al Hayat: Même le mouvment d'as-Sadr ?

Barzani: Le mouvement d'as-Sadr se conforme à la Constitution et nous avons le droit de prendre toutes les décisions contre un parti qui ne s'y conformerait pas.

Al Hayat: Est-ce que l'invite à former une Province dans le Sud et une autre au Centre vous soulage en tant que Kurde ?

Barzani: Nous soutenons le régime fédéral dans toutes les régions et nous laissons les détails ultérieurs à ceux qui y vivent.

Al Hayat: Votre nom figure sur la liste noire du terrorisme international. Avez-vous eu à faire face à des tentatives d'assassinat ? Est-ce que les locaux de votre parti ont été visés ?

Barzani: Après la chute du régime en Avril 2003, les locaux du Parti démocratique du Kurdistan ont été l'objet de deux attaques-suicides qui ont fait des victimes. D'autres opérations ont eu lieu mais cela fait longtemps que nous n'avons aps eu à faire face à un attentat. A un niveau personnel, ils n'ont jamais réussi à m'atteindre.

Al Hayat: Observez-vous des mesures strictes de sécurité ?

Barazani: Bien sûr.

Al Hayat: Qu'en est-il de la présence d'al-Quaïda au Kurdistan?

Barzani: Elle n'existe pas car les Kurdes refusent absolument cette idéologie. Ses opérations proviennent d'une infiltration de Mossoul à Erbil et il n'y a aucun oragnisation alliée à al-Qaïda dans la Province.

Al Hayat: Est-ce que des extrémistes kurdes ne sont pas alliés à al-Quaïda?

Barzani: Il en existent un petit nombre mais il leur serait impossible de rester au Kurdistan.

Al Hayat: Quel est le problème du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK) ?

Barzani: Le problème est avec la Turquie, il a une cause politique, et tant qu'il ne sera pas résolu politiquement, il demeurera.

Al Hayat: Est-ce que ce parti existe dans votre région ?

Barzani: Il peut avoir des implantations sur la frontière mais ils sotn dans des régions lointaines et des montagnes difficiles d'accès.

Al Hayat: J'ai noté que vous êtes né dans la république de Mahabad ?

Barzani: Laissez-moi corriger le nom exact, qui est la république du Kurdistan à Mahabad.

Al Hayat: Quel âge avez-vous ?

Barzani: Je suis né en 1946.

Al Hayat: Pensez-vous que vous avez accompli une part de vos rêves en voyant les Kurdes jouir de la sécurité en Irak, avec leur identité et leurs traditions respectées ?

Barzani: Oui, dans une large mesure.


Al Hayat: Gardez-vous le rêve d'une nation?

Barzani: Je le considère comme un droit légitime car les Kurdes forment une nation distincte des autres, et pas moins importante, c'est donc leur droit légitime d'avoir une nation indépendante. Je ne le considère pas comme un rêve.

Al Hayat: Est-ce que cela sera une réalité ?

Barzani: Cela deviendra une réalité mais je ne sais pas quand.

Al Hayat: Cela pourrait prendre des décennies.

Barzani: A la fin, ce peuple de 40 millions de gens pourrait avoir une nation indépendante.

Al Hayat: Est-ce qu'il y a une continuité géographique ?

Barzani: Bien sûr, les frontières sont artificielles et des villages sont divisés entre les pays.

Al Hayat: N'avez-vous jamais ressenti le besoin de déclarer l'indépendance du Kurdistan?

Barzani: Je ne prends pas de risques, nous la déclarerons ou quelqu'un d'autre la déclarera à un moment approprié qui nous permettra de résister et survivre et je ne sais pas quand ce moment viendra.

Al Hayat: Pensez-vous avoir réussi ce que Mullah Mustapha Barazani n'a pu réussir ?

Barzani: Nous avons accompli ce qu'il avait projeté et nous sommes ses disciples.


Al Hayat: Il y a des rumeurs sur une infiltration israélienne au Kurdistan, dans des domaines sécuritaires et économiques, et on dit qu'Israël agit de nouveau sur les minorités dans la région ?

Barzani: Nous faisons partie du gouvernement irakien. Selon la Constitution nous n'avons pas le droit d'instaurer nous-mêmes des relations avec les pays. Si Israël ouvre son ambassade à Bagdad, il ouvrira un consulat à Erbil. Cela dit, je ne considère pas que de telles relations seraient un crime, mais ce serait une violation de la Consitution irakienne. Mais Israël a des relations avec tous les pays arabes.

Al Hayat: Tous les pays arabes ?

Barzani: Je pense que tous les pays arabes en ont oui, certains publiquement, d'autres secrètement. Si ces pays ont des relations avec Israël, pourquoi voient-ils comme un crime le fait que d'autres en aient aussi ? Mais je vous assure qu'il n'y a pas d'acitivité israélienne au Kurdistan.

Al Hayat: Pas de relations sur la sécurité ou l'armement ? Avez-vous besoin d'armes ?

Barzani: Nous avons un certain nombre d'armes. Nous les donnons à ceux qui en ont besoin en espérant que nous n'aurons pas à nous en servir.

Al Hayat: Quelles sont vos relations avec l'Iran?

Barzani: Nos relations sont normales, économiques. Au Kurdistan nous n'avons aucun problème avec l'Iran.

Al Hayat: On parle en ce moment qu'une intervention de l'Iran au Kurdistan d'Irak ?

Barzani: Il n'y a en a pas dans la Région du Kurdistan. Les interventions de l'Iran, si elles ont lieu, se font dans d'autres régions.


Al Hayat: Il y a des rumeurs concernant l'action de deux pays étrangers en Irak, celui de la Syrie et celui de l'Iran. Est-ce que le Kurdistan dépend d'eux ?
Aucune puissance régionale ne peut imposer son ordre du jour au Kurdistan car la population le refuse. De plus ils ne disposent d'aucune base pour appliquer cet ordre du jour.
Al Hayat: Quelles sont vos relations avec la Syrie ?

Barzani: Nous avons des relations de longue date avec la Syrie, mais elles ne sont plus aussi fortes qu'auparavant.

Al Hayat: Pourquoi ?

Barzani: Je ne sais pas, il semble que leurs intérêts ont changé.
Al Hayat: On dit que les Kurdes au Kurdistan d'Irak sont les grands gagnants de la chute de Saddam car les Arabes se sont dirigés vers un conflit Sunnites-Chiites. Pensez-vous que ces événements sont dans votre intérêt ?

Barzani: Ces événements se sont produits dans l'intérêt de l'Irak, mais nous avons saisi cette occasion, alors que nos frères sunnites et chiites d'Irak n'ont pas tiré parti de cette chance. Ce n'est pas notre faute. Nous leur offrons toujours notre aide mais s'ils ne veulent pas saisir cette occasion, pourquoi voulez-vous en punir les Kurdes ?

Al Hayat: Au Kurdistan il y a le président d'Irak et le président de la Région. Quelles sont vos relations ?

Barzani: La relation est forte et nous avons mis de côté nos divergences.

Al Hayat: Sur le terrain, les institutions sont divisés.

Barzani: Le processus d'unification se poursuit avec succès.
Al Hayat: Quel est la situation au Kurdistan?

Barzani: Nous avons enregistré une amélioration mais nous avons toujours beaucoup de problèmes liés aux carburants et à l'électricité. L'ancien régime n'avait mis en place aucun programme pour la région, et c'est pourquoi nous partons de rien.

Al Hayat: Les investisseurs viennent-ils au Kurdistan?

Barzani: Oui, et c'est une occasion très importante.

Al Hayat: Et la sécurité là-bas ?

Barzani: Grâce à notre système de sécurité et à la population, qui collaborent ensemble, la sécurité est est parfaite.
Al Hayat: Qu'en est-il de l'immigration des Chrétiens de Bagdad au Kurdistan?

Barzani: C'est exact, et cela ne concerne pas que les Chrétiens, mais aussi les Arabes et les musulmans et nous avons plus de 18 mille familles arabes qui ont émigré dans la Région du Kurdistan et y ont été les bienvenues.

Al Hayat: Êtes-vous préoccupé de l'érosion de la peésence chrétienne en Irak ?

Barzani: Je ne leur conseille pas d'émigrer hors du pays.

Al Hayat: Les droits des non Kurdes sont-ils garantis ?

Barzani: Notre constitution est en cours de rédaction et elle garantira les droits de tous les citoyens qui vivent dans la Région quelles que soient leur nationalité ou leur religion.

Al Hayat: Les Américains vous ont-ils parlé d'un retrait imminent ?

Barzani: Ils ont assuré qu'ils ne se retireront pas tant que la situation en Irak n'est pas stabilisée, car un retrait rapide de leur part serait catastrophique.
Al Hayat: Qui est responsable de la sécurité au Kurdistan?

Barzani: La police.
Al Hayat: Est-ce qu'il y a des unités de l'armée dans la Région ?

Barzani: Oui, ce sont les forces du ministère de la Défense et ils sont Peshmergas.

Al Hayat: Êtes-vous tranquillisé ?

Barzani: Je le serais quand la situation en Irak deviendra stable.

Al Hayat: Êtes-vous effrayé par le grand nombre d'immigrants qui viendrait dans la Région si les Américains se retireraient ?

Barzani: Le Kurdistan est prêt à ouvrir son coeur à nos frères arabes d'Irak.

Al Hayat: Est-il possible que la majorité kurde sunnite participe à la guerre civile aux côtés des Sunnites ?

Barzani: Je ne le pense pas. Dans le cas d'une guerre sunnites-chiites, nous ne prendrons pas part au conflit, mais nous essaierons plutôt de l'arrêter.

(Ghassan Charbel- al-Hayat, 24 mars 2007).

1 commentaire:

  1. raaah :) excellent, posé, détaillé, précis...

    ca change des journalistes français!

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