samedi, avril 22, 2006

S,anên te yên rind

Melayê Cizirî est un des premiers poètes de langue kurde. Il vivait dans la première moitié du 17° siècle. Sa poésie appartient au genre mystique, avec pour thèmes principaux l'amour, le secret, le vin, le mystère. Comme son nom l'indique il était de Cizîr (Cizre) où l'on peut encore y voir son mausolée, qui tel celui d'Ahmedê Khanî, est visité comme étant celui d'un Baba, un sheikh.



S,anên te yên rind
Mes,ateyê husna ezel, çengalê zulfan tabî da
Da 'is,qî hilbit pêl bi pêl, qelbê me pê celabî da
Husna hebîb î lutfa yar, avête dil 'is,qa xedar
Lew selbî kir jê ixtiyar, wê husnê ev îcabî da
Min dî seher zulfên di mest, hatin sema îrahmî best
çûn secdeya xalî bi qest, lew haciban mîhrabî da
Rûh û rewanê min hebîb, dîsa bi telbîsa reqîb
Rencîde kir miskîn xerîb, terka dilê ehbabî da
Mehbûb û reyhan pur gulav, ker kir li min cerg û hinav
Zehra helahil bû di nav, lew saqî ew culabî da
Wan dest û zend û sa'idan, mey dane s,eyx û zahidan
Mestî bi çes,mê s,ahidan, ew nêrgiza seyrabî da
Miskê res,andî, ez dibêm : wan nuqteyan hin bûne kêm
Lê, xetê reyhanî li dêm, katib ji nû i'rabî da
Nazikqeda nûrînbes,er, ew bû li min neqs,ê beser
Dîna xiyalê her seher, nav dîdeyê bêxwabî da
Ew tiliyên nazikreqîq, pour da me fîncana 'eqîq
Ew badeya nûrînrehîq, minet bi min Wehabî da
Da xef nebit bejna ferê, mey hate s,ehkasa sirê
Minet ku îro dêmdurê, dîsa s,eraba nabî da
Mey hate fîncana sedef, kes dê vexwut îro bi xef ?
Saqî bi çeng û nay û def, ferfûriya mehtabî da
'Id ew hebîbê nezr e lê, yan dê biqurban bî Melê
Yareb bibînim roj hilê, sikkîn di dest qesabî da



Tes grains de beauté

Parée de l'éternelle beauté, les serres de tes accroche-coeurs
sont des pièges.
Les vagues de l'amour, peu à peu, asservissent nos coeurs
tourmentés.

La beauté de l'amie, la délicatesse de la bien-aimée plongent
le coeur dans un amour cruel.
Ainsi captif de son désir, cette beauté lui devient nécessaire.

J'ai vu à l'aube les boucles enivrées entrer dans la danse, en
tenue de pèlerin.
Elles sont allées se prosterner devant le grain de beauté,
devant le mihrab des sourcils.

Mon âme fut déçue encore par la coquetterie de la très chère,
Qui blesse le pauvre étranger et délaisse un coeur
amoureux.

La bien-aimée, le basilic gorgé d'eau de rose ont brûlé mes
reins et mes entrailles,
Le poison y était, mais l'échanson l'avait mêlé d'hydromel.

Le vin de ces mains, de ces bras, de ses poignets, sers le aux
cheikhs et aux soufis :
Et les yeux dessillés, qu'ils s'enivrent de l'eau de ce narcisse.

Ces grains de beauté, éclaboussures de musc, je les trouve
en nombre insuffisant,
Mais en traçant des signes sur les joues de basilic, l'écrivain
en corrigera les défauts.

La peau lumineuse de la belle à la taille fine est à mes yeux
une peinture,
Dont la vision, à chaque aube, apparaît à mes yeux sans
sommeil.

Ces doigts délicats et fins ont rempli ma coupe de
cornaline,
Ce vin chatoyant et parfait est pour moi une faveur
éclatante.

Pour que cette taille ondulante ne se fasse invisible, le vin
est venu dans la coupe.
Aujourd'hui, les joues de perle m'ont prodigué à nouveau la
faveur d'un vin pur.

Le vin qui emplit la tasse de nacre, faut-il le boire en
secret ?
Saki ! Au son de la harpe, de la flûte et du tambour, sers tes
coupes de Chine au clair de lune.

Pour l'Aïd de l'Amour il y aura offrande, je veux dire, avec
Mollah pour victime.
Seigneur ! Au lever du jour je verrai le couteau dans la main
du boucher.
Melayê Cizirî (trad. Sandrine Alexie).

samedi, avril 08, 2006

Contre-Acte d'accusation : réponse de Baskin Oran

ou consultable en HTML ici



Les professeurs Oran et Kaboglu sont poursuivis en justice et encourent 5 ans de prison pour "incitation à la haine et offense enfin la justice" pour avoir écrit un rapport sur les droits des minorités en Turquie, rapport qui avait été demandé par le Premier ministre turc. Le "crime" de ce rapport ? "Insister auprès du gouvernement afin qu'il reconnaisse les groupes musulmans, tels que les Kurdes, comme des minorités, lancer le débat dans les média et remettre en question l'identité turque dans le pays où tous les musulmans, sans considération de leur ethnicité, sont considéres comme Turcs" (New Anatolian).

"C'est la liberté de pensée qui est jugée ici", a déclaré Ibrahim Kaboglu, un juriste, devant la Cour. "Ce procès absurde est une humiliation pour la Turquie", explique Baskin Oran, qui enseigne les sciences politiques à l'université d' Ankara. Les deux ont été membres du Conseil des droits de l'homme dépendant du Premier ministre. A l'automne 2004, à la demande du Premier ministre, ils ont écrit un rapport très critique sur la politique turque envers ses minorités, parlant de "climat paranoïaque" et mettant l'accent sur le fait que "les revendications les plus inoffensives concernant l'identité sont considérées comme une volonté de diviser l'Etat, et donc réprimées" (Libération, 15 décembre 2005).

Leurs travaux proposaient des amendements constitutionnels et législatifs en faveur des minorités, qui s'ajouteraient aux réformes pro-Européennes déjà adoptées. Le gouvernement a essayé d'enterrer ce document explosif et finalement l'a publiquement renié.

Les cercles nationalistes ont engagé une violente campagne contre les deux académiciens universitaires (les appelant "traitres" et les menaçant de mort) et le Procureur d' Ankara a engagé des poursuites, avec un acte d'accusation aussi fantaisiste que ridicule, que le professeur Oran décortique dès le premier jour de son procès, (commencé le 15 février), avec une magnifique et cinglante rhétorique, pleine d'une magistrale ironie. Ces 37 pages d'une non-défense contre un acte d'accusation qui n'en est pas un mais une bizarrerie sans queue ni tête, sont un somet d'intelligence et de civilisation, dans la bouche d'un profeseur faisant face à la barbarie et à l'étroitesse d'esprits des ultra-nationalistes.

mercredi, avril 05, 2006

Nasr Eddîn Hodja enseigne le kurde


Les dits de Nasr Eddîn Hodja forment un des meilleurs recueils de contes dans la tradition des fol en Dieu, très représentatifs de l'humour turc féru d'absurdité. J'ai extrait une historiette qui montre qu'à cette époque, le kurde avait droit de cité en Anatolie et que même le mot Kurdistan n'était pas tabou (mais je le répète au Moyen-Âge les gens étaient beaucoup plus civilisés), et aussi qu'on pouvait vivre en enseignant cette langue, ce qui historiquement est très intéressant, car prouvant qu'il y avait des amateurs pour l'apprendre. Quel intérêt avaient-ils ? Dans l'anecdote, il s'agit d'un intérêt commercial, ce qui montre bien que l'intérêt d'apprendre une langue étrangère est toujours le même : économique avant tout, que ce soit pour faire des affaires ou obtenir un emploi. Avec le Kurdistan d'Irak, on verra peut-être les cours de kurde exploser en popularité... même auprès des Turcs ! :)


LE MOT ET LA CHOSE

"Un jour, Nasr Eddîn Hodja, histoire de gagner un peu d'argent, décide de donner des leçons de kurde, langue dont il ne connaît d'ailleurs que quelques mots.

Son premier élève est un marchand qui se rend au Kurdistan pour ses affaires.

- Apprends-moi des mots qui me seront utiles dans mon voyage, pour commencer. Comment dit-on "soupe chaude", par exemple, puisque je descendrai à l'auberge ?

- Soupe chaude se dir "arsh" répond Nasr Eddîn sans hésiter.

- Quoi ? fait l'élève étonné, un seul mot pour dire "soupe chaude" ! Je serai curieux de savoir comment on dit "soupe froide !"

- Il n'y a pas de mot pour cela, répond Nasr Eddîn.

- Et pourquoi donc ?

- Parce que les Kurdes détestent manger la soupe froide."

Sublimes paroles et idioties de Nasr Eddîn Hodja, recueilli et présenté par Jean-Louis Maunoury, Pocket.

NB : je n'ai trouvé aucun mot kurde ressemblant à Ars, ou Ers, pour désigner un plat. Peut-être le Hodja l'a-t-il piqué à une autre langue... ou bien tout simplement inventé !

lundi, avril 03, 2006

Trop beau pour être vrai...




Abdullah Öcalan critique Ismaîl Bes,kçi (il n'y a pas de raison, tous ceux qui ont fait réellement quelque chose pour la cause kurde y passent, avec lui). Mais le motif en est des plus comiques : Ismaïl Bes,ikçi attaque... l'Etat turc ! C'est méchant non ? En tous cas Öcalan ne peut laisser passer ça. Aussi lors de son dernier entretien avec ses avocats, le 28 février, il s'est livré à une descente en flamme de ce sociologue turc, qui faisait déjà face à la justice de son pays pour ses travaux universitaires sur les Kurdes, alors que le PKK n'existait même pas.

Mais selon le Soleil de l'Humanité il affaiblit le nationalisme kurde (lui non, vous pensez bien) en attaquant l'Etat turc. C'est vrai que ce genre d'impair politique ne risque pas arriver à Öcalan...

Tout ça parce que Bes,ikçi (quel mauvais esprit !) a osé dire que lui, Öcalan, Lumière intellectuel du 21° siècle, était sous contrôle total de l'Etat turc, et qu'il vaudrait mieux pour lui qu'il la ferme. Alors là, la réponse du Guru, face aux méchants qui le critiquent, est cinglante et majestueuse :

"Ce que dit Bes,ikçi affaiblit le nationalisme kurde (il avait pourtant dit que c'était mal, mais bon...). Derrière lui, il y a des Etats (On ne rit pas...). Les présidents qui veulent utiliser le nationalisme kurde sont à l'extérieur, je le sais. Mais qu'ils sachent que la vieille lune du nationalisme kurde est dévoilée. Ils veulent opposer un nationalisme vieilli (kurde) au nationalisme chauvin (turc). Ce jeu est très amer. Si nos gens restent affamés il ne faut pas qu'ils tombent dans ce piège. Ce problème est très important. Il faut que tout le monde se garde autant que possible du nationalisme (kurde).

Et de répéter qu'il est contre la création d'un Etat (kurde), mais qu'il n'est pas du tout l'ennemi d'un Etat turc unitaire (ça on le croit sans peine). Quant aux Kurdes, hé bien ils feraient mieux de s'activer à devenir plus démocrates (on ne rit pas !!!).
Et c'est pour ce guignol que de jeunes Kurdes meurent ou tuent au Kurdistan ou à Istanbul...

(source Kerkuk-Kurdistan)




'Stupidity, however, is not necessarily a inherent trait.'
Albert Rosenfield.

Concert de soutien à l'Institut kurde