mercredi, février 28, 2007

Radio, exposition, cinéma : Jean Kellens, mythes platoniciens, Islam, Arménie

Sur France Culture :

Du lundi 5 au vendredi 9 mars:

à 6h00 : L'Eloge du savoir, Langues et religions indo-iraniennes. Liturgie, panthéon et dialectique des âmes. Cours de Jean kellens.

à 11h : Les Chemins de la Connaissance, Les Mythes platonicien. J. Munier.

à 13h30 : Histoire de... l'Islam, par A. Meddeb.

- mercredi 28 : le califat.
- jeudi 29 : la grande discorde. Les Kharidjites.
- vendredi 30 : entre sunnites et chiites.
- lundi 5 : avec l'ange Gabriel.
- mardi 6 : Coran créé, Coran incréé.
- mercredi 7 : entre La Mecque et Médine.
- jeudi 8 : l'empreinte de la langue.
vendredi 10 : la notion de civilisation.


Expositions :

Les Douzes capitales d'Arménie : Conciergerie, 1 quai de l'Horloge, Paris I. Jusqu'au 18 mars.

Armenia Sacra : Musée du Louvre, 99 rue de Rivoli.


Cinéma :

Dol ou la vallée des tambours

Paris : Reflet Médicis III, 7 rue Champollion, M° Cluny ou St-Michel. Vendredi, à 11h40.

Chevilly-Larue - Centre André Maraux, 102 av. du Général de Gaulle. Vendredi à 21h, samedi à 18h30.

Les Mandéens, nouvelle minorité du Kurdistan

La suite de l'histoire des minorités cibles des Kurdes mais qui par pur masochisme se réfugient au Kurdistan...

56 familles mandéennes ont quitté Bagdad pour venir se réfugier au Kurdistan. Selon Saadi Thijil, de la News agency Voices of Iraq (VOI), 40 familles se sont installées à Erbil (Hewlêr), 4 à Khabat, 8 à Silêmanî et 4 à Koysandjaq. Il ajoute que bien que les Mandéens se soient pas une cible directe dans le conflit entre Sunnites et Shiites, ils se trouvent tout simplement au milieu du champ de bataille, et que la majorité des Mandéens ont émigré en Europe, en Syrie et en Jordanie, mais qu'une partie a donc opté pour le Kurdistan. Selon lui, il y avait 65.000 Mandéens dans les années 80, et il n'en reste plus que 10 000 aujourd'hui.


source Kurdish Aspects.

lundi, février 26, 2007

Pétrole irakien : les Kurdes donnent leur aval à la future loi

Finalement les Kurdes et les Irakiens se sont mis d'accord sur le brouillon de la nouvelle loi sur l'exploitation et le partage des revenus pétroliers dans le pays, qui essaie de rééquilibrer la distributions des ressources en faveur des sunnites, mais sans déposséder les régions fédérales de leurs droits. L'accord a été annoncé par le président du Kurdistan Massoud Barzani, lors d'une conférence de presse, aux côtés de l'ambassadeur américain Zalmay (les US tenaient beaucoup à ce que soit réglée cette question avant leur départ d'Irak) et le président de l'Irak Jalal Talabani (avant son hospitalisation). Barzani a indiqué que les deux présidents avaient discuté de cela "par téléphone" avec le Premier Ministre chiite Nouri al-Maliki. Jusqu'ici les débats sur la nouvelle loi butaient sur les exigences des Kurdes qui voulaient avoir un pouvoir de décision plus grand concernant la signature des contrats et la gestion des revenus pétroliers.

Les Irakiens espèrent que cette nouvelle loi encouragera les sociétés internationales à venir investir et réparer et rénover les puits et les pipelines, ainsi que prospecter pour de nouveaux gisements. Il est probable que les conditions offertes aux sociétés étrangères soient très avantageuses pour celles-ci, afin de compenser les dangers inhérents au sud-irakien, d'où critiques de quelques milieux arabes accusant le gouvernement de livrer l'Irak aux étrangers (et de revenir au temps de la British Oil Company en quelque sorte). Mais il est à parier que les milieuc turcs hostiles à une indépendance kurde ne verront pas d'un bon oeil cette avancée des régions en matière de décisions des contrats et de gestion des revenus.

Les Kurdes ont accepté en compromis qu'une commission nationale, présidée par le Premier Ministre, ait un droit de regard sur la gestion des administrations régionales. Quant au partage des ressources, afin de satisfaire les régions sunnites dépourvues de gisement, il se fera entre les 18 provinces irakiennes, en proportion de leur démographie, ce qui donc permettra de faire bénéficier de ces revenus les districts sans puits de pétrole. Cependant, la répartition des ressources en fonction de la population consacre forcément le relèguement des Arabes sunnites (groupe minoritaire) à la troisième place dans la direction de l'Etat irakien, une rétrogradation politique et économique donc, par rapport aux Chiites et aux Kurdes qui se partagent le pouvoir en Irak. (source AP).




Infrasctructures pétrolières de l'Irak, CIA, 2003. From Perry Castaneda Library.


Ashti Hawrami, le Ministre des Ressources naturelles du GRK répond ainsi, sur le site officiel du Gouvernement kurde, aux questions du Porte-parole du Gouvernement , Khaled Salih.

1. Quel est le fond de l'accord ?

Les termes fondamentaux de l'accord sont les suivants : La Région du Kurdistan partagera volontairement certains de ses pouvoirs constitutionnels pour gérer l'exploration du pétrole avec le Gouvernement fédéral. En particulier, et dans un souci de transparence, le Gouvernement régional du Kurdistan (GRK) permettra à une équipe d'experts indépendants de vérifier si les accords pétroliers passés par le GRK ne vont pas à l'encontre de certaines règles commerciales. Le GRK dévoluera volontairement tous ses revenus pétroliers aux autres régions et gouvernorats.

En retour, le Kurdistan a la garantie de percevoir une part de ces revenus, proportionnellement à sa population. Le Gouvernement régional du Kurdistan gardera bien sûr, la capacité de signer des contrats pour l'exploration pétrolière et son développement dans la région.

2. Que signifie cet accord pour l'Irak et pour la Région du Kurdistan, et dans quelle mesure êtes-vous optimiste sur l'adoption de ce projet de loi par la Chambre des Représentants à Bagdad ?

C'est une grande réussite pour nous tous, en Irak. Nous sommes confiants sur le fait que les annexes cruciales à la Loi sur le Pétrole et la Loi sur le Partage des Revenus seront aussi rapidement avalisés afin de terminer le processus de son approbation par le Conseil des Représentants. La plupart des gens avec qui j'ai travaillé sont sincères et désireux de terminer l'élaboration du projet de loi le plus tôt possible. Cependant, comme vous le savez, certains rêvent toujours de maintenir un contrôle central sur la gestion des richesses et revenus du pays. Ils souhaiteraient retarder ou enrayer ce processus afin que l'Irak demeure instable. Heureusement, ils sont une minorité, aussi je reste optimiste sur la suite des événements.

3. Quelle est l'importance de ces annexes et de la Loi sur les revenus ?

Les annexes portent sur l'allocation de territoires spécifiques et de gisements de pétrole à la Compagnie Pétrolière Nationale de l'Irak (INOC), le ministère du Pétrole et le GRK, ainsi que sur des modèles de contrats et des critères communs dans la fourniture de ces contrats. Ainsi ce sera tout l'Iraket non pas seulement le Kurdistan, qui attirera de nouveaux investissements pétroliers, pour le bénéfice de tout le pays. C'est, et cela a toujours été, une priorité pour le GRK.

La Loi sur le Partage des Revenus est un élément essentiel de la Loi Fédérale sur le Pétrole, car elle garantit à la région du Kurdistan et à toutes les autres parties de l'Irak, un partage équitable des revenus pétroliers en fonction de la population. Elle garantira aussi la viabilité du Gouvernement fédéral. Le partage des pouvoirs concernant la gestion du pétrole par les Régions ne peut marcher si le Gouvernement fédéral ne partage pas équitablement en retour, les revenus pétroliers. La Constitution de l'Irak est très claire sur ce point, aussi les deux lois iront au Parlement irakien en un seul lot.

4. Est-il vrai, comme on l'entend dire, que le GRK était le mieux organisé pour vous soutenir pleinement lors des négociations, au nom de la région du Kurdistan ? Est-il vrai que vous avez subi ensuite des pressions significatives pour faire des concessions à Bagdad?

Avant tout je suis heureux d'entendre que les autres ont senti que nous étions les mieux organisés, mais c'est d'abord parce que nous voulions mener les négociations d'une façon plus méthodique, en nous concentrant sur les points-clefs qui nous concernent tous. Le domaine du Pétrole irakien nécessite une approche qui est celle d'un bon sens commun. La plupart du temps, les négociations ont été menées raisonnablement, mais certains négociateurs avaient besoin de plus de temps pour comprendre la constitution fédérale et les principes fondamentaux de partage des responsabilités et des droits dans un Irak fédéral. Dans les discussions d'ordre général, la commission travaillait comme une équipe, mais quand nous avons abordé les étapes finales des négociations le processus est devenu plus tendu. De nouvelles limites dans les délais nous ont été imposées, sans que nous ayons le temps adéquat pour nous accorder sur la Loi sur le Partage des rRvenus et les annexes importantes à la Loi sur le Pétrole.

5. Pourquoi le projet de loi est sorti dans la précipitation, sans ces annexes ? Est-il vrai que vous avez été soumis à des pressions pour accepter les bases de l'accord, et pour différer la question des détails à une date ultérieure ? Que dites-vous des rumeurs selon lesquelles les autres membres de la Commission ont essayé d'obtenir plus du GRK en s'assurant du soutien de l'ambassadeur des Etats-Unis dans les étapes finales de la négociation ?

A la fin de l'année dernière, quelques dates-limites ont apparemment été fixées afin de sortir la loi rapidement. Cela ne laissait pas de temps à la Commission pour se concentrer sur les problèmes restants les plus importants concernant les annexes à la Loi sur le Pétrole comme ceux de la Loi sur le Partage des Revenus. Naturellement, alors que la date limite approchait, le débat devenait plus intense et plus focalisé sur les questions non résolues. Des officiels de l'amabassade des Etats-Unis sont intervenus pour aider le processus. Oui, nous avions tous des avis différents sur la façon de procéder dans l'étape finale. Les préoccupations du GRK étaient très claires : nous voulions éviter d'avoir une loi incomplète et sortie dans la précipitation et nous ne voulions pas répéter l'expérience du projet de constitution en privilégiant la forme par rapport au fond. Nous étions très préoccupés du fait que la hâte pouvait être le prix d'un projet inabouti, qui amènerait dans le futur des conflits internes et des malentendus. Nous voulions éviter de laisser des incertitudes qui auraient un impact sur les investissements dans l'avenir. A cet égard, je suis heureux de dire qu'en dépit de toutes les demandes, venues de toutes parts, dont des pressions de la part d'alliés et de collègues, nous sommes parvenus à persévérer dans notre point de vue et avons obtenu l'accord de toutes les parties que les annexes restantes et la Loi sur le partage des revenus devront aussi être l'objet d'un commun accord avant que le tout soit soumis au Conseil des Représentants.


6. Pouvez-vous nous parler des contrats déjà existants ? Que va-t-il leur arriver ?

Il existe cinq contrats existant. Ils ont été signés avant 2005. Les signataires en sont DNO (Norvégiens), Genel/Addax (Turcs/Canadiens), Zagros-Occidental (Canadien), PetPrime (Turcs/Américain), et A&T Energy (Turcs/Américains). Ces contrats ont été été révisés à la lumière du brouillon de la Loi sur le Pétrole du Kurdistan et modifiés pour être sûr qu'ils sont conformes avec les standards commerciaux les plus élevés. Nous ne pensons pas que des ajustements supplémentaires seront nécessaires pour ces contrats ; cependant nous consulterons le panel d'experts indépendants nommés par la Commission du Pétrole et du Gaz, après sa mise en place prévue par la Loi Fédérale sur le Pétrole, pour être sûr qu'ils seront conformes avec les normes générales requises par l'Irak. Dans le même temps, les investissements continueront dans le cadre de ces contrats.

7. Pouvez-vous nous révéler certaines choses sur les termes de ces contrats ? Pouvez-vous aussi répondre aux critiques sur des irrégularités dans ces contrats qui seraient la raison pour laquelle le GRK s'est montré jusqu'ici peu disposé à les révéler aux Autorités fédérales ?

Comme vous pouvez le comprendre, ce sont des contrats commerciaux passés entre deux parties et il n'est pas d'usage d'en publier les clauses dans le consentement des signataires. Ces contrats ont été spécifiquement ratifiés par l'article 141 de la Constitution, mais dans un souci de transparence nous allons permettre qu'ils soient vérifiés par un panel d'experts nommés par la future Commission Fédérale du Pétrole et du Gaz. Je n'ai vu aucune irrégularité dans ces contrats. Nous les avons déjà revus et modifiés et sommes satisfaits qu'ils répondent aux normes internationales. Je suis donc certain qu'ils satisfairont à tous les critères et directives que l'Irak pourrait adopter avec la Loi Fédérale sur le Pétrole. Cependant, dans un souci de pleine transparence, nous avons décidé de compiler tous ces accords et de les publier dans un avenir proche sur le site du GRK afin que les experts irakiens et internationaux les voient et les commetnent comme ils le souhaitent. Je suis tout à fait sûr que certains commentateurs les estimeront comme étant les contrats les plus "durs" même de nos jours, avec le prix élevé du pétrole et les conditions du marché. Comme d'habitude, le GRK agira dans la transparence et la responsabilité.

8. Y a-t-il plus de contrats sur les pipelines et quel serait le processus pour attribuer de nouveaux contrats au Kurdistan?

Nous sommes en négociations avec un certain nombre de parties, dont de grandes compagnies. Pour de nouveaux contrats nous suivrons les prochaines directives fédérales pour faire des appels d'offre sur un certain nombre de zones de prospection dans la Région du Kurdistan et nous ne concluerons aucun nouveau contrat avant deux mois pour permettre à la Loi Fédérale sur le Pétrole d'êrte adoptée par le Conseil des Représentants. Toutes les négociations sur les nouveaux contrats seront menées et finalisées par le GRK. Cependant, nous permettrons à la Commission sur la Loi Fédérale du Pétrole et du Gaz et son panel d'experts indépendants de les contrôler afin de s'assurer qu'ils seront en conformité avec les directives fédérales, avant leur ratification finale par le GRK. Nous voyons ce processus comme un élément positif de notre politique globale, car il s'appliquera à tous les nouveaux contrats dans l'ensemble de l'Irak. Ceci garantira que des normes communes seront respectées et cela amènera des rentrées maximales pur tout le pays.

9. Si dans deux mois la Loi n'est pas adoptée par le Conseil des Représentant à Bagdad, qu'allez-vous faire ?

Espérons que cela n'arrive pas. Si dans un délai de deux mois la loi est toujours débattue au Conseil des Représentants, nous nous montrerons raisonnables et maintiendrons notre soutien à l'achèvement du processus. Cependant, si la Loi sur le Pétrole rencontre toujours des difficultés et que ses annexes ainsi que la Loi sur le partage des revenus ne sont pas l'objet d'un accord, alors malheureusement nous serons maenés à faire face à une nouvelle situation et nous devrons réviser encore nos options.

10. Ce qui se produirait dans le cas des territoires disputés n'est pas clair, pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet ?

Le cas des territoires disputés, dont Kirkoukest traité dans le projet de la Loi Fédérale sur le Pétrole. Nous sommes d'accord sur deux choses : que la Compagnie Nationale de l'Irak (INOC) continuera de gérer les gisements actuellement en exploitation, dont ceux de Kirkouk; et qu'aucune autre activité sera mise en place dans ces régions avant que le processus du référendum soit achevé. Il faut noter que puisque nous sommes maintenant d'accord sur le partage des revenus pour tout l'Irak, le pétrole et le gaz ne figureront pas dans les débats sur l'avenir des territoires disputés. Cela rendra plus compréhensible à tous ceux qui sont concernés que le référendum prévu par l'article 140 de la Constitution ne portera pas sur le pétrole, mais juste sur la population, son habitat et ses préférences, à savoir si elle veut faire partie de la région du Kurdistan ou non.

11. êtes-vous satisfaits des résultats et des contributions apportées par le GRK ?

Si nous nous en tenons strictement à la Constitution de l'Irak, le GRK est habilité à exercer des pouvoirs plus grands sur le pétrole et le gaz. cependant, afin de le faire accepter par toutes les parties concernées, nous avons dû être accomodants et pragmatiques dans notre approche. Je suis heureux de dire que presque toutes nos idées inspirent fortement le projet de la Loi fédérale sur le pétrole ; vraiment, la Loi Fédérale est modelée sur la Loi Pétrolière de la Région du Kurdistan. Je suis particulièrement content des articles qui appellent à la reconstruction de l'industrie dans tout l'Irak afin de créer une plus grande responsabilité et une plus grande transparence, et d'offrir des occasions d'attirer les investissements. Le projet actuel de la Loi Fédérale reconnaît que les administrations régionales auront le pouvoir de conclure des contrats dans leur région. La Loi sur le Partage des Revenus permettrait à ces revenus d'être distribués au GRK et à toutes les autres régions et provinces d'Irak, en fonction de leurs populations, que ces régions aient du pétrole ou non. Nous voyons cela comme une avancée majeure vers la stabilisation de l'Irak.

12. Quel est le statut du projet de la Loi Pétrolière de la Région du Kurdistan ?

Le projet de la Loi Pétrolière de la Région du Kurdistan est déjà prêt depuis un moment. Il sera légèrement modifié pour l'accorder avec le projet de la Loi fédérale de de la Loi sur le partage des revenus. Il ira au Parlement du Kurdistan à peu près dans le même temps où la Loi Fédérale sur le Pétrole et la Loi sur le Partage des Revenus seront soumis au Conseil des Représentants de l'Irak.

(source www.krg.org)

dimanche, février 25, 2007

Roman de Baïbars

Mise en ligne sur Kurdistan-name des commentaires rassemblés du Roman de Baïbars, avec beaucoup d'extraits en plus et quelques coquilles et fôtes en moins (mais pas toutes, c'est mon côté "Laissez-les vivre"). Dans Menu aller dans Culture, c'est le dernier de la liste.

Cette semaine coup de projo sur : On the way to Bethlehem



Les Mevlevi sont à l'honneur cette semaine, se produisant à Paris avec les Kardes Türküler. Si ces derniers ont le mérite d'exister ce n'est pas franchement la musique que je préfère, alors j'en profite pour diffuser ces deux joyaux que sont Dinarazade et Mevlana, airs mevlevis de Syrie et de Turquie, qui ont l'originalité d'ouvrir et de clore un trajet musical médiéval qui va d'Angleterre et de France, traverse l'Europe centrale et l'Anatolie jusqu'au Levant. Les deux airs de danse soufi ont une nonchalance presque insolente, avec un côté jazzy qui en font un blues envoûtant.



samedi, février 24, 2007

Les Maîtres et les étapes


Le côté gnan-gnan, moralisateur et un peu fayot d'Abû Bakr Kalâbâdhî, qui veut absolument ramener tous les soufis dans le courant "modéré", en atténuant les écarts des pires malamatî, ne peut pas toujours cacher l'insolente fulgurance des rires ou haussements d'épaules de certains fuqara...

J'aime bien les réponses de Chiblî où le questionneur ne devait plus savoir quelle était sa question une fois qu'Abû Bakr Dhulaf eut répondu :

"On posa à Chiblî la question : "Pourquoi les soufis ont-ils été appelés de ce nom ? - Parce que, répondit-il, on les a désignés par un mot qui existe, pour les définir et pour affirmer leur qualité, bien qu'ils ne soient (en réalité) désignables que par la disparition de tout caractère définissable et qu'en ce qui les concerne il ne reste plus d'eux que le nom, qui les définit et qui affirme qu'ils sont qualifiables."
Sur le repentir et l'oubli, la grande arme de certains fakirs...
"Interrogé sur ce qu'est le repentir, Junayd ibn Muhammad répondit : "C'est l'oubli de ta faute." Sahl, lui, avait dit : "C'est que tu n'oublies pas ta faute." La parole de Junayd signifie : que tu expulses si bien de ton coeur la saveur de cet acte qu'il n'en reste aucune trace au fond de ton être, et que tu te retrouves comme si tu ne l'avais jamais connu."

Selon Ruwaym : "Le sens du repentir, c'est que tu te repentes du repentir."

Sur le renoncement :
"Interrogé sur le renoncement, Chiblî s'écria : "Malheureux ! quelle importance a donc ce qui vaut moins qu'une aile de moustique, pour que vous y renonciez !" De même, ABû Bakr Wâsitî : "Avec quelle fureur abandonnes-tu un lieu de déjection ! Jusqu'à quand emploieras-tu cette fureur à te détourner de ce qui ne pèse pas plus pour Dieu qu'une aile de moustique !"

Interrogé encore sur le même sujet, Chiblî déclara : "Il n'y a aucun renoncement, en réalité. Ou bien en effet l'ascète renonce à ce qui ne lui appartient pas, et alors ce n'est pas du renoncement. Ou bien il renonce à ce qui lui appartient, mais comment y renoncerait-il, puisqu'il l'a avec lui et chez lui ? Il ne s'agit donc que de s'abstenir, de donner généreusement, et de partager équitablement (ses biens)." Ce qui revient à considérer le renoncement comme le fait de négliger ce qui n'est pas à soi, or ce qui n'est pas à soi ne saurait être négligé (matrûk) puisqu'en fait il l'est déjà, et ce qui est à soi, il n'est pas possible de le négliger."

Sur la remise confiante (tawakkul) :
"Cela signifie, d'après un soufi éminent (Hallâj), que : "La réalité profonde du tawakkul, c'est l'abandon du tawakkul", c'est-à-dire : que Dieu soit pour eux comme Il était quand ils n'existaient pas.
Un grand soufi (Hallâj) demanda à Ibrâhîm al-Khawwâs" : "Jusqu'où t'a conduit le soufisme ? - Jusqu'à la remise confiante. - Malheureux ! Tous ces efforts pour, finalement, la prospérité de ton ventre !"

vendredi, février 23, 2007

Les Kurdes du Djibal, de Shahrazur et de Suhraward



Sur la carte dessinée par Ibn Hawqal, dans le grand carré vide avec une croix au centre qui est sur la gauche de la route de Rayy à Hamadan, le géographe a inscrit : Estivages et hivernages des Kurdes.



Les Kurdes occupent naturellement le Djibâl (ancienne médie) mais semblent avoir infiltré certaines villes qu'ils n'occupaient pas originellement, au coude à coude avec les Daylamis :

"D'Abhar à Zandjan : 20 parasanges. Abhar était autrefois une ville importante, mais les Kurdes ont assailli cette cité en même temps que les contrées adjacentes et le Daïlam : ce fut dès lors la décadence."

Il en va de même de la ville de Shahrazur. Si les attaques des Kurdes ont fait décliner la ville d'Abhar, ce n'est pas le cas de Shahrazur. Ibn Hawqal y note bien l'absence d'Etat (ni officier ni impôt) et donc le fait que ces Kurdes y vivent dans une grande indépendance. Malgré ou à cause de cela, il ne s'agit nullement là du désordre et de l'absence de lois que l'on associe volontiers dans la pensée musulmane aux confédérations nomades. La vie y semble prospère :

"Shahrazûr est une petite ville, habitée en majorité par des Kurdes qui se sont infiltrés aussi dans les alentours du côté de l'Iraq : aucun officier n'y commande au nom de l'Etat, pas plus qu'un receveur des finances. La vie y est facile et les prix sont bas. L'emplacement est excellent et le canton est fertile, sans compter qu'il est d'une belle étendue et d'un aspect riant.

Il en est de même de la ville de Suhraward, qui, par beaucoup de côtés, notamment par ses productions, ressemble à Shahrazûr que nous venons de décrire : les Kurdes y sont en majorité. Autrefois la plus grosse partie des habitants étaient des hérétiques, qui l'ont abandonnée ; toutefois, ceux qui ont manqué de courage et ont accepté une situation diminuée sont restés par amour du sol natal et de leur patrie. Ces deux villes sont entourées d'une muraille."

Ah Suhraward ! Ville qui peut faire couler de l'encre à cause des trois mystiques et penseurs musulmans qui portent cette nisbah, soit :

- Al-Suhrawardî Abû-l-Nadjîb 'Abd al-Kâhir ibn 'Abd 'Allah al-Bakrî Diya al-Dîn (Né à Suhraward en 490/1097- mort à Bagdad en 563-1168). Soufi et doctrinaire de l'ascèse, oncle du second.
-Al-Suhrawardî Shihâb al-Dîn Abû Hafs 'Umar, (Né à Suhraward en 539/1145, mort à Bagdad en 632-1234). Très grand soufi aussi, dans le courant "sobre" et fondateur de l'ordre qui porte son nom. Il a laissé un traité soufi où il unit tasawwuf et futuwwat.

Et enfin last but not least le plus célèbre et à juste titre :

- Al-Suhrawardî Shihâb al-Dîn Yahyâ ibn Habash ibn Amîrak Abû-l-Futuh (Né à Suhraward en 549-1155, assassiné à Alep en 587-1191).

Revendiquée aujourd'hui par les pan-kurdistes comme kurde (surtout celle du dernier dontl'envergure est de taille et dont en plus l'attachement à l'héritage zoroastrien flatte aussi beaucoup la fibre nationaliste), la nisbah de ces trois-là indique-t-elle à coup sûr leur ethnie ? Shihâb al-Dîn s'il était profondément attaché à la culture iranienne en général n'a pas à ma connaissance fait mention de son origine et son biographe et commentateur Shams al-Dîn al-Shahrazurî (!) ne la mentionne pas non plus, lui-même étant issu d'une ville présentée comme kurde... Mais sur Shaharazurî le grand biographe, on ne sait rien, ni même ses dates de naissance et de mort ! Bref, tout ça n'est que spéculation et d'ailleurs le Sheikh de l'Ishraq, en son "exil" gnostique n'était peut-être pas très attaché à son lignage terrestre.


"La plus grande partie des villes mentionnées et des régions décrites sont pleines de montagne d'une grande hauteur et de précipices terribles et inaccessibles, sauf la route de Hamadan à Raiy et à Qumm, qui se développe surtout au milieu de plaines, rarement interrompues par des montagnes. Le territoire occupé par des montagnes abruptes s'étend des limites de Shaharazur à Amid, soit entre les confins de l'Azerbaidjan, la Haute Mésopotamie et les parages de Mossoul : c'est la longueur. La largeur est, en plus d'un point, de trente à quarante parasanges, plus au moins, et l'on ne parcourt pas une étape entière en terrain plat. Ces montagnes sont très peuplées, habitées par des Kurdes Hamidiya, Lariya, Hadhbaniya, et par d'autres groupes des Kurdes de Shahrazur et de Suhraward. La contrée montagneuse se poursuit depuis Shahrazur jusqu'à Hulwan, Saimara, Sirawan, Lur, Ispahan, et la frontière du Fars, puis revient sur Qashan et Hamadan, pour se terminer à Qazwin et aux régions du Dailam. L'Azerbaïdjan consiste en une succession de dépressions, de plateaux et de sommets, jusqu'au mont Caucase, en passant par les monts des Khorrémites. Les parties basses de cette contrée montagneuse partent des environs de Shahrazur et prennent la direction de Qashan pour aboutir aux frontières du Khuzistan, dans la région appelée les deux Mah, le Mah de Kufa et le Mah de Bassorah."

Ibn Hawqal, Configuration de la Terre, t II, Le Djibâl, trad. Kramers & Wiet.

jeudi, février 22, 2007

Printemps, été, automne, hiver... et printemps





Il y a un décalage très drôle entre les deux fins de ce film, la fin destinée aux Occidentaux (et donc aux judéo-chrétiens) et celle destinée à la Corée (et donc aux Boudhistes). Dans la première, l'enfant revenu apporte tout le message optimiste qu'une naissance est censée symboliser : la vie toujours renouvelée, l'espoir, le printemps éternel... Dans la seconde, la vision boudhiste, plus drôle et plus cruelle, rappelle que la vie qui recommence c'est la souffrance qui triomphe, et aussi la cruauté, et la mort subie et donnée. Dans la fin occidentale, les yeux d'un enfant sont porteurs d'innocence et de purification. Dans la "vraie fin" coréenne, les yeux d'un enfant sont la promesse d'un assassinat toujours renouvelé.

Jours tranquilles à Shêxan

Il y a quelques jours une attaque des Kurdes sunnites contre Kurdes yézidis a défrayé les chroniques du Kurdistan.

Tout a commencé au village de Shêxan, au nord de Mossoul, quand une Kurde sunnite, après une engueulade familiale, s'est tirée en voiture avec deux Yézidis. En fait, voulant échapper semble-t-il à un mariage forcé, elle a eu l'imprudence de faire du stop et les deux Yézidis la mauvaise idée d'accepter de la conduire à Duhok. La famille a hurlé au rapt, zigouillé la fille et s'est mis en chasse des deux Yézidis, qui se sont carapatés vite fait. Les Sunnis se sont alors rabattus sur ce qui leur tombait sous la main et ont brûlé plusieurs maisons yézidies et quelques voitures. Un groupe armé a même cerné la demeure du prince Tahsin Sayid Beg, le chef spirituel de la communauté yézidie. Ils ont tiré, mais mal semble-t-il, puisque heureusement personne n'est mort et que le prince s'en tire avec quelques impact de balles sur ses murs.

Alerté, le Gouvernement kurde a envoyé dare-dare des soldats pour rétablir le calme et convoquer les chefs spirituels et tribaux des belligérants afin qu'ils fassent la paix. Il faut d'ailleurs mettre au crédit des différents chefs qu'ils ont tout fait pour arrêter les conneries des uns et des autres. Tahsin Sayyig beg, le chef yézidi, a ordonné à ses disciples de ne pas chercher à se venger et leur a interdit de tirer sur qui que ce soit et de rester sagement chez eux. Avec un certain sens de la dramatisation, il répète à la ronde que sans cet ordre, "200 à 300 personnes auraient été tuées." Lundi, le Yézidi a reçu chez lui (dans sa maison dont la déco a été refaite par les balles sunnites) Gelan Mizuri, le chef du clan sunnite des Mizuri, dont certains des membres ont participé à l'attaque, ce que Gelan reconnaît volontiers, mais se défendant d'une attaque préméditée. Il a appelé pareillement au calme, et assure que la bagarre est finie, ajoutant dans le plus pur style kurde "c'est pas ma faute, c'est les autres", qu'il fallait imputer tout ça au rôle néfaste que des groupes extrémistes sunnites, arabes ou kurdes, jouent pour attiser les querelles inter-religieuses ou ethniques dans la région. En gros, c'est pas à cause de notre manie des crimes d'honneur que ça chauffe, mais c'est juste les voisins d'en bas (Mossoul) qui ont une mauvaise influence sur nous. Le prince Tahsin renchérit habilement là-dessus, en accusant des mullahs de Mossoul et du Kurdistan d'encourager la chasse aux Yézidis.

Les réactions kurdes à l'événement ont été prévisibles : la diaspora a hurlé (comme toujours) sur la supposée lenteur du Gouvernement kurde à intervenir, a demandé à ce que la plus "vieille religion du monde" *soupir* soit protégée du fanatisme musulman, etc. Au sein du GRK, un Yézidi, Mamo Osman, a déclaré que l'attaque contre le prince était une attaque contre les 500.000 Yézidis, et qu'il avait bon espoir que cet incident serve de déclencheur à un durcissement de la loi contre ce genre d'agissements.

A part ça, il ne faut pas croire que les crimes d'honneur sont une spécialité sunnite, car ils existent tout autant chez les Yézidis, dont les alliances sont encore plus compliquées du fait que non seulement ils ne peuvent se marier avec des membres des autres religions, mais qu'ayant un système de castes, certains castes ont interdiction de se marier aussi entre elles. Il y a eu ainsi, ces dernières années, des cas de crimes d'honneur yézidis, à cause de fugue de jeunes gens apaprtenant à des castes incompatibles mais désireux de se marier. On peut donc supposer que le cas inverse aurait pu se produire.

Hier, devant les télévisions kurdes, Massoud Barzanî lui-même a reçu les dignitaires yézidis, en présence de certains cadres du PDK, afin de remercier les Sheikhs, en son nom et celui de Talabanî, de leur attitude durant le début d'émeute et a réitéré avec force au nom des deux présidents la liberté de croyances et d'opinions. Pour ma part, j'aime beaucoup l'air pédagogique et patient avec lequel Massoud sermonne les uns et les autres. Les sheikhs et prince yézidis ont remercié les deux présidents, le Premier Ministre kurde et tout est rentré dans l'ordre, les chefs se sont réconciliés, le corps assassiné et mutilé de la fille est censé avoir lavé l'honneur de la famille. Quant aux deux Yézidis fautifs, je suppose qu'ils hésiteront la prochaine fois à prendre des auto-stoppeuses.

mercredi, février 21, 2007

Radio, exposition, cinéma : Hermès Trismégiste, Islam, Arménie, Dol

Radio :

Samedi 24 février, à 23h00 sur France Culture : Les Vivants et les dieux - Hermès Trismégiste ou le Corpus Hermeticum. Avec Alain Segonds à propos de la réédition des quatre traités d'André Festugière (La Révélation d'Hermès Trismégiste, Belles Lettres). M. Cazenave.

La figure d'Hermès et sa gnose est aussi essentielle que Plotin dans le soufisme et la pensée gnostique, surtout la philosophie de la Lumière. Sohrawardi le mettait, dans son panthéon personnel, au rang d'un Insan al-Kamîl, ou Homme Parfait, autrement dit parmi la succession des Sages de leur temps, avec Zoroastre, Jean, Aristote, etc.

Du lundi 26 février au vendredi 2 mars, à 13h30 : Histoire de... l'islam, par A. Meddeb.

-lundi : la fondation.
- mardi : l'énergie de la conquête.
- mercredi : le califat.
- jeudi : la grande discorde. Les Kharidjites.
- vendredi : Entre sunnites et chiites.

Expositions :

Les Douzes capitales d'Arménie : Conciergerie, 1 quai de l'Horloge, Paris I. Jusqu'au 18 mars.

Armenia Sacra : Musée du Louvre, 99 rue de Rivoli.


Cinéma :


Dol ou la vallée des tambours, Reflet Médicis III, 7 rue Champollion, M° Cluny ou St-Michel. Vendredi, à 11h40.

Spectacles : Istanbul


En vedette, les Mevlevi et les Kardes Türküler qui se produisent à la Cité de la Musique du 23 au 27 février. Télérama leur consacre un reportage, avec vidéo d'un cours de sema en ligne, un reportage sur les courants musicaux d'Istiklal et le Pîr mevlevi Hasan Dede, une interview de Hasan Saltik, fondateur de Kalan, et une interview des fameux Kardes Türküler.

Renseignements et réservation ici.


Les Kurdes hadhbaniya

"La ville d'Ushnu est rattachée à Urmiya : c'est également une cité où les plantations d'arbres sont très denses, avec des massifs de verdure, des arbres fruitiers, des récoltes de produits agricoles qui en font un ensemble très fertile, on y trouve des vignobles, des eaux courantes. Elle possède un lot important et une part énorme de tout ce qui profite à Urmiya et Maragha, avec les ressources de sa campagne et l'abondance des approvisionnements. C'est le fait des Kurdes Hadhbaniya qui y séjournent pendant l'été et emploient les environs comme pâturages. "

Ibn Hawqal, Configuration de la Terre, L'Arménie, l'Azerbaydjan et l'Arran, trad. Kramers & Wiet.

La tribu des Hadhbaniya continua de prospérer et atteint son apogée aux XII° et XIII° siècles, puisque les Kurdes ayyoubides étaient des Hadhbaniya. Quant à Ushnu, aujourd'hui Oshnaviyeh en persan et Shino en kurde, c'est une ville comprise dans la province d'Azerbaydjan occidental iranienne, qui compte environ 50.000 habitants et est peuplée de Kurdes.

mardi, février 20, 2007

Les Balus du Kerman


A Ride to India Across Persia & Baluchistan" by Harry De Windt (1891)


"Les monts des Qufs sont longés au sud par la mer et finissent au nord dans les alentours de Djiruft, Rudhbar et Quhistan d'Abu Ghanim ; à l'est ce sont Akhwash et le désert qui sépare les Qufs du Mekran ; à l'ouest ce sont les Balus, aux alentours de Manudjan et d'Hormuz. Ces derniers sont répartis en sept groupes, chacun d'eux dirigés par un chef. Les Balus sont de la race des Kurdes et constituent une de leurs tribus. Ils comptent, au témoignage de leurs propres déclarations, environ dix mille hommes, a nimé d'un esprit indépendant et résolu : l'Etat leur imposait un tribut pour les neutraliser ; néanmoins ils se livraient au brigandage sur les routes et représentaient une menace permanente pour les moyens de communication dans l'ensemble du Kerman, les steppes du Séïstan et la frontière du Fars. Le prince réussit à annihiler leur puissance et à briser leur cohésion, en saccageant leurs demeures, en détruisant leurs campements et en dispersant ces Balus. Puis il les mobilisa à son service et les répartit en diverses parties de son territoire et de sa principauté. Ce sont des piétons, qui ne possèdent pas de bêtes de somme. La plupart d'entre eux sont maigres, de teint brun, mais d'une constitution physique parfaite. Ils se prétendent de descendance arabe. Ils s'étaient voués à la propagande en faveur du seigneur du Maghreb dans l'ensemble de la province du Khorassan. Un groupe, se basant sur des traditions ayant cours parmi eux, prétend que des richesses ont été rassemblées dans leurs pays, ainsi que de précieux trésors, et assure qu'ils sont destinés à l'Imam et au Maître de l'Epoque.
Les Balus forment une peuplade résidant sur les pentes du mont des Qufs. Ces derniers, qui n'ont peur de personne, craignent les Balus. Ces Balus sont des pasteurs, vivant sous des tentes de poil comme les nomades : ce sont des gens pacifiques, qui ne font de mal à personne et qui, loin de nuire aux voyageurs, leur viennent en aide. C'est grâce à leur appoint que le prince put venir à bout des Qufs."

Ibn Hawqal, Configuration de la Terre, t. II, Le Kerman, trad. Kramers & Wiet.

Ces Balus, plus communément aujourd'hui appelé Baloutches, sont donc mentionnés comme étant sans doute de "race kurde" selon Ibn Hawqal. Or selon quelques travaux (P. Tedesco), le baloutche de provient ni du persan moderne ni du moyen-persan, et "cette langue peut avoir été une variété de parler mède, puisque les dialectes kurdes, qui ont de notables affinités avec le baloutche, remonteraient, selon l'opinion de Minorsky, au mède ancien."(EI, Balûcîstan). Bien sûr, ces nomades s'inventaient des généalogies arabes comme nos hoberaux roturiers de l'Ancien Empire s'affublaient de particules... Aujourd'hui le Kurdistan et le Baloutchistan sont les deux provinces les plus rebelles de l'Iran. Par contre les Baloutches présentés comme chiites pro-fatimides (le Seigneur du Maghreb) sont aujourd'hui sunnites, comme les Kurdes d'Iran, ce qui est une cause de leur indocilité. Chiites sous les Abbassides, sunnites sous la république des Mullahs, comme on le voit, il y a des peuples de tradition contrariants.

Que le kurde soit ou non issu du mède ancien, et donc que l'on suive ou non la théorie de Vladimir Minorsky, la ressemblance observée entre le baloutche et le kurde semble donc corroborer Ibn Hawqal quand il les apparente aux Kurdes. Pour ma part n'étant pas linguiste, j'ignore sur quoi se fonde ce lien. Un tableau comparatif du vocabulaire baloutche avec toutes les autres langues iraniennes est visible ici, sachant que le vocabulaire ne suffit pas à fonde une parenté ou non, la structure et la syntaxe de la langue étant plus importante. En tous cas, le baloutche, comme le kurde et tant d'autres, appartient au groupe iranien du Nord-Ouest.

lundi, février 19, 2007

Le Néo-araméen "Barzanî"

De quoi alimenter les fantasmes antio-sionisto-KRG, mais flânant sur Wiki, j'ai découvert que la région de Barzan avait donné son nom à un des dialectes néo-araméens du Kurdistan, parlé par les juifs de la région, aujourd'hui disparu.

Apparemment, ce dialecte, appelé aussi Lishanid Janan, était parlé dans trois villages du Kurdistan, Bijîl (qui donna aussi son nom au dialecte), Barzan et Shahe. Le dernier juif à avoir le dialecte "Barzanî" comme langue maternelle est mort en 1998. Les autres juifs qui en israêl emploient encore cette langue (mais pas en langue maternelle) ont tous plus de 70 ans, il est donc à parier que le néo-araméen de Barzan est voué à disparaître, du moins en tant que langue vivante.

Sa fiche linguistique se trouve également ici, où on le recense bien comme Néo-araméen barzanî.

dimanche, février 18, 2007

Cette semaine coup de projo sur : Mihemmed Arif Cizirî





Mihemed Arif Ciziri (ou Cizrawi) est né en 1912 dans la ville de Cizîrê Botan, où il passa son enfance. En 1925, après l'échec de la révolution de Sheikh Saïd il fut emprisonné, jusqu'en 1928, date à laquelle il fut libéré par amnestie. Il partit alors pour Zakho et puis Duhok. Là-bas, tout en exerçant les fonctions de circonciseur il commença à se produire en public. Puis il ouvrit un restaurant, mais sans cesser de chanter. C'est en 1949 qu'il put enregistrer à Bagdad une centaine de chansons, destiné au programme kurde de la radio irakienne.

Radio Bagdad et ses émissions kurdes jouait un rôle aussi important que Radio-Erivan à la même époque, alors que chanter sur les ondes turques ou syriennes était impensable. A Bagdad, il fut en contact et se lia d'amitié avec d'autres grands noms de la chanson kurde, Almas Xan, Hesen Zirek, Tahir Tewfiq, Nesrin Shêrwan, Meryem Xan et Eli Merdan. Accédant par Radio-Bagdad à une diffusion dans tout le Kurdistan, il put enfin se faire connaître de tous ses compatriotes et acquit une grande célébrité.
Mihemed Arif Cizirî affectionnait le répertoire traditionnel kurde, se rattachant à la grande veine des dengbêj de Cizirê-Botan, la ville des premiers grands poètes et chanteurs kurdes. Il est mort en 1986.

Kurdes et Lours du Fars et du Khuzistan au X° siècle


Atlas historique, dir. Georges Duby, Larousse 1978.

La distinction faite entre Kurdes et Lours est très moderne. Ibn Hawqal ne la fait pas au Xème siècle, pas plus que Shref Khan ne la fera au XVIème.

Sinon on voit que le mode de vie nomade n'a rien à voir avec la pauvreté rustique des derniers koçêrs. Comme les autres grandes confédérations nomades, berbères, turques, mongoles, la "civilisation" des tentes égalait en faste celle des sédentaires, qu'elle pouvait dominer d'ailleurs politiquement et financièrement comme cela semble être le cas des puissants Kurdes du Khuzistan et du Fars.


Le Luristan :


"Lur est une contrée bien caractéristique, prospère, où prévaut un climat de montagne : dépendant autrefois du Khuzistan, la région a été rattachée à la province du Djibal. On y trouve une steppe, un district administratif et des cantons ruraux. Dans sa grande majorité la population est kurde ; dans le voisinage le plus proche des Kurdes, le sol est fertile et humide."


Le Fars :


"Il y a cinq campements de Kurdes - dont le plus considérable est le campement de Djilawaih, appelé aussi campement de Ramidjan ; - puis c'est le campement d'Ahmad ibn Laith, connu sous le nom de Lawalidjan ; - vient ensuite, par ordre de volume, le campement de Husain ibn Salih, qu'on nomme aussi campement du Diwan ; - puis le campement de Shahryar, ou campement de Mazindjan : c'est le nom d'une tribu kurde séjournant dans les alentours d'Ispahan, en provenance de ce campement ; - le campement d'Ahmad ibn Hasan, appelé aussi campement de Kariyan : c'est le campement d'Ardashir.


Les tribus kurdes défient toute statistique, vu leur grand nombre, mais selon l'estimation des spécialistes du pays, il y aurait plus de cinq cent mille tentes. Ces Kurdes se consacrent à l'élevage dans des pâturages, hiver comme été, à la manière des Arabes bédouins. On compte par tente d'un à dix hommes environ, seigneurs, domestiques, pasteurs, jardiniers et personnels divers. Je donnerai les noms de leurs tribus pour autant que je m'en souviendrai, car leur nombre exact n'est connu que des fonctionnaires des contributions."


Enumération et description des campements de Kurdes : Chacun de ces campements est formés de bourgs et de villes qu'on a réunis, et un chef kurde est responsable de l'affermage de l'impôt foncier pour chaque circonscription, il veille à l'intérêt général de son territoire, assure la marche des caravanes, prend en main la sécurité des routes, préside aux décisions du gouvernement qui concernent sa circonscription et fait exécuter ses ordres. Ces domaines sont donc gérés comme des provinces.


- Le campement de Djilawaih, connu aussi sous le nom de Ramidjan, est dans le voisinage d'Ispahan et s'étale sur des parties des départements d'Istakhr, de Sabur et d'Arradjan ; une de ses limites confine à Baida, une autre aboutit aux lisières d'Ispahan, la troisième est limitrophe du Khuzistan, et la dernière se termine au campement de l'arrondissement de Sabur. Toutes les villes et bourgades qui s'y trouvent peuvent être considérées comme faisant partie de la circonscription d'Ispahan. Les voisins du côté de la circonscription d'Ispahan sont les Mazindjan, qui proviennent du groupe de campement de Shahryar ; tous ceux qui vivent dans la province du Fars possèdent un très grand nombre de domaines et de villages.


- Le campement du Diwan, ou de Husain ibn Salih, fait partie du département de Sabur ; une de ses frontières touche Ardashir-Khurreh, et la frontière du département de Sabur s'adapte par des coudes aux trois autres côtés. Toutes les villes et bourgades de ce campement sont situées entre ces limites.


- Lawalidjan est le nom du campement d'Amad ibn Laith, qui se trouve dans le département d'Ardashir-Khurreh : un des côtés est débordé par la mer et, sur les trois autres flancs il est entouré par le département d'Ardashir-Khurreh : Les villes et les villages qu'il renferme dépendent de ce département.


- Le campement de Kariyan lance une de ses limites vers Sif Bani Saffar, une autre en direction du campement de Mazindjan, une troisième longe le Kerman et la dernière est bornée par Ardashir-Khurreh. Tout ce territoire appartient à Ardashir-Khurreh.


Voici maintenant les noms des tribus kurdes vivant dans le Fars :


Kirmaniya ; Ramaniya ; Madin ; la tribu de Muhammad ibn Bishr ; Baqiliya ; Bundahmahriya ; la tribu de Muhammad ibn Ishaq ; Sabbahiya ; Ishaqiya ; Adharkaniya ; Sahrakiya ; Tahmadahniya ; Ziyadiya ; Shahyariya ; Mihrakiya ; Mubarakiya ; Istamhariya ; Shahrawiya ; Bundadhakiya ; Khusrawiya ; Zandjiya ; Safariya ; Shahawiya ; Furatiya ; Salmuniya ; Siriya ; Azadhdukhtiya ; Mutallabiya ; Mamaliya ; Lariya ; Barazdukhtiya ; Shahkaniya ; Djaliliya.


Telles sont leurs tribus les plus connues, et leur énumération complète ne serait possible qu'avec les données de l'administration des contributions. Elles comptent au total plus de cinq cent mille tentes, et chaque tribu peut fournir un contingent de mille cavaliers, plus ou moins. Hiver comme été, ces tribus errent à la recherche de pâturages, de cantonnements d'été et dh'iver, exception faite de groupes peu nombreux fixés dans les régions froides. Les nomades des contrées chaudes n'accomplissent pas de grandes migrations, ils vont et viennent dans les limites de leur arrondissement. Leurs guerriers ont le nombre, sont endurants et énergiques, et ils possèdent des chevaux et du bétail : aussi le gouvernement éprouve-t-il les plus grandes difficultés à leur sujet s'il lui vient à l'idée d'agir contre leurs droits ou de les opprimer.


Ibn Duraid assure dans sa Hamasa que les Kurdes sont des Arabes, descendants de Kurd ibn Murd ibn Amr ibn Amir. Or Abu Bakr Muhammad ibn Hasan ibn Duraid est un des mieux documentés sur les Arabes et leur histoire : on se sert de ses déclarations comme arguyment et on se fie à ses affirmtion en ce domaine comme dans d'autres.


Ces Kurdes possèdent des moutons, des juments mais ils n'ont que peu de chameaux. Seuls les Kurdes vivant près de Mazindjan, aux frontières d'Ispahan, élèvent des chevaux de race, ils se servent de diverses espèces de bête de somme. Ils vivent à l'aise et sont même riches : leurs méthodes d'élevage et de recherche de pâturages sont celle des Arabes. On assure qu'ils sont répartis en plus de cent tribus, mais je n'ai mentionné qu'une trentaine d'entre elles, tout au plus."

Ibn Hawqal, Configuration de la Terre, II, Le Khuzistan, le Fars. Trad. Wiet & Kramers, Maisonneuve & Larose, 1964.

samedi, février 17, 2007

Les Kurdes de Djézireh et d'Irak au X° siècle

En Djézireh :




La Djézireh. Ibn Hawqal, seconde moitié du X° siècle.

Quelques repères :



8 : Alep ; 37 : Mont Sindjar ; 44 : Mossoul ; 46 : Amid (Diyarbakir) ; 50 : Nisibe ou Nisibîn ; 54 : Harran ; 56 : Mardin ; 57 : Edesse ou Urfa ; 59 : Diyar Bakr (la région) ; 75 : Mayyafarqîn (auj. Silvan) ; 84 : Suq al-Ahad ; 82 : Kafar'azza.



A Mossoul (44) :
"De nombreux groupements y trouvent une résidence d'été comme un gîte d'hiver ; ce sont des fractions arabes des tribus de Rabi'a et de Mudar ou encore des Yéménites, ou même des groupes kurdes, comme les Hadhbaniya, les Humaidiya, les Lariya."

"Dans une ville appelée Suq al-Ahad (82), les marchés rassemblent, à l'occasion des foires périodiques, les laboureurs et les Kurdes qui y trouvent des effets et toutes sortes d'objets de commerce. C'était une ville au sol fertile, aux abondantes ressources, située près de la montagne, au bord d'une rivière qui se jette non loin de là dans le Grand Zab (79). Le territoire et les districts ruraux de Hazza sont voisins du précédent, et sont séparés des cantons de Mardj par le Grand Zab. Il y a là une ville appelée Kafr'azza (82), habitée par les Saharidja, riches chrétiens : c'est une petite localité, pourvue de marchés, entourée de fermes : les produits agricoles y foisonnent et la vie est à bon marché. Les Arabes bédouins viennent s'y approvisionner, et il y a dans ses abords des établissements de Kurdes."

Où l'on voit que nomades kurdes et arabes se partagent parfois les mêmes territoires, en alternance saisonnière : les Kurdes descendant probablement du zozan en hiver pour la plaine, les Bédouins remontant sans doute vers le nord pendant la saison chaude :

"Les deux Zab sont deux grandes rivières qui, si on les réunissait, seraient plus larges que la moitié du Tigre. Elles coulent à l'est de ce fleuve, prennent leur source dans des montagnes au milieu des cantons de l'Azerbaidjan, et se fraient un chemin entre les territoires de l'Arménie et les régions méridionales de l'Azerbaidjan. De nombreuses prairies s'étalent entre ces deux rivières, ainsi que des localités avec des domaines en parfaite condition et où, jusqu'à une époque récente, les habitants vivaient dans l'abondance et dans l'aisance. Mais les nomades se sont rués sur eux en grandes masses, les calamités les ont accablés, la région s'est dépeuplée et ainsi disparut l'antique prospérité. Pendant la saison froide elle sert de station d'hiver aux Kurdes Hadhbaniya, tandis que c'est le quartier d'été des Banu Shayban."

En Irak :


L'Irak, Ibn Hawkal, seconde moitié du X° siècle.

Repères : Le Golfe persique est en haut et en descendant on remonte vers le nord.

7 : frontières du Djibal (Médie ) ; 17 et 53 : Bagdad ; 18 : Takrit ; 19 : Mossoul ; 41 et 70 : Khanaqin.

"Nous avons eu l'occasion de signaler la courbure de la ligne frontière de l'Iraqk, à l'est, du côté de Takrit (18), depuis le Tigre jusqu'à près d'Alth (56), en longueur, d'où elle affecte la forme d'un arc (247) jusqu'à Daskara. Puis elle reprend la ligne droite et épouse la forme d'un arc jusqu'aux lisières du canton de Wasit, de la limite de l'Iraq aux approches de la montagne. Cette zone est peu cultivée : il y a des bourgs dispersés, peuplés en majeure partie de Kurdes et d'Arabes nomades, qui y possèdent des pâturages. Il en est de même à l'ouest, à partir de Takrit jusqu'à Anbar. Entre le Tigre et l'Euphrate, les cultures ne sont guère florissantes, sauf sur quelques milles en face de Samarra, et le reste consiste en terrains désertiques."

Ibn Hawqal, Configuration de la Terre, t. I, trad. Kramers & Wiet, Maisonneuve et Larose, 1965.

mercredi, février 14, 2007

Cavaliers kurdes dans le Caucase


24 janvier 1915, New York Times.


5000 ans d'histoire en 90 secondes

Ou comment l'on peut voir que le Moyen-Orient n'a jamais cessé d'être envahi par un peu tout le monde... Même par les Kurdes avec l'empire ayyoubide ! Un moyen aussi de se rendre compte des proportions réelles qu'avaient les différents empires.

TV, cinéma : Irak, Dol

Lundi 19 février à 22h35 sur Canal + : Grand Reportage - Irak, agonie d'une nation. Paul Moreira, 2007.

Dol ou la vallée des tambours : vendredi à 11h40, Reflet Médicis III, 7 rue Champollion, M°ST-Michel, Cluny.

mardi, février 13, 2007

Expo photos : Les Yézidis du Kurdistan


Les Yézidis du Kurdistan

photographies Eszter Spät

vernissage samedi 17 février 2007 à partir de 17h

Institut kurde de Paris
106 rue Lafayette 75010
M° Poissonnière

l’exposition est ouverte au public du 19 février au 2 mars 2007
du lundi au samedi de 14h00 à 19h00

Temple de Sheikh Adî à Lalesh






lundi, février 12, 2007

Kitab surat al-Ard

"La plupart des Berbères qui vivent dans la région comprise entre Sidjilmasa et le Sus, Aghmat, Fès, les cantons de Tahert, Ténès, Masila, Biskra, Tobna, Baghay, Akirbal, Azfun, les environs de Bône, Constantine-de-l'Air, le pays des Kotama, Mila et Sétif, sont hospitaliers pour les voyageurs et leur procurent des vivres. Une partie d'entre eux ont des moeurs détestables : ils se livrent eux-mêmes à leurs hôtes en manière d'hommage, sans en avoir aucune honte, les plus hauts placés et les plus beaux d'entre eux se comportent en cela comme les plus humbles dans leur prostitution à leurs visiteurs ; il leur arrive même d'insister. Le missionnaire Abu Abd-Allah infligea à certains des peines sévères, mais malgré les plus dures corrections, ils n'abandonnèrent pas ces pratiques."

"La ville de Sétif est très productive : proche de Mila et de Masila, elle est aussi voisine de Constantine. Les autochtones berbères ressemblent à ceux que nous avons mentionnés pour leur accueil hospitalier et la prostitution de leurs enfants : permission leur fut donnée par le missionnaire Abu Abdallah de prostituer leur progéniture aux hôtes de passage. J'ai appris d'Abu Ali ibn Abi Sa'id que pour témoigner au maximum leur affection envers leurs hôtes ils ordonnaient aux petits garçons de noble famille et d'illustre lignée de partager la couche des invités pour leur permettre de se livrer à des turpitudes et de se plonger dans le péché. Parfois la passion d'un individu quelconque se satisfait avec un chevalier réputé et brave : l'homme de peu ne se prive de rien, voyant à cela un geste honorable et glorieux et jugeant que l'abstention serait une marque de mépris. Nous ne constatons pas cette coutume chez les Kotama de Sétif ni d'ailleurs : ils ne la tolèrent pas et n'estiment pas convenable d'y faire même allusion. Les Kotama de cette région sont chiites, et c'est de leur milieu que surgit le missionnaire Abu Abd-Allah, qui conquit le Maghreb."

"Il existe en Espagne plus d'une manufacture d'étoffes, dont les produits sont exportés en Egypte : on en envoie même parfois jusqu'aux extrêmes limites du Khorassan et ailleurs. Un article d'exportation bien connu consiste dans les esclaves, garçons et filles, qui ont été enlevés en France et en Galice, ainsi que les eunuques Slaves. Tous les eunuques Slaves qui se trouvent sur la surface de la terre proviennent d'Espagne. On leur fait subir la castration près de ce pays : l'opération est faite par des commerçants juifs. Les Slaves descendent de Japhet : leur pays d'origine, très vaste, s'étend sur une grande longueur. Les guerriers du Khorassan entrent en contact avec eux par la région des Bulgares. Ils sont ramenés prisonniers vers cette province, leur virilité est laissée intacte, et leur intégrité corporelle est conservée. Le territoire des Slaves est immense : le bras de mer issu de l'Océan dans les parages de Gog et Magog traverse ce territoire pour aboutir à l'ouest à Trébizonde, puis à Constantinople, le coupant ainsi en deux moitiés. Une d'elles, sur toute sa longueur est razziée par les gens du Khorassan, qui en sont limitrophes, et la moitié septentrionale est envahie par les Espagnols du côté de la Galice, de la France, de la Lombardie et de la Calabre. Dans ces régions les prises sont encore nombreuses."

Ibn Hauqal, Kitab surat al-Ard, Le Maghreb, trad. Kramers & Wiet.

Roman de Baïbars : Le Procès du moine maudit


Avec Le Procès du moine maudit se clot - hélas !- la publication des traductions françaises de ce roman. La moitié du volume est occupée par l'ambassade tumultueuse du Korani, de Saad et d'Edamor chez le roi de Rome, Frédéric. En fait, Frédéric II était déjà mort quand Baïbars devint sultan, mais il eut par contre des relations diplomatiques avec le fils de Frédéric, Manfred, qui fut roi de Sicile. Manfred avait d'ailleurs poursuivi la politique paternelle de collaboration poussée avec les Ayyoubides, puisqu'au moment de la Septième Croisade, il informait le dernier Ayyoubide, le sultan Nadjm al-Dîn Saleh, des mouvements du roi de France vers l'Egypte.

Baïbars envoya aussi une ambassade à Manfred, relatée par Djamal al-Dîn ibn Wasil, dont le récit fut rapporté par Ibn al-Athir, et qui montre Manfred tout aussi préccupé de sciences, de logique, de philosophie que son père.


La seconde partie du récit couvre abondamment les malheurs d'Ibrahim, l'ex-chevalier sans nom, qui affreusement blessé par les Francs, se languit sur son lit de mort, en état de pourriture vivante, malgré les soins de Chiha, tout ça parce que son encombrante et remuante famille se mêle de sa guérison... Pour finir, alors qu'il n'espère plus qu'en la mort, l'intervention miraculeuse de Khidr le Prophète, qui le guérit en un tour de main, rétablit les choses. Ce Khidr "Abû-l-Abbas", que l'on voit assez peu dans le roman, mais qu'invoque fréquemment Ibrahim, comme une sorte de protecteur naturel, a aussi son importance dans le monde mystérieux des Quarante, puisqu'il est le naqîb des Quarante, soit leur syndic et donc, bien qu'il soit pour l'essentiel aussi invisible et discret que le Pôle du monde, a partie prenante dans l'accession au pouvoir de Baïbars.

Khidr, ou Khadir, ou Khezr, selon les langues et les peuples est une des figures les plus énigmatiques de l'imaginaire ésotérique musulman. Dans le Coran, c'est un inconnu croisé par Moïse. Le futur prophète demande à marcher avec lui, et s'entend poser comme condition qu'il ne s'étonnera de rien et ne questionnera sur rien. Moïse accepte, et voit Khidr commettre d'étranges actes, faisant couler un bateau, tuant un jeune homme, sans justification aucune, avec toutes les apparences de l'iniquité et de l'injustice. Naturellement, Moïse finit par s'étonner à voix haute et s'entend reprocher son peu de sagesse, car chacun de ses actes avait un sens caché lié à sa connaissance de l'avenir et du destin des créatures qu'ils croisaient (les Quarante ont la vision de l'échiquier du monde, ne l'oublions pas et sont capables de prévoir de multiples coups par avance). Cette histoire est d'ailleurs tellement courante dans les contes du monde entier, qu'on se demande si ce n'est pas une légende archétypale. J'en avais même lu une variante kurde. Quoi qu'il en soit les actes répréhensibles "en apparence" de Khidr alors qu'ils sont bénéfiques sur le plan du Secret, le relient à la sagesse inversée de certains mystiques, la "folle sagesse" des kalenders et de certains malamatî extrêmes.

Autre lien entre Khidr et les "errants", qu'ils soient soufis ou voyageurs, c'est qu'il est un prophète des routes, du voyage, un sauveur des naufragers (par un glissement courant que l'on rencontre aussi dans le culte des saints catholiques, celui qui fait couler un bateau est celui que l'on invoque dans les tempêtes, de même que des saints locaux donnent les maux qu'ils peuvent curer). Khidr est le jumeau du dieu grec que l'on croise en chemin, ou qui vous demande l'hospitalité, sous l'aspect d'un mendiant ou d'un étranger, il y a du Hermès vagabond dans cette figure.

Dans ses attributs marins, il est aussi, selon le poète turc Karacaoglan, "le gardien des mers" et est monté sur un cheval gris, tout comme dans le Livre de Dede Korkut. Ce "coursier gris des mers" rappelle d'ailleurs de façon frappante le fameux Bozé Rawan, le cheval marin de Memê Alan, "le Gris qui va l'amble". Cela est aussi repris dans la légende du Kalâm gourani des Yaresan (Ahlé-Haqq), étudiée par Mohammad Mokri, celle du "Cavalier au coursier gris, le dompteur du vent" (JA 1974), où Khidr est assimilé à Pîr Dawûd, se portant au secours de Pîr Benyamin, en passe de faire naufrage en mer. Dawûd chevauche le vent et sauve le bateau, l'équipage, et Pîr Benyamin. Voici un extrait de ce très bel hymne (chanté par Ali Akbar Moradî dont nous avons déjà parlé ) :

Ber ew dewanî
Dawûd ha ama ber-ew dêwanî
Shah swar mabô dûstan mizganî

Hors de la cour
Oh, Dâwûd sort de la cour.
Le roi cavalier monte à cheval, Ô Compagnons bonne nouvelle !

Dâwwud gewwash-a
mêna-we-ser-a, gewher-shinas-â
Gerçek Dâwûd-a, ha Dawud ras-a

Dawûd est celui qui plonge dans la mer
Dawûd est Dawûd, Dawûd est celui qui plonge dans la mer,
Il porte un casque gris-bleu, il est le connaisseur des perles
Gerçek est Dawûd, Dawûd est équitable.


Si dans Baïbars on distingue le Pôle du Monde et Khidr Abû-l-Abbas, d'autres versions font de ce Prophète le Pôle. Al-Kaysarî pensait ainsi qu'avant que Moïse ne se révèle par la Prophétie au Zahîr (monde visible) Khidr était le Pôle secret. En général, l'aspect anonyme et discret du Pôle et de Khidr qui agit toujours incognito l'oppose à la fonction prophétique. En tous cas des versions plus populaires considèrent que comme les Quarante, le khadir réapparaît à chaque époque (sauf que les Quarante sont permutables et remplacés à leur mort alors que Khidr immortel ne ferait logiquement que se réincarner).

Mais Khwadja Khadir est aussi un descendant du dieu du printemps, des sources, de l'eau, de la vie immortelle, puisque l'on dit que Dieu lui accorda l'immortalité et le fit monter au paradis avant sa mort, ce qui explique que beaucoup de versions en font un compagnon d'Elie, et que d'autres le confondent avec Elie/Ilyas, faisant même parfois de ces deux figures, une sorte de paire jumelle. Les Turcs et les Alévis le fêtent au printemps, entre le 5 et 6 mai. Ou bien en le confondant avec le Saint Georges du 23 avril, ce qui leur permettait de le célébrer parfois en même temps que les Arméniens, surtout dans le Dersim où entre parainage interconfessionnel et pacte de fraternité, le syncrétisme des cultes alévis et chrétiens allait très loin.

Symbole de printemps, de ce qui reverdit, il est donc naturel que Khidr Abû-l-Abbas guérisse Ibrahim al-Koranî, tout comme la végétation morte renaît sur son passage, et bien sûr un des aspects les plus fascinants pour l'imaginaire humain est cette immortalité qui le relie à la Source de vie (mythe mésopotamien depuis Gilgamesh). Cela peut expliquer pourquoi on le représente parfois sous les traits d'un vieux fakir, ou bien sous ceux d'un adolescent, car en tant qu'immortel, il incarne et intègre tous les âges de la vie.

Khidr et sa "source de vie" ont naturellement inspiré les grands mystiques et particulièrement deux soufis voyageurs, Sohrawardî et plus encore Muhî al-Dîn ibn Arabî. Ce dernier, qui a tenté de systémiser et de distinguer tous les walî (saints) entre eux, présente une hiérarchie un peu différente des Quarante tels qu'ils sont vus dans Baïbars et dans beaucoup d'autres traditions. Ici, Khadir est le maître des Afrâd, des sages solitaires et plutôt "hors confrérie", parvenus au sommet de la connaissance initiatique. Ibn Arabî ne précise pas le nombre de ces afrâd mais indique que sept d'entre eux sont en plus des Abdal et occupent un rang au-dessus, le plus élevé étant celui des malamatî qui dépendent directement du Pôle du monde. Comme on le voit, il bouscule l'ordre plus traditionnel des Quarante Abdal, mais Ibn Arabî adore ne rien faire comme tout le monde. Ce qui est intéressant c'est qu'il appelle les Afrâd les "cavaliers".

Ibn Arabî avait des liens particuliers avec Khidr puisqu'il considérait qu'il avait reçu la khirqâ (manteau soufi) des mains mêmes de ce prophète, de même façon que Sohrawardî avait eu pour murshid Gabriel en personne. Ce qui n'empêche pas notre Sheikh de l'Ishraq de mentionner Kehzr dans l'Archange empourpré, en le prenant comme modèle de tout voyage initiatique, la Source de vie étant bien sûr celle de la Connaissance, et c'est ainsi qu'il recommande par deux fois :

"Si tu veux partir à la Quête de cette Source, chausse les même sandales que Khezr le prophète et progresse sur la route de l'abandon confiant jusqu'à ce que tu arrives à la région des Ténèbres."

"Si tu es Khezr, à travers la montagne de Qaf, sans peine, toi aussi, tu peux passer."

Khidr et tous ses avatars est ainsi le modèle et le guide des vagabonds spirituels, des errants à la recherche de la Source de vie, depuis Gilgamesh jusqu'à Ibn Arabî, d'Inde jusqu'en Méditerranée. Il est aussi celui qui intervient dans les cas désespérés (par exemple recouvrer la santé entre les mains du terrible matriarcat ismaélien), celui par qui le désordre arrive (naufrage, comportement choquant, meurtre), celui qui par son action (et celle des Quarante) maintient pourtant l'ordonnance secrète du monde. Sur l'échiquier cosmique quelle pièce serait-il ? Le Cavalier bien sûr, avec son avancée fantasque, partant d'abord tout droit pour atterrir d'oblique, là où on ne l'attend pas et se permettant même de sauter par-dessus la tête des rois.

La figure de Khidr est naturellement bien plus immense et variée que ce bref aperçu. Il faudrait mentionner le Khwadja Khadir indien et son poisson, parler de la fête de Hizr en Turquie, de René Guénon qui avait ce sujet à coeur, enfin pour les anglophones un site entier lui est consacré où l'on détaille à peu près tous les aspects attributs et vêtements du Verdoyant.

dimanche, février 11, 2007

Cette semaine coup de projo sur : Kayhan Kalhor


Né en 1963 à Téhéran, Kayhan Kalhor est d'origine kurde, de Kermanshan. En plus d'être compositeur, c'est un célébrissime et magnifique joueur de kemençe (vielle) qui a enregistré seul ou avec Ali Akbar Moradi ou bien le joueur indien Shujaat Hussein Khan ou le Turc Erdal Erzincan. Il a composé pour Mohammad Shajarian ou Shahram Nazeri.
Ce CD présente des morceaux pour kemençe et tumbak (Pejman Haddadi). Encore un de mes 5/5 dans le classement, mais cela tient peut-être aussi à l'exceptionnelle beauté du kemençe, dont le son égale celui des plus grands violons classiques.

mercredi, février 07, 2007

Radio, cinéma : Iran, Dol

Dimanche 11 février à 18h10 sur France Culture : Cultures d'islam - L'Iran et son histoire. De Darius à Khomeiny. Avec Yves Porter, auteur de Les Iraniens, histoire d'un peuple (Armand Colin) et Yann Richard, auteur de Naissance d'une république islamique (La Martinière). Par A. Meddeb.

Dol ou la vallée des tambours : Reflet Médicis III, 7 rue Champollion. M° Saint-Michel, Cluny. Mardi à 11h40.

lundi, février 05, 2007

Juifs du Kurdistan

Un site qui a l'air très intéressant, mais malheureusement tout en hébreu, sur les juifs kurdistanî : on peut tout de même reluquer photos, paysages, portraits, cartes, objets traditionnels...

Détail piquant j'ai eu l'info et le lien du site sur Keskesor, un site d'actu kurmancî consacré et animé par des Kurdes de Syrie. Comme quoi ils ont raison de se méfier de la Cinquième Colonne kurdo-sionniste les Baathistes syriens hin hin.

samedi, février 03, 2007

Cette semaine coup de projo sur : Ayshe Shan

Ayshe Shan fut une des grandes dengbêj kurdes. Je reproduis simplement sa nécrologie publiée par le Bulletin de l'Institut kurde en 1996. Sinon, pour écouter, comme toutes les semaines, c'est par ici.

"La plus célèbre des chanteuses kurdes des années 1960-1970, Ayse San est décédée le 18 décembre à Izmir des suites d’une longue maladie. Née à Diyarbakir dans une famille de dengbêj (barde traditionnel kurde), elle était très jeune remarquée par la qualité exceptionnelle de sa voix. Dans un pays où chanter en kurde en public était interdit, sa vocation de devenir chanteuse allait se heurter à une foule d’obstacles. Les radios, les salles de concert, les maisons de disques ne voulant pas prendre de risques de poursuites pénales refusaient de la produire. Finalement, en 1963, le propriétaire d’un jardin de thé avait accepté qu’elle chante chaque soir dans son jardin devant les gens qui venaient passer les soirées d’été autour d’un samovar de thé. Le succès fut rapide. Le salon gagnait en une soirée plus que la recette ordinaire de tout un mois.
Un Juif d’Istanbul, Albert Mesulum, conquis par la voix d’Ayse San a accepté de prendre le risque de produire un disque avec deux chansons en turc et deux chansons en kurde pour ne pas être accusé de " séparatisme". Ce premier disque de musique kurde de l’histoire de la République turque a eu un succès populaire immense. Il fut suivi de plusieurs autres qui furent tous saisis et interdits lors du Coup d’État militaire de mars 1971. Interdite dans son propre pays, Ayse San s’est réfugiée pendant 3 ans en Allemagne. Ses disques, constamment joués par Radio Erévan et Radio Bagdad continuaient de combler les admirateurs de cette chanteuse populaire kurde.
En 1979 elle a été invitée à Bagdad pour participer à des programmes de musique kurde. Elle a ensuite donné des concerts dans les principales villes du Kurdistan irakien en compagnies des chanteurs kurdes irakiens Muhamed Arif Cizrawî et Isa Berwarî. Ces concerts furent de véritables triomphes et les enregistrements réalisés à cette occasion rencontrent encore un vif succès auprès du public kurde. Revenue pour des raisons familiales dans une Turquie à nouveau dirigée par un régime militaire, elle fut contrainte au silence. Première chanteuse publique kurde de Turquie, Ayse San, grâce à son talent et à son courage exceptionnels aura été aussi la première chanteuse à jouir d’une large audience dans l’ensemble du Kurdistan ainsi que dans la diaspora kurde d’Europe et du Caucase."

jeudi, février 01, 2007

Reportage

Le numéro de Paris-Match de cette semaine publie deux reportages sur l'Irak : un consacré à Jalal Talabani, et sa curieuse vie à Bagdad, où Mam Jalal fait son numéro de charme appelant le journaliste "mon jeune ami" et jurant que sa seule ambition dans la vie était de "devenir professeur d'université". Versons une larme sur les vocations contrariées... :) Il fait aussi une analyse sans indulgence de la bêtise des forces d'occupation américaine, qui ont vraiment tout fait pour que la libération tourne au fiasco, mais pointe aussi les miliciens arabes de tous les pays qui ont infiltré l'Irak.

L'autre est en fait une interview de Munkiss al-Farûn, le procureur général au procès de Saddam, celui qui a menacé de quitter la salle d'exécution (et donc de la sursoir) si l'assistance ne se calmait pas. Interview très fine, profonde, d'un avocat qui est homme de droit et humaniste, qui visiblement met un point d'honneur, ou de conscience, quel que soit ce qu'il pense de son accusé, à nouer un certain lien avec un homme dont il a réclamé l'exécution. A la fin, quand le journaliste lui demande qui était Saddam Hussein : "Un homme doté d'une étrange personnalité, quelqu'un qui a souvent prononcé les mots "pitié" et "compassion" mais n'en a jamais fait preuve à l'égard de son peuple."

Concert de soutien à l'Institut kurde