samedi, février 25, 2006

Cinéma


dimanche 26 février à 20h
Au Studio des Ursulines
10 rue des Ursulines
75005 M° Luxembourg

Projection du film David et Layla
Entrée libre et gratuite, sur réservation à
ou par fax : 01 48 24 64 66

vendredi, février 24, 2006

Concert : Kurdes d'Iran

Samedi 25 février à 17 h

Au Théâtre de la Ville de Paris

Ensemble Shams

Hamid-Reza Nourbakhsh chant
Kéykhosrow Pournazéri tanbur

Tahmourés Pournazéri tanbur
Sohrab Pournazéri kamantché
Hossein Rezaïna daf
Shahab Parang tombak

Renseignement et brochures à télécharger ici

Histoire des animaux

Aristote croyait que les abeilles fabriquaient la cire, mais que le miel tombait du ciel, comme une rosée d'étoiles.


"Le rayon de cire vient des fleurs, les abeilles apportent l'emplâtre de la larme des arbres. Le miel est ce qui tombe de l'air surtout au lever des étoiles et lorsque l'arc-en-ciel se déploie. En règle générale, il n'y a pas de miel avant le lever des Pléiades."


La huppe, messager de la reine de Saba auprès de Salomon dans le Coran, oiseau mystique par excellence dans le Langage des oiseaux de 'Attar, selon Aristote "construit surtout son nid avec de l'excrément humain." (IX, 15).

jeudi, février 23, 2006

Longue vie au Président Apo et mort pour tous les autres




La cour de Silêmanî a reconnu coupables les 7 accusés de l'assassinat de Kemalê Sor, membre du PWD assassiné l'année dernière par un commando du PKK, au Kurdistan d'Irak. Il avait pour crime aux yeux du PKK d'avoir quitté ce parti et d'avoir fondé une branche politique pour les Kurdes de Syrie, ce qui lui avait valu l'insigne honneur d'être inscrit sur la Liste noire du parti.

Ils ont été condamnés à perpétuité.

Selon le journal kurde Midyam, en entendant leur condamnation, les assassins ont chanté : "Vive le PKK ! Vive Serok Apo !" (source Kurdmedia.com)

Comme ça, c'est clair. A l'heure où le PKK se défend d'avoir tué Kani Yilmaz et son second en invoquant des "querelles internes", ou bien les Apocî accusant les Turcs, la CIA, le MOSSAD, enfin tout ce que l'on veut, l'attitude de ce commando là et son enthousiasme militant a au moins le mérite de la franchise. Pas sûr que cela tombe au bon moment pour Karayilan : on attend avec curiosité l'arrestation des coupables, et de savoir s'ils vont chanter aussi les louanges d'un parti qui finit par avoir plus de sang kurde que turc sur les mains et du Soleil de l'Humanité qui ne supporte guère qu'on lui fasse de l'ombre.

Mais il est dans la logique fatale et "interne" (mot que Karayilan semble affectionner) qu'un parti totalitaire ait surtout pour but d'éliminer les opposants de son propre peuple ou groupe, plutôt que l'ennemi lointain, déclaré, et avec qui il est fructueux de collaborer finalement, ici l'aile belliciste de la Turquie.

Donc, longue à Apo, longue vie au PKK, et mort pour tous les autres, car un Kurdistan où la parole et les corps seraient libres sonnerait bien le glas du PKK. A ce point de déréliction, ce parti n'a plus d'autre choix que de disparaître, décliner ou de tenter désespérément de "durer" en abattant tout ce qui bouge autour de lui. En ayant rien d'autre en objectif que sa propre survie.



'Stupidity, however, is not necessarily a inherent trait.'
Albert Rosenfield.

lundi, février 20, 2006

Conférence

Le vendredi 24 février
de 9h00 à 19h00
A l'Assemblée nationale
Salle Victor Hugo
101 rue de l'Université
75007 PARIS

Aura lieu une conférence internationale portant sur :

Les processus d'intégration des Kurdes dans les pays de l'Union européenne


Programme et intervenants :

8h30-9h10 : Accueil des participants
9h10 : Présentation de la conférence

9h15-10h45. Table ronde : Les Kurdes en Europe : Qui sont-ils ? Pourquoi sont-ils venus ? Que font-ils ?

Modérateur : Mme Joyce Blau, professeur émérite, France; Introduction : Dr. Ann-Catrin Emmanuelsson, Suède; Intervenants : Metin Incesu, directeur du Centre d'Etude kurde (NAVEND), Bonn, Allemagne; S,ermin Bozarslan, présidente de la Fédération des associations du Kurdistan en Suède; Rus,en Werdî, Institut kurde de Paris.


10h45-11h45 : Politiques d'asile et le sort des déboutés

Modération et introduction : Dr. Khaled Salih, Centre for Contemporary Middle East Studies, University of Southern Denmark; Intervenants : Khaled Khayat, chercheur à l'Institut for Society and Welfare Studies, Linköping University, Suède; Franck Cecen, avocat au barreau de paris, France.

11h45-13h : Les femmes dans la diaspora

Modérateur : Dr. Abbas Vali, Université de Swansea, Grande-Bretagne; Introduction : Prof. Theda Borde, Berlin, Allemagne; Aso Agace, directrice du Centre international pour l'information et la formation des femmes (Hînbûn), Berlin, Allemagne; Sêvê Izouli, avocate au barreau de Paris, France;

13h- 14h40 : Pause-déjeuner.

14h45-16h : Identités diasporiques et relations trans-nationales

Modérateur : Dr. Najmaldin O. Karim, président du Washington Kurdish Institute; Introduction : Dr. Osten Wahlbeck, Department of Sociology, Abo Akademi University, Finlande; Intervenants : Res,o Zîlan, linguiste et professeur de kurde, Suède; Dr. Clémence Scalbert, France; Dr. Salih Akin, Université de Rouen, France.

16h- 17h30 : L'insertion des générations nouvelles

Modération et introduction : Prof. Ilhan Kizilhan, Université de Constance, Allemagne; Intervenants : Dr. Chirine Azadpour, directrice de la Mission locale de Châtillon-Montrouge, France; Barzoo Eliassi, Department of Social Work, Mid-Sweden University; Dr. Chirine Mohseni, France.

17h30-18h45 : Vers une coordination européenne des politiques d'intégration ?

Modérateur : Kendal nezan, président de l'Institut kurde de Paris; Introduction : Patricia Sitruk*, directrice générale du FASILD, France; Intervenants : Khédidja Bourcart, adjointe au Maire de Paris, chargée de l'intégration; Dr. Robin Schneider, Office of the Commissioner of the Berlin Senate for Integration and Migration, Allemagne; Barbro Holmberg*, ministre suédois de l'Intégration, Suède.

(* non confirmé)


Inscription et renseignement à l'Institut Kurde de Paris.

dimanche, février 19, 2006

défense de Baskin Oran (5)

Sur le pseudo-acte d'accusation - 4

Huitième point

Le Procureur en page 7 nous accuse d’utiliser le terme “Türkiyeli” (peuple de Turquie, citoyen de Turquie) au lieu de “Turc”, comme supra-identité.

Plus loin il dit, “Turc est utilisé pour indiquer la citoyenneté et non dans un contexte racial.”

Il y a tellement de choses à dire ici, qu’une fois encore je ne sais par où commencer. Le mieux est de les relever une par une :

1) Pourquoi le Procureur se soucie de la proposition dans notre Rapport d’user du terme “Türkiyeli” plutôt que “Turc” comme supra-identité ? Je ne comprends pas du tout. Ce n’est pas un crime en Turquie. Si ç’en est un, alors je voudrais bien qu’on me dise dans quel paragraphe de quel article de quelle loi, c’est considéré comme un crime.

L’acte d’accusation ne le précise pas du tout. Il allègue seulement que ce que nous disons est faux. C’est ce que le Procureur écrit dans son « Contre-rapport ».

S’il la liberté d’expression existe dans ce pays, je peux proposer tous les termes que je veux, pour tous les concepts, aussi longtemps que cela ne comporte ni insulte ni violence.

Est-ce que je m’oppose à l’Accusation parce qu’elle n’utilise pas “Türkiyeli”? Est-ce que je dépose une plainte criminelle contre lui en requérant 5 ans de prison ?

Ce n’est pas le cas, car je crois que nul ne peut s’opposer à la liberté d’expression de quiconque – et je le répète, aussi longtemps que cela n’incite pas au crime ou à la violence ou ne contient une insulte – et je ne permettrais à personne de s’opposer à la mienne.

Je ne le ferai pas, parce que je sais que c’est dans l’esprit des lois de la république de Turquie. Je suis sûr qu’à la fin de ce procès, le Procureur lui aussi, l’aura compris.

2) Il prétend qu’en Turquie le terme “Turc” n’est pas utilisé dans un contexte racial.

Qu’est-ce que vient faire cette analyse dans l’acte d’accusation ? Est-ce qu’un acte d’accusation écrit une thèse? Une thèse de droit constitutionnel ?

L’acte d’accusation dit des choses entièrement fausses. En fait, il est très rare de rencontrer autant d’erreurs dans un seul texte. Nous avons écrit dans le Rapport, et je lui ai expliqué longuement, mais cela a dû être en vain :

Laissons de côté le fait que le terme “Turc” est aliénant pour ceux qui ne sont pas Turcs ou qui ne se considèrent pas comme Turcs dans ce pays. Je le dis clairement une fois encore, le terme “Türk” dans ce pays est utilisé à la fois pour nommer la supra-identité et le groupe ethnique/culturel dominant.

Vous n’avez qu’à simplement ouvrir le dictionnaire encyclopédique en 24 volumes Meydan Larousse, qui est le plus gros dictionnaire jamais publié en Turquie. Volume 19, page 471. Sous le terme “Türk,” la première phrase dit : “ personne de race turque.” C’est aussi simple que cela.

Mais je ne pense pas que la chose soit simple. Si le terme “Turc” n’est pas le nom d’un groupe ethnique, alors le Procureur doit répondre aux quatre questions suivantes :

a) Que signifie “Etrangers de l’intérieur (citoyens turcs)” ? Ce terme a été utilisé dans la “Régulation pour la Protection contre les Sabotages” date du 28 décembre 1988, tel qu’il a été listé avec les catégories le plus enclines à perpétrer des sabotages.

Si cela ne désigne pas des citoyens non-musulmans, alors qu’est-ce que cela veut dire ? Le Procureur n’a-t-il pas affirmé que le terme “Turc” a été utilisé uniquement pour la citoyenneté ?

b) Que signifie “d’origine turque et de citoyenneté turque” ? Ce terme a été utilisé pour décrire les caractéristiques du Député principal nommé par le ministère de l’Education auprès d’une école privée étrangère ou pour une minorité, telles qu’elles sont énumérées dans l’article 24/2 de la Loi n° 625 toujours en vigueur.

Une fois que vous avez dit “de citoyenneté turque”, pourquoi le répéter en disant “d’origine turque ”? Est-ce que l’acte d’accusation ne prétend pas que le terme « Turc” est utilisé seulement pour la citoyenneté ?

c) Que signifie “Citoyen turc de nationalité étrangère”? Ce terme a été utilisé dans la décision n°2 du Tribunal administrative d’Istanbul, datée du 17 avril 1996. Qui a voulu désigner la Cour en utilisant ce terme ? Il s’agissait de nos citoyens grecs orthodoxes.

L’acte d’accusation ne prétend-il pas que le terme “Turc” a été utilisé seulement pour indiquer la citoyenneté ? Est-ce que quelqu’un dans cette salle ou dans toute la Turquie a déjà entendu un terme “juridique” aussi étrange que celui-ci ? Une personne est soit étrangère, soit un citoyen.

d) Que signifie “les étrangers n’ont pas le droit d’acquérir des biens immobiliers en Turquie ? Cette phrase de la Grande Chambre de la Cour de Cassation date du 8 mai 1974. Qui la Cour de Cassation avait en tête en l’utilisant ? Les administrateurs de la Fondation-Hôpital grec orthodoxe Balikli, fondée par nos citoyens grecs orthodoxes.

Est-ce que l’acte d’accusation ne prétend pas que le terme “Turc” est seulement utilisé pour la citoyenneté ?

Je passe là-dessus, car il y a beaucoup d’autres choses dans l’acte d’accusation.

3) Encore une fois sur la supra-identité, le Procureur nous donne des exemples d’autres pays. Et ce qu’il dit est très intéressant.

Il dit “En Espagne, l’Etat appelle ses citoyens “espagnols” et non “d’Espagne” [Ispanyol] [Ispanayali]”.”

Est-ce qu’un groupe ethnique appelé “Espagnol” a été découvert sans que je sois au courant ? Si la réponse est non, quelle est la différence entre “Espagnol” ou “d’Espagne”?

Le Procureur dit, “L’Etat de France appelle ses citoyens Français et non de France.”

Je suis désolé, mais quelle est la différence entre les deux ? Ou bien est-ce qu’il existe un groupe ethnique appelé “Franc”, dont je ne saurais rien et qui aurait été découvert en France récemment ?

En fait les Ottomans avaient l’habitude d’appeler les citoyens de France “Fransevi” et c’est très exactement la même chose que “Fransiz” (Français)

Il prétend que “L’Etat d’Angleterre appelle ses citoyens Anglais et non d’Angleterre.”

Monsieur le Président, ceci est vraiment un des sommets de l’acte d’accusation. C’est même tellement brillant qu’il nous éblouit les yeux, puisque le terme “Anglais” utilisé par le Procureur, ne l’est plus en Angleterre. Depuis que le Pays de Galle a été réuni sous un seul Parlement avec l’Angleterre en 1707, le peuple en Angleterre dit : “Je suis Britannique.” Depuis 300 ans.

Je n’ai pas nommé cet acte d’accusation une Icat-name (invention) pour rien. Je recommande à quiconque voyage au loin et s’arrête en Angleterre de demander à un citoyen du pays, dans la rue : “Êtes-vous Anglais ?” S’ils ne réalisent pas que vous êtes un étranger qui ne connaît pas du tout le pays, ils pourraient vous faire passer un mauvais quart d’heure. Car à moins qu’elle n’appartienne au groupe ethnique anglais, cette personne vous répondra abruptement : “Non, Je suis Ecossais/Gallois/Irlandais !” Car pour les éléments irlandais, gallois et écossais de ce pays, s’entendre appeler “Anglais » relève de la pure insulte et peut entraîner des incidents majeurs.

Dans ce pays toutes les sub-identités sont unies sous la supra-identité britannique. “Anglais” est un terme erroné que certains en Turquie pensent être la supra-identité de ce pays. Il est seulement utilisé pour indiquer la sub-identité de ceux qui sont d’origine anglaise.

En fait utiliser la sub-identité n’est pas dans l’intérêt des gens d’origine anglaise car ils ont peur de provoquer ceux des autres sub-identités. Demander à une personne : “Êtes-vous Anglais?” dans ce pays revient à demander à un homme dans la rue en Turquie : “Êtes-vous Kurde ou Alévi?” Et il se peut même que ce soit bien pire.

Donc, dans l’acte d’accusation, ce pays est cité comme étant l’Angleterre mais son nom est Royaume-Uni de Grande-Bretagne et Irlande du nord. Si dire seulement Grande-Bretagne ou Royaume-Uni reste acceptable, Angleterre ne marche pas. N’écoutez pas ceux qui chantent “Angleterre, Angleterre” durant les matches de foot. Ceux-là sont les Skinheads.

L’encyclopédie la plus complète publiée en Turquie est l’AnaBritannica (Encyclopaedia Britannica) et dans le 11ème volume, p. 571, il est dit les choses suivantes, dans les premières phrases de l’entrée “Angleterre”: “Le premier pays de Grande-Bretagne et du Royaume-Uni d’Irlande du nord.” L’article de l’encyclopédie continue: “On ne peut parler d’une existence constitutionnelle de l’Angleterre…. L’Ecosse et le Pays de Galle ont leur propres ministères et l’Irlande du nord est autonome dans ses affaires intérieures, l’Angleterre n’a pas ses propres lois et institutions. Les statistiques officielles du commerce extérieur, des impôts et de la défense font partie des statistiques du Royaume-Uni. La seule institution anglaise est l’Eglise anglicane.”

Aussi, comment des gens qui sont même dépourvus de cette information encyclopédique, mettent en avant leurs convictions, amènent des exemples, des règles, et de là demandent 5 ans d’emprisonnement contre nous, pour avoir écrit un rapport académique ?

Je m’arrête là bien qu’il y aurait beaucoup d’autres choses à dire. Laissez moi juste ajouter la chose suivante et nous mentionnerons par là même quelque chose de juste que le Procureur a dit au milieu de tant d’erreurs.

Son dernier exemple est correct. En fait l’Etat allemand appelle ses citoyens Allemands (Alman) et non d’Allemagne (Almanyalı).

Il y a deux moyens de construire une nation :

1) La méthode française
2) La méthode allemande

La première est aussi appelée “méthode territoriale” ou “méthode de Renan”. En fait le terme “Turkiyeli” dans notre Rapport reflète purement et simplement cette méthode. La seconde est la méthode allemande. Elle est aussi appelée la « méthode du Sang ».

Je ne sais pas si je me suis assez bien expliqué.

Laissez-moi finir ce point en disant que la situation en Allemagne ne sera plus jamais la même qu’avant. Alors que le nombre de gens originaires de Turquie a atteint 2.5 millions, alors que le nombre des minorités et des étrangers progressait en Allemagne, l’Etat allemand a dû délayer sa méthode du sang. Par exemple, celui qui naît maintenant de parents allemands et celui qui naît sur le sol allemand (méthode du sol) peuvent obtenir la citoyenneté de la même façon.

Ici la question importante est :

Comment appelons-nous un Turc qui jouit de la citoyenneté allemande par naturalisation ou naissance? Un « Turc allemand » ?

En fait, il ne peut y avoir un Turc bulgare, mais un Turc de Bulgarie, pas de Turc grec mais un Turc de Grèce. Quelle sorte de réponse auriez-vous si vous appeliez, disons, un Turc qui a émigré de Bulgarie pour la Turquie un “Turc bulgare?” En fait ces gens ont fortement protesté contre Fikret Bila, le responsable d’Ankara du quotidien Milliyet pour avoir utilisé le terme “Turc bulgare” dans son éditorial.

Pour toutes ces raisons, Monsieur le Président, on ne peut dire Arménien turc mais Arménien de Turquie, non Grec turc mais Grec de Turquie, non Kurde turc mais Kurde de Turquie.

Mais de Turquie (Türkiyeli) convient très bien. Tout comme Iranien, Irakien, Syrien, Laotien, Américain, Thaï, Autrichien, Canadien, Chinois, etc.

Oui, Chinois. En Chine il n’y a pas de groupe ethnique appelé chinois. Le nom du groupe ethnique qui constitue 95% de la population est le groupe “Han. “Chinois” est la supra-identité de ce pays qui a été composé suivant la méthode territoriale. Tout comme le terme de Turquie (Türkiyeli).

Laissant tout cela de côté, je me demande si le Procureur a jamais pensé à la chose suivante :

Imaginons que le Parlement grec dise “Si le mot turc n’est pas un terme ethnique, alors dans notre pays, aussi, tout le monde est Grec parce que ce n’est pas non plus un terme ethnique.” Qu’arriverait-il, Dieu me pardonne, si la Grèce introduisait un “Article 66” [de la Constitution turque] dans sa Constitution et disait : “Tous ceux liés par la citoyenneté à l’Etat grec sont Grecs ”? Qu’arriverait-il aux 120,000 musulmans turcs de Thrace occidentale ? Deviendraient-ils “Grecs”?

Encore plus intéressant : Alors que nous persistons à dire “Il n’y a pas de problème kurde mais un problème du Sud-est,” ou, quand nous disons aux gens qui s’appellent Kurdes: “Non, vous n’êtes pas Kurdes, mais sud-orientaux (Güneydogulu)” nous pensons sauver le pays de la division. Mais diviserons-nous le pays si nous nous hissions à une plus large échelle en utilisant le terme “Türkiyeli”? N’est-il pas évident que c’est seulement ainsi que nous sauverons le pays ? Quelle sorte de double standard est-ce là ? Qu’est-ce que nous faisons avec cette logique ?

C’est tout ce dont le Rapport parlait, Monsieur le Président.

* * *

J’ai dit auparavant que je reviendrais sur la question de “l’intention”. J’y viens maintenant car le Procureur invente une intention à chaque page. Comme je l’ai répété avant, un juriste ne peut discuter de l’intention. Il ne possède pas une telle autorité. Dans l’acte d’accusation p. 8, il est dit :

“Alors qu’il est proposé d’utiliser le terme Turkiyeli (de Turquie) plutôt que le terme Turc dans le rapport, il n’est pas indiqué que le nom du pays, en d’autres termes le nom de la Turquie, a une connotation ethnique. Est-ce non indiqué ou est-il encore trop tôt pour émettre un tel avertissement ?”

Comment un homme de loi peut-il dire une telle chose ? Faire une telle mise en garde, requiert un grand courage pour deux raisons :

1) En disant “Est-il trop tôt pour émettre un tel avertissement ?” le Procureur essaie ouvertement de signifier la chose suivante : “Les rédacteurs du Rapport ont voulu réellement nommer ce pays Kurdistan mais puisqu’ils n’en ont pas maintenant le courage, ils se contentent pour le moment du terme Türkiyeli. Quand le moment sera venu, ils suggéreront Kurdistan à la place.”

Dois-je rappeler une fois de plus le Rapport Zanardelli ?

C’est un abus de pouvoir. Personne n’a le droit de faire cela. A la fin de mes remarques, nous reviendrons certainement là-dessus.

2) La seconde raison peut être plus intéressante. L’acte d’accusation prétends que le terme “Turkiyeli” a une connotation ethnique.

Une fois de plus nous sommes dans un monde de symboles, projections, probabilités, dangers, dangers, dangers. Mais la seule chose qui manque est le crime légal lui-même.

C’est magnifique tout cela, mais est-ce que le Procureur n’a pas constamment dit que le terme “Türk” n’avait aucune signification ethnique ? Si le terme “Turc” n’a pas de sens ethnique, alors de Turquie “Türkiyeli” n’en a pas non plus. Comment un homme de loi peut être en telle contradiction avec lui-même entre les pages 7 et 8 du même texte ?

* * *

Pour résumer, nous avons proposé le terme “Türkiyeli” pour le bien du pays. Et nous avons fait quelque chose de très bon. C’est le seul concept qui rassemble tous les citoyens de la république de Turquie sans aucune discrimination. Nous sommes tous de Turquie (Turkiyeli ).

Ceux qui l’aiment l’utiliseront et ceux qui ne l’aiment pas ne le feront pas. Mais personne ne peut s’opposer à ceux qui l’utilisent.

Quelqu’un peut-il faire dire à une personne : “Je suis un Turc ?” S’il dit être un Turc, très bien. Mais s’il ne l’est pas ? Et s’il ne peut pas ? Et s’il n’est pas Turc ou ne se considère pas comme Turc ? Que faire ? Le tuer ? Ou le forcer à dire qu’il est Turc ? Laissez moi poser la question au Procureur, que devrons-nous faire ? Opter pour la première solution ou la seconde ?

Turk ou Turkiyeli. Ce pays débattra et prendra finalement une décision. Mais comment l’acte d’accusation peut-il tenter de restreindre notre liberté d’expression? De quel article de loi tire-t-il cette autorité ?

Est-ce que le Procureur nous a fait un procès parce qu’il n’a pas ou n’a pu traîner en justice les brutes qui ont déchiré notre Rapport officiel devant les caméras de TV ?

* * *

Sur cette question l’acte d’accusation se réfère aussi à Ataturk. C’est magnifique. En fait, je voulais, moi aussi, en arriver exactement là. Laissez-moi demander au Procureur maintenant : Croit-il que ce soit nous qui avons introduit le terme Turkiyeli” pour la première fois en Turquie ?

Laissez moi l’informer : Cette personne était Atatürk. Est-ce que le procureur était conscient de cela ? Sil vous plait, écoutez les articles suivants :

“Article 12: Sauf circonstances exceptionnelles en Turquie les Turkiyelis (gens de Turquie) sont libres de voyager.”

“Article 13: L’éducation est gratuite. Tous les Turkiyeli ont droit à une éducation publique et privée.”

“Article 14: Les écoles et institutions assimilées sont supervisées et inspectées par l’Etat. L’éducation des Turkiyeli doit se faire dans l’ordre et l’unité.”

“Article 15: Tous les Turkiyelis ont le droit de fonder toutes sortes de sociétés commerciales, ou dans l’industrie, l’agriculture en accord avec les lois et réglementations.”

Qu’est-ce que cela ? D’où cela vient-il ?

La date est juillet 1923. C’est la première rédaction de la Constitution amendant des articles de la Constitution de 1921 et mentionnant pour la première fois, que la forme administrative de l’Etat est la “république”. C’est écrit de la main même de Mustafa Kemal Pacha. [1]

Si dire “Turkiyeli” est du séparatisme, hé bien il fut initié par Mustafa Kemal. Je ne ferais aucun commentaire; j’attire seulement l’attention du Procureur là-dessus.

Neuvième point

Allons à la section qui dans notre Rapport concerne la Cour constitutionnelle.

Je crois que le Procureur commet une injustice envers nous quand il prétend que nous présentons la Cour constitutionnelle comme un obstacle à la démocratie. Nous avons fait la même chose avec la Cour de Cassation, les tribunaux administratifs et le Conseil d’Etat. Nous avons déclaré que des décisions prises par ces institutions étaient discriminatoires et nuisaient ainsi à la démocratie en Turquie. Comment le Procureur a pu manquer ces points ? A-t-il fait preuve de négligence dans sa tâche ?

Monsieur le Président, je suis un universitaire. Je peux dire tout ce que je veux si je n’insulte personne ni n’incite au crime ou à la violence. Je peux faire toutes les critiques que je veux. C’est ce pour quoi je suis rémunéré par l’Etat.

Je n’ai commis aucun crime. Mais l’acte d’accusation ici a commis 3 crimes:

1) Abus de pouvoir. Critiquer la Cour constitutionnelle n’est pas un crime. Le Procureur a essayé de faire taire les critiques uniquement parce qu’elles ne correspondaient pas à son idéologie. Ceci est un crime. Cela relève aussi de la mentalité dictatoriale la plus pure.

2) Négligence dans sa fonction. S ces commentaires offensaient la Cour constitutionnelle, alors pourquoi ont-ils été publiés dans le périodique 2003 « Loi constitutionnelle » de la Cour suprême, pages 61-93? Le Procureur devrait lancer des poursuites contre cette Cour également. Il néglige son devoir.

3) Offense envers la Cour constitutionnelle. Mes remarques, qui ont été interprétées comme dénigrant les organes juridiques de l’Etat, ont été tirés du papier que j’ai lu en présence du Président et des membres de la Cour constitutionnelle, le 25 avril 2003, au symposium organisé en l’honneur du 41ème anniversaire de la Cour.

Maintenant le Procureur semble dire “Vous, la Cour constitutionnelle, cette personne vous a humiliée. Vous n’étiez même pas au courant. Quelle genre d’inattention est-ce là ? Je vais immédiatement sauver votre honneur en engageant des poursuites.”

Ainsi la Cour constitutionnelle n’aurait pas saisi le message et seul le Procureur l’aurait fait ? Ainsi la Cour constitutionnelle a été incapable de porter plainte durant toutes ces années? Le Procureur agit-il en gardien de la Cour ?

Dixième point

Monsieur le Président, finalement laissez-moi dire pourquoi j’appelle ce pseudo-acte d’accusation une Itiraf-name (confession).

1) Le Procureur dit à la fin (p.10): “Ce texte offre de grandes similitudes avec les dispositions sur les minorités du Traité de Sèvres qui ont mis notre pays sous occupation. Devant une telle ressemblance, on ne trouvera pas étrange de tomber dans la paranoïa de Sèvres.”

La dernière phrase est le sommet de cet acte d’accusation : “Devant une telle ressemblance, on ne trouvera pas étrange de tomber dans la paranoïa de Sèvres.” Cette phrase est incroyable, Monsieur le Président. C’est une phrase qui serait d’un ridicule achevé, non seulement de la part du procureur, mais de quiconque en Turquie. Le Procureur, qui expose l’esprit général de tout l’acte d’accusation, le relie lui-même à la paranoïa de Sèvres.

Bien sûr, cela vient de lui. Personnellement, je n’aurais jamais voulu dire, ni penser une telle chose. L’acte d’accusation le fait, lui.

2) D’un autre côté, l’acte d’accusation accuse notre Rapport de ressembler aux dispositions concernant les minorités du Traité de Sèvres.

Laissez-moi me répéter. Même si à un moment cela avait été le cas, pourquoi serait-ce matière à poursuite ? Le Traité de Sèvres a été fait en 1920 et enterré par l’histoire en 1923. Même s’il y avait eu des phrases ressemblant à ce texte historique, pourquoi cela contrarierait le Procureur ? Qui a dit que c’est un crime?

Mais l’affaire est telle que je n’en resterais pas là. Car c’est encore une invention. Je demande au Procureur : Quelle phrase du rapport ressemble aux dispositions sur les minorités du Traité de Sèvres ? Je veux qu’il me cite un article. Un seul article.

Il ne le peut. S’il l’avait pu, cela aurait été fait dans l’acte d’accusation.

Alors il y a seulement deux possibilités:

1) Le procureur a lu les articles du Traité de Sèvres sur les minorités mais n’a pu trouver aucune ressemblance avec notre Rapport. C’est la raison pour laquelle il n’a cité aucun article.

2) Le Procureur a été tellement atteint par la paranoïa de Sèvres qu’il n’a même pas eu le courage de lire le Traité, puisque que le Rapport lui étant déjà si révulsif, l’Accusation a pensé qu’il était forcément similaire à cet effrayant Traité de Sèvres, aussi le Procureur a trouvé correct de prétendre simplement que l’un « ressemblait » à l’autre.

Je laisse à cette estimable Cour décider quelle possibilité est la plus probable. Mais laissez-moi attirer l’attention de cette estimable Cour sur le fait que le Procureur ne cesse de répéter de telles allégations sans fondement, tout le long de l’acte d’accusation.

Il prétend que le Rapport ressemble à Sèvres mais l’acte d’accusation est muet quand nous demandons quelles phrases ressemblent à quels articles.

Il prétend que le Rapport introduit une nouvelle définition de la minorité mais l’acte d’accusation reste muet quand nous demandons dans quelle phrase cela figure.

Il prétend que le Rapport met en danger la structure unitaire du pays mais l’acte d’accusation reste muet quand nous demandons dans quelle phrase cela figure.

Il prétend que le Rapport a commis un crime en introduisant le terme “Turkiyeli” plutôt que “Türk” comme supra-identité, mais quand nous demandons quel article de quelle loi fait de cela un crime, l’acte d’accusation reste muet.

Il prétend que le Rapport a offensé la Cour constitutionnelle mais quand nous demandons dans quelles phrase et avec quels mots nous l’avons fait, l’acte d’accusation reste muet.

Il prétend que le rapport incite à l’animosité et à la haine entre les peuples mais quand nous demandons dans quelle phrase nous l’avons fait, l’acte d’accusation reste muet.

Nous sommes tous fatigués à présent. Je ne donnerai plus d’autres exemples.

Mais en raison de tout cela, ce n’est pas un acte d’accusation mais un pseudo-acte d’accusation. Le genre d’accusation qui renvoie notre pays au temps du coup d’Etat militaire.

* * *

Pour toutes ces raisons, Monsieur le Président, ce pseudo-acte d’accusation m’a rappelé le grand romancier Yachar Kemal et ses “Aghas d’Akcasaz”. Cela m’a rappelé ce que Dervish Bey a dit dans le roman “Demirciler Carsisi Cinayeti” (Meutre au marché des forgerons).

Dervish Bey a tué le frère d’Akkoyunlu Mustafa Bey. Mustafa Bey est un seigneur féodal de la Tchukurova (Cilicie), tout comme lui. En représailles, Mustafa Bey doit tuer Dervish Bey lui-même puisque ce dernier n’a pas de frère.

Et comme Dervish Bey ne sort jamais de chez lui, Mustafa Bey ne peut le tuer. Aussi, à la place, il oblige quelqu’un à brûler le tas de grains d’un paysan de Dervish Bey.

Sur cet incident Dervis Bey dit, “Vous ne mourrez pas de faim. Chacun paiera pour ce dommages. Je ne me plains pas de cela. Je me plains de ne pas mériter un tel rival. C’est ce que je regrette.”

Je ne regrette pas tout le temps que je n’ai pu consacrer à mes étudiants et à ma femme. Je regrette qu’un tel acte d’accusation ait été écrit contre moi. Je pense être qualifié pour être la cible d’un acte d’accusation bien meilleur. Je crois mériter mieux qu’un document qui essaie de miner une thèse scientifique mais se met lui-même dans une situation qui empire à chaque pas.

Je crois mériter un meilleur acte d’accusation que celui-là, qui invente à la fois l’acte et la loi, et veut ensuite me poursuivre d’après ses propres inventions.

Si la théorie criminelle a perdu à ce point ses bases fondamentales dans ce pays, et si les notions de crime ont été à ce point malmenées, eh bien je crains que plus personne n’y puisse rien faire, et qu’il n’y ait plus une place où se réfugier.

Mais je ne peux accepter qu’il n’y en ait plus. Il doit y en avoir, et ce contre-acte d’accusation doit en être la preuve.

* * *

Aussi, et afin qu’aucun autre acte d’accusation ne tente quelque chose de similaire, je demande à ce que le Procureur soit puni comme il le mérite. Je veux faire la liste des crimes qu’il a commis dans son acte, et je veux intenter un procès contre lui :

Avec cet acte d’accusation, plusieurs articles de loi ont été violés en ignorant les règles juridiques du respect des droits de l’homme tels qu’ils sont stipulés dans l’article 2 de la Constitution et en accord avec les principes d’un Etat démocratique.

1) La liberté académique et son autonomie telle qu’elle est mentionnée dans la Constitution et dans l’Art.15/3 de l’Accord international des Nations Unies de 1966 UN sur les droits économiques, sociaux et culturels, ont été violés et les intérêts de l’Etat minés.

2) Les poursuites judiciaires violent la liberté d’expression garantie par la Constitution et la Convention européenne.

3) Le Code pénal turc a été violé par l’acte d’accusation car il essaie de faire des analogies et met en cause « l’intention ».

4) La Cour a été offensée par un dossier très peu préparé.

5) L’Europe, le principal objectif de la république de Turquie a été dépeint comme un ennemi. Cet acte d’accusation et ce procès seront utilisés comme un obstacle majeur pour empêcher l’entrée de la Turquie dans l’UE. Sous cet angle aussi les intérêts fondamentaux de la Turquie ont été lésés.

6) L’acte d’accusation a été écrit avec la logique du Millet-i Hakime (Nation dominante). Il divise la nation en deux et essaie de faire revivre l’ordre de base de l’empire ottoman effondré.

7) L’acte d’accusation commet un abus de pouvoir en introduisant des thèses alternatives idéologiques connues pour être ultra-nationalistes.

8) L’acte d’accusation a négligé ses devoirs en ne classant pas certaines charges intentées contre nous.

9) L’acte d’accusation a offensé la Cour constitutionnelle, un organe judiciaire de l’Etat.

10) En déclarant que le terme “Turkiyeli” incite les gens à la haine et l’animosité et que c’est un terme de division, l’acte d’accusation a insulté M.K. AtatÜrk qui l’a le premier utilisé dans quatre articles séparés du premier texte de la Constitution en juillet 1923.

11) En attaquant la liberté d’expression l’acte d’accusation a tenté d’éliminer l’Etat démocratique fondé sur la liberté.

12) L’acte d’accusation a commis le crime de séparatisme en divisant la nation en éléments de base (musulmans) et secondaires (non-musulmans)

_________________________________________________________

[1] Türkiye Cumhuriyeti İlk Anayasa Taslağı (Premier texte constitutionnel de la république de Turquie), İstanbul Boyut Yayın Grubu, Ekim 1998. Ce texte fut découvert par l’équipe de Can Dündar alors qu’ils émenaient des recherches dans la Bibliothèque du Palais Cankaya pour un film documentaire ; il m’a été fourni par mon “complice” le professeur Ibrahim Kaboglu.)

samedi, février 18, 2006

défense de Baskin Oran (4)

Sur le pseudo-acte d'accusation - 3


Continuons.

Le Procureur fait une autre affirmation en page 5; cette page est vraiment très riche.

Elle est aussi entièrement idéologique. Voici ce qui est dit :

“Dans le Rapport il y a une nouvelle définition et application de la minorité autre que celle admise par by Lausanne. Cela mènerait au chaos.” Plus loin, cela continue :

“Cela aboutirait aussi à un résultat qui ferait éclater la structure unitaire de l’Etat, et l’indivisible intégrité de la nation.”

Au nom de la loi, je pose une question : Il est dit que cela causerait un chaos, détruirait l’intégrité. Il est encore fait mention d’un dessein, d’une éventualité. Qu’est-ce que tout cela veut dire ? Quel genre de juridiction criminelle est-ce là ?

Quand quelqu’un dit “Le temps est nuageux”, devons-nous immédiatement conclure qu’il pourrait pleuvoir, qu’un lac se formera, que les oiseaux arriveront, et que la grippe aviaire se propagera ?

Mais continuons. Le Procureur mentionne ces arguments importants en seulement 3 lignes et demi, mais ne les développe pas. Bien entendu, il ne les prouve pas non plus, avec des exemples tirés de notre Rapport.

Bien que nous ayons publié ce Rapport il y a 17 mois, la Turquie n’a cependant pas eu à faire face à de tels événements. Mais j’ignore ce qui pourrait se passer dans 17 ans.

Et je ne sais si c’est pour plaire aux Kurdes que le Premier ministre Erdogan use constamment de la terminologie et des méthodes du Rapport : A Hakkari et ailleurs il a dit que toutes les sub-identités, qu’elles soient kurde, non-musulmanes, turque, circassienne, etc. doivent être respectées, et qu’elles sont sous la supra-identité d’un citoyen de Turquie. Que dire d’autre ? Qui en Turquie connaissait les notions de sub- et supra-identités avant notre Rapport ?

Mais continuons de détailler les arguments de l’accusation, de montrer à quel point ils sont incorrects et de prouver leur fausseté avec des exemples tirés de notre Rapport. Laissez-nous montrer comment le Procureur a produit un acte d’accusation qu’il n’aurait pas dû écrire.

1) Avant tout, où exactement avons-nous proposé une nouvelle définition de la minorité dans notre Rapport ? Dans quelle phrase ou quel paragraphe ? Une telle phrase ou paragraphe n’existe pas…

Aussi, comment le procureur peut-il voir une chose qui n’existe pas ? La raison en est qu’il porte des lunettes idéologiques qui l’empêchent de voir certaines choses. De plus, il ne connaît pas la différence entre “l’existence d’une minorité” qui est un phénomène sociologique et le “statut d’une minorité” qui est une catégorie juridique.

Monsieur le président, dans notre Rapport, nous ne disons pas que Lausanne ne doit pas être appliqué, ou doit être modifié. Au contraire, nous arguons qu’il n’est pas appliqué et que cela devrait être le cas. C’est très exactement ce que nous avons écrit dans notre Rapport.

Nous avons des doutes sur le fait que le Procureur a bien lu le Rapport, ou peut-être l’a oublié en raison des dix mois qu’a pris précisément son enquête.

2) Le Procureur a écrit que nous faisons éclater “la structure unitaire de l’Etat et l’intégrité du pays ” dans notre Rapport.

Laissez-moi reposer la même question : dans quelle ligne et avec quels mots avons-nous fait cela ? Si le Procureur est incapable de répondre à cette question, cela établit que la plainte est infondée. Si un homme ordinaire avait fait ce que le procureur a fait, il serait appelé “calomniateur.” C’est pourquoi cet acte d’accusation est, du début à la fin, rien d’autre qu’une Iftira-name (calomnie).

Monsieur le Président, nous avons fait exactement le contraire :

a) Le rapport ne veut pas changer la structure de l’Etat et ne comporte même pas le mot “unitaire”, cela n’est pas de notre ressort.

De plus, bien que je ne veuille pas m’étendre sur ce sujet, je ne sais vraiment pas par om commencer pour rectifier cet acte d’accusation. L’acte utilise le mot “unitaire” de façon erronée et le confond avec le concept de centralisation ; par ailleurs, il confond aussi centralisation avec indivisibilité. Or ce sont des sujets complètement différents. Laisse-moi expliquer :

Les US ne sont pas un Etat unitaire mais fédéral. Pourtant ils ne sont pas divisés du tout. Maintenant regardez la situation actuelle de l’Irak : il n’était pas fédéral mais unitaire.

Dans les Etats à structures fédérales et comme dans les Etats unitaires, on peut y voir autant de démocraties que de dictatures. Ainsi, l’URSS était une fédération mais pas une démocratie. L’Espagne n’est pas une fédération mais un Etat unitaire, c’est cependant une des démocraties les plus tolérantes du monde. Le mois dernier M. Aguado, le numéro 2 des Forces de l’Espagne a tenté d’interférer dans la démocratie ; il a été assigné à résidence d’abord et puis démis de ses fonctions. Il doit se retirer en mars.

b) Par ailleurs, je suis ennuyé de vous dire cela, j’espère que vous-même ne vous ennuyez pas en m’écoutant, mais notre Rapport ne comporte ni le mot “fédérale » ni le mot « confédéral », pas une seule fois. Alors de quoi est-il question ? Mais c’est ce que prétend l’acte d’accusation.

Dans le rapport, nous défendons l’indivisibilité de l’Etat/Patrie car nous fondons nos raisonnements sur la discipline des relations internationales, laquelle affirme que si les Etats du monde étaient restructurés en fonction de divisions ethniques ou linguistiques, cela nous mènerait à une mitose.

Voici ce que nous avons écrit dans notre Rapport, mot pour mot : page 3, sous-titre 3 : “l’intégrité indivisible de l’Etat avec son territoire est profondément naturelle et est une question indiscutable dans le monde entier.”

Maintenant, dites-moi ce qui ne va pas dans cette phrase ? Quelle partie de notre rapport divise le pays/patrie ? Est-ce que cet acte d’accusation n’est pas plutôt un acte de calomnie ? Que faisons-nous ici ? Pourquoi avons-nous été convoqués ?

3) Le Procureur parle de “l’intégrité de la nation.”

Monsieur le Président, la science politique a pour règle que l’Etat / Patrie est “indivis” et la nation “unie”. De même l’indépendance est un attribut de l’Etat, tout comme la liberté est un attribut de la nation. La nation est libre, l’Etat indépendant.

“Indivis” se réfère à un tout, sans partie ni annexe. Il n’y a pas de nation qui ne soit faite de parties, sauf peut-être l’Islande, la Corée, le Portugal, et peut-être d’autres. Toutes les nations sont faites de différentes ethnies et groupes religieux. Même le Japon n’est pas homogène.

Vous ne pouvez faire d’une nation une “totalité” en niant l’existence de ces groupes. Au contraire vous ne ferez que la déchirer et la diviser en autant de parties qu’elle compte de personnalités originales ou en d’autres termes, de sub-identités. Les gens ne peuvent accepter la négation de leur sub-identité. Ils se révoltent. Les gens se révoltent si vous leur servez une mauvaise tasse de thé, pourquoi ne se révolteraient-ils pas quand leur identité est niée ?

Ces différentes sub-identités peuvent créer “l’unité” seulement si une supra identité les embrasse toutes et ne reflète aucune identité particulière ethnique ou religieuse. C’est pourquoi si vous réduisez la nation à un caractère “unique” vous détruisez son unité. L’unicité est ennemie de l’unité.

Personne ne peut écrire un acte d’accusation sans connaître ces choses. Si c’est le cas, le résultat sera inévitablement à celui que nous avons là.

4) Je frémis en lisant certains passages de l’acte d’accusation. C’est comme si le Procureur élaborait de nouvelles lois et théories. Il dit la chose suivante – J’essaie de corriger un peu sa phrase :

“Etant donné que le pays a physiquement une structure centrale/unitaire, les gens qui y vivent doivent aussi avoir une structure unitaire.” Il dit cela à propos de notre Constitution.

Cette fois l’acte d’accusation entreprend d’écrire un livre de « Droit constitutionnel ». Mais alors un livre complètement faux. Je ne sais pas par où commencer tellement il y a d’erreurs :

a) Une fois de plus, il confond centralisme avec structure unitaire. J’ai donné suffisamment d’informations sur cette question.

b) Deuxièmement, en écrivant “La république turque est un Etat unitaire avec son pays et sa nation” il appliqué l’adjective unitaire à la nation, alors que c’est en fait un attribut de l’Etat.

Monsieur le Président, laissez-moi m’expliquer là-dessus :

Dans des plaintes concernant la liberté d’expression, vos collègues de Strasbourg en ont rejeté certaines si l’Etat accusé affirme et prouve que “la sécurité nationale du pays” et / ou “l’intégrité territoriale du pays” étaient en cause.

Mais quand un Etat accusé s’est défendu en arguant que “l’intégrité de la nation était en cause”, les plaignants ont remporté le procès et ont obtenu compensation, selon l’art.10 de la Convention européenne des droits de l’hommes.

La raison en est la suivante : Quand il s’agit de limiter les droits individuels, la notion d’“intégrité de la nation” est étrangère aux pays européens, bien que les deux concepts soient respectés ici. Un tel concept ne peut être accepté, parce que si c’était le cas, il n’y aurait plus de démocratie. Dans la seconde moitié du 19° siècle la définition de la démocratie était “la volonté de la majorité”, et cette définition est devenue “respect des sub-identités” dans la seconde moitié du 20ème siècle. Nous sommes au 21ème siècle maintenant.

5) Cet acte d’accusation cite le fameux article 2 de la Constitution espagnole et le fait avec une grande imprudence. Je ne sais pas trop quoi dire. Laissez-moi vous citer ledit article et vous expliquer ensuite.

“La Constitution est bâtie sur l’indissoluble unité de la nation espagnole, la patrie commune et indivisible de tous les Espagnols; elle reconnaît et garantit le droit à l’autonomie de toutes les nationalités et régions qui la composent, et la solidarité entre toutes.”

Permettez-moi de reposer la question : Quand nous discutons de savoir si notre Rapport constitue un crime – ce qui ne devrait pas être discuté en raison de la liberté d’expression – pourquoi discuter de la Constitution espagnole ? L’acte d’accusation à partir de là, se met cette fois à écrire un livre de “Politiques comparées”.

En outre, cela aurait été extrêmement raisonnable de citer moi-même cet article dont les 3 lignes désapprouvent complètement les arguments de l’Accusation, mais confirment les miens sur 2 points:

a) Je vous prie de m’accorder toute votre attention: l’adjectif utilisé pour la nation est “unie”. Celui utilisé pour patrie est “indivisible”, tout comme je le disais deux semaines avant, mot pour mot. Je ne comprends pas du tout pourquoi le Procureur a inclus cet article qui en fait, contredit ses propres arguments.

J’ai vraiment du mal à croire que l’acte d’accusation continue ainsi :

“Comme vous pouvez voir, la Constitution espagnole, tout comme la Constitution de la république de Turquie, mentionne le principe de l’indivisibilité de la nation.”

Serait-ce exagéré que de dire que la Procureur s’amuse de nous ? Ce n’est pas un acte d’accusation mais un acte de moquerie.

b) S’il vous plait prêtez-moi encore attention : Après le point-virgule, l’article 2 de la Constitution espagnole déclare que la nation est faite de nationalités autonomes et de régions.

Qu’est-ce que je disais plus haut ? J’ai donné une version allégée de la même déclaration : J’ai dit que la nation était faite de sub-identités, ethniques et religieuses. Certains se désignent eux-mêmes comme Turcs, d’autres comme musulmans, d’autres comme Kurdes, d’autres comme alévis, etc. La Constitution espagnole a fait un immense pas en avant en déclarant que la nation est faite de nationalités et de régions autonomes garanties par la Constitution.

Dieu me pardonne, si nous avions répété cet article dans notre Rapport, en d’autres termes, si nous avions dit qu’en Turquie la nation doit être faite de nationalités et régions autonomes, qu’est-ce qui nous serait arrivé? La réponse est très simple en vérité : Nous aurions été séparatistes.

Je reviendrai sur ce point. Mais avant de terminer sur cette question, je dois vous montrer quelle sorte d’Espagne est citée par le Procureur, telle que l’acte d’accusation la déploie sous vos yeux[1].

- L’art. 2 de la Constitution indiquait “La nation espagnole est composée de nationalités et de communautés autonomes”.

- L’article constitutionnel 3/2: “Les communautés autonomes peuvent utiliser leur langue avec l’espagnol.” Ce que nous voulons dire par espagnol ici est la langue de la région castillane.

- L’article constitutionnel 4/2: “Avec le drapeau espagnol, les communautés autonomes peuvent avoir leurs propres drapeaux sur leurs bâtiments publics.”
- L’article constitutionnel 69/5: “Le Parlement espagnol est composé de deux chambres. Les communautés autonomes sont représentées au Sénat d’après le principe de la représentation proportionnelle.”
- L’article constitutionnel 87/2: “Les communautés autonomes peuvent avoir leur assemblées respectives, qui –en plus de gouverner leurs propres communautés- peuvent soumettre des propositions de loi au Parlement espagnol.”
- L’article constitutionnel 133/2: “Les assemblées des communautés autonomes sont habilitées à lever des impôts.”

Ces communautés autonomes ont un statut spécifique. Par exemple regardons le Statut d’autonomie du Pays basque, de 1979. [2]
- Article 17 : Afin d’assurer l’ordre dans le territoire autonome, une force de police autonome sera instituée. Le commandement des forces de police reviendra au Gouvernement du Pays basque. Les forces de sécurité de l’Etat et les forces armées sont compétentes dans des cas relevant de l’extra- ou de la supra-Communité (entrée ou sortie de l’Etat, étrangers, douanes, aéroports, contrebande, etc.)
- Article 38/1: “Les lois du Parlement basque seront sujettes au contrôle du Tribunal constitutionnel uniquement en ce qui concerne leur conformité avec la Constitution.”
- Article 40: “Le Pays basque aura sa trésorerie et son budget autonomes. Afin de ne pas nuire à l’équilibre inter-régional en Espagne, une partie du budget sera transféré au gouvernement central pour les dépenses générales.”
* * *
Maintenant venons en pour l’Espagne, à la pratique de la langue maternelle et à l’éducation dans la langue maternelle. Je citerai seulement les exemples du Pays basque et de la Catalogne :
Pays basque [3]

Depuis la loi de 1982 , 4 modèles ont été appliqués au Pays basque :

Modèle A) Le programme d’étude est en espagnol, quelques sujets sont en basque (euskara).

Modèle B) L’espagnol et la langue basque sont utilisées à 50-50.

Modèle D) Le programme d’étude est en basque.

Modèle X) Le programme d’étude est en espagnol.

Dans ce système, les étudiants peuvent choisir tous les modèles qu’ils veulent. Les plus communément adoptés sont les modèles B et D.

Le modèle semble disparaître depuis que dans certaines régions il est nécessaire de connaître la langue basque pour trouver un emploi. D’un autre côté, le nombre de ceux qui ne aprlent que le basque est presque nul.

La Catalogne [4]

La langue catalane est enseignée à l’école primaire dans la Communauté autonome de Catalogne depuis 1978. Après 1982, des examens en catalan ont été aussi inclus dans les examens universitaires. Depuis la loi sur la Langue de 1983, il a été décidé qu’au moins une matière serait enseignée en catalan.

En Catalogne, le catalan est langue officielle avec l’espagnol (article 3 du Statut de l’autonomie de la Catalogne, de 1979).

La langue catalane – la “langue propre de la Catalogne”- est la langue officielle de tout le Generalitat[5], l’Administration territoriale catalane, l’Administration locale, et tous les départements officiels des Generalitat. Le catalan et l’espagnol seront utilisés comme langues officielles par l’administration (Loi sur la Langue de 1983, article 5).

Les documents qui seront envoyés par le Generalitat à d’autres départements officiels à l’intérieur de la Catalogne le seront en langue catalane. Les documents qui seront envoyés hors de Catalogne le seront en espagnol ou –si nécessaire- dans la langue officielle de cette administration (Décret de 1987 n° 254, article 5).

Toutes les annonces, minutes et documents appropriés concernant les réunions des départements de l’administration locale seront en catalan, et aucune traduction ne sera fournie (Loi de 1987 n°8, article 2).

Les juges, les procureurs, les autres employés des tribunaux, les parties des procès et leurs représentants peuvent utiliser la langue officielle de la Communauté autonome par écrit et oralement. Les documents de la cour rédigés dans la langue officielle d’une communauté autonome sont valides sans qu’il soit nécessaire des les traduire en espagnol (Loi organique de 1985 n°6, articles 2, 3, et 4).

Les noms officiels des lieux en Catalogne seront uniquement en catalan, sauf pour le Vall d’Aran (Loi sur la langue de 1983, article 12).

Le catalan est la langue de l’éducation à tous les niveaux. A l’école primaire, les enfants peuvent choisir entre le catalan ou l’espagnol, mais ils sont obligés de les apprendre tous les deux (Loi sur la langue de 1983, article 14).

Je viens juste de finir de présenter un résumé de l’exemple espagnol donné par le Procureur sur la nation indivisible. Je pense que ce résumé est suffisant.

_________________________________________________________

[1] Je remercie mon assistante Elçin Aktoprak pour les informations fondamentales qu’elle m’a fournies concernant l’Espagne (tirées de European Minorities and Turkey sa thèse en cours de rédaction).

Pedro Ibarra ve Igor Ahedo, “The Political Systems Of The Basque Country: Is A Non-Polarized Scenario Possible In The Future?”, Nationalism and Ethnic Politics, Vol. 20, 2004, p. 355-386.
http://www.lehendakaritza.ejgv.euskadi.net/r48-2312/en/contenidos/informacion/concierto_economico/en_467/concierto_i.html

[2]www.lehendakaritza.ejgv.euskadi.net/r48-448/en/contenidos/informacion/estatuto_guernica/en_455/adjuntos/estatu_i.pdf

[3] Estibaliz Amorrortu, ”Bilingual Education in the Basque Country: Achievements and Challenges after Four Decades of Acquisition Planning”, www.rci.rutgers.edu/~jcamacho/363/amorrortu.pdf

[4] Jude Webber ve Miguel Strubell i Trueta, “The Catalan Language: Progress Towards Normalisation”, The Anglo-Catalan Society Occasional Publications, 1991. http://www.anglo-catalan.org/publications/acsop/07The_Catalan_language/pdf/issue07.pdf

[5] “Generalitat” est un concept représentant l’administration de Catalogne en général. Il recouvre le Parlement, le président et tout le gouvernement. Pour cette structure, voir www.gencat.net/generalitat/eng/guia/mapainstit.htm

vendredi, février 17, 2006

Défense de Baskin Oran (3)

Sur le pseudo-acte d'accusation - 2
Droits des minorités linguistiques en France

Laissez-moi tout clarifier ceci : Pour fournir une comparaison avec la Turquie, je décrirai seulement la France métropolitaine, c’est-à-dire le pays français en Europe, comme nous savons. Sinon, si j’inclus “l’Outre-mer” comme disent les Français, où les droits des minorités sont pratiqués de façon bien plus évidente et générale, ceux qui considèrent la France comme un Etat centralisé unitaire pourraient avoir une attaque cardiaque. Par exemple en Nouvelle-Calédonie, le français n’est pas la première langue mais la seconde; mais je ne m’étendrai pas là-dessus davantage.

Sur cette question l’acte d’accusation met en avant des informations ramassées ça et là et qui sont naturellement fausses.

Le concept des “Langues de France”

L’article 2 de la Constitution française est le suivant : “La langue de la République est le français”.

Cela devrait beaucoup plaire à l’accusation car cela nous rappelle la déclaration : “Sa langue est le turc” de l’article 3/1 de notre Constitution, se référant à l’Etat turc.

Cependant il existe en France quelque chose d’autre que le Procureur ne connaît pas et ne serait pas heureux de connaître : Le concept des “Langues de France”. Si nous avions ce concept en Turquie ça donnerait : “Les langues de Turquie”.

L’institution publique[1] dépendant du Ministère français de la ulture et de la ommunication, auparavant connue sous le nom de “Délégation Générale à la langue française”, nom qui a été changé en “Délégation Générale à la langue française et aux langues de France” le 16 octobre 2001, définit ce concept comme suit :

“Le concept de “Langues de France” se réfère aux langues régionales ou minoritaires traditionnellement parlées par des citoyens français sur le territoire de la République, et qui ne sont les langues officielles d’aucun autre Etat.”

Le nombre de ces langues régionales et minoritaires dépasse les 75 en incluant les langues d’Outre-mer. Le nombre de celles parlées en France métropolitaine est seulement de 16 et elles sont divisées en “langues régionales” et “langues non-territoriales”.

Il y a 10 langues “régionales” en France : l’alsacien, le basque, le breton, le catalan, le corse, le flamand occidental, le francique mosellan, le francoprovençal, les langues d’oïl, les parlers d’oc ou occitan.

Il y a 6 langues “non-territoriales” ; l’arabe dialectal, l’arménien occidental, le berbère, le judéo-espagnol, le romani, le yiddish.[2]

On est absolument libre de parler, écrire, publier, faire des productions artistiques, etc. dans ces langues.

La loi “Deixonne” sur l’enseignement des langues locales et des dialectes, en vigueur depuis 1951 stipule que l’éducation en breton, basque, catalan et occitan est permise (article 10) et la dite loi recense les universités où ces langues peuvent être objets d’enseignement et de recherche (article 11).

Le corse[3] (décret du 16 janvier 1974) et l’alsacien, langue minoritaire parlée en Alsace-Moselle (arrêté du 30 mai 2003) ont été admis dans les langues pouvant être “l’objet d’un enseignement[4]”.

Monsieur le Président, le Procureur peut ne pas avoir été au courant de tout cela. Parce que si vous regardez les dates qui sont données ici, ce sont des développements qui prennent place après son diplôme de l’Ecole juridique. Cependant, ignorer les derniers développements scientifiques n’est pas une excuse, tout comme ignorer la loi n’en est pas une non plus. Si c’était le cas, alors ne pas demander d’apprendre n’en est certainement pas une.

Laissez-moi ouvrir une parenthèse et vous donner une brève information sur les régions d’Alsace-Moselle et sur les langues minoritaires qui y sont parlées. Je regrette, mais certaines personnes vont en avoir la chair de poule; Cependant, ce n’est pas moi qui suis à blâmer. Je ne suis pas celui qui a cité la France en exemple pour la comparer avec la Turquie.

Tout comme celle d’Alexandrette (Hatay), séparée de la Turquie entre 1918-39 et puis qui lui a été rattachée, ou bien celle de Kars-Ardahan qui fut sous gouvernement russe entre 1878-1918, cette région de France, située sur la frontière allemande, est une partie de l’Alsace-Lorraine qui fut donnée à l’Allemagne après sa fondation en 1871 et la défaite française contre ce pays, avant de revenir à la France en 1918.

Cette région où les privilèges mentionés plus haut sont appliqués pour les minorités, est composé de toute la province d’Alsace et de la Moselle, une partie de la province de Lorraine.

Selon les linguistes, la langue qu’on y parle n’est pas une langue à part mais un dialecte allemand. En dépit de ce fait, comme je l’ai mentionné, ce dialecte est accepté comme une langue minoritaire comprise dans les “Langues de France” et jouit de tous les privilèges qui leur sont accordés. Comme je l’expliquerai brièvement, dans cette région de France les gens parle cette langue dans leur vie publique et privée et, bien que cela puisse sembler difficile à croire, ils appliquent le droit allemand.

Laissez-moi vous rappeler à nouveau ceci, pour éviter toute erreur : Nous parlons de la France, que l’acte d’accusation désigne à la Turquie comme étant le meilleur exemple d’un Etat unitaire.

Pourvu que cela soit stipulé par le règlement de la municipalité, le dialecte de l’Alsace peut être utilisé par les municipalités.

Les associations situées dans la région utilisent de même l’alsacien dans leurs activités. En 1993, la Cour d’appel de Colmar, dans une affaire dont le fond portait sur le fait que l’assemblée générale d’une association s’était tenue en alsacien, a rejeté l’annulation des décisions de l’assemblée générale. A partir de là, on peut considérer qu’il n’y a plus de barrières pour utiliser l’alsacien dans les associations.

Bien que la loi “Toubon” du 4 août 1994 sur l’usage de la langue française stipule que le français est obligatoire dans l’éducation, les transactions commerciales et les services publics, l’alsacien n’est pas interdit dans les administrations publiques en Alsace. En fait, l’art. 21 de la dite loi dit ceci : “les dispositions de la loi ci-dessous ne peuvent être applicables aux documents de réglementation des langues locales en France et ne peuvent constituer des barrières à l'utilisation de ces langues”[5] Ainsi elle admet le fait que l’usage verbal des langues locales dans les administrations de la région n’est pas interdit, et c’est donc son application réelle.

Dans la région, des affiches pour les campagnes électorales et la propagande ont été imprimées en français et en allemand depuis 1919. [6]

Depuis la circulaire du 10 août 1979 n° 1619, cette langue, en plus du français, peut être utilisée sur les panneaux de signalisation des autoroutes[7]. En Alsace, les noms des rues sont dans les deux langues sur les sites historiques de Strasbourg.

Situation dans le domaine judiciaire

Cette situation est tout simplement choquante pour nous.

Les décrets présidentiels de 1919, 1922 et 1928 stipulent que le français, l’allemand ou le dialecte local (alsacien) peuvent être utilisés par la défense dans les tribunaux.

Selon ces mêmes décrets, si les parties déclarent que leur français est inadéquat, les documents notariés publics peuvent être écrits en alsacien.

Si le juge l’accepte, les parties à la cour peuvent directement communiquer dans la langue minoritaire. Car en vertu de l’art. 23 du nouveau Code de procédure légale; “Si le juge est compétent dans la langue parlée par les parties il ne doit pas faire appel à un interprète[8].

Situation dans l’Education

La situation dans l’éducation est encore plus frappante : ces langues minoritaires sont enseignées dans les écoles publiques et privées.

Dans les écoles privées, à partir de la maternelle sont libres de les apprendre tous ceux qui s’intéressent à ces langues, parlées par un total de 250.000 étudiants dans toute la France selon les données du ministère de l’Education.[9] Il est même possible pour les maternelles et les écoles primaires d’adopter ces langues dans le Pays basque et l’Alsace-Moselle, comme medium de l’education; il n’y a pas à cela de barrière juridique. La même chose est applicable au secondaire. Des écoles enseignent uniquement dans ces langues.

L’Etat fournit une contribution financière à ce système. Ainsi le Pays basque est financé à 70% par l’Etat et à 30% par les parents dans cette région[10].

Dans les écoles publiques ou les écoles sous contrat avec l’Etat, ces cours sont imitées à 2 h par semaine, tout comme les autres langues étrangères.

En accord avec la décision administrative du 31 juillet 2001, la moitié des cours sont enseignés en français et l’autre moitié dans la langue minoritaire dans les écoles de type “bilingue”, à tous les niveaux (maternelle, primaire et secondaire)[11]. Dans ce type d’école il y a une section à part appelée “langues régionales”. De telles écoles en Alsace-Moselle donne des cours moitié en allemand (alsacien) et moitié en français.

C’est le cas jusqu’à l’université. Il est possible de suivre un cursus de Littérature et de langue régionales à l’université.

Il y a des instituts d’enseignement supérieur dans certaines régions qui fournissent une éducation uniquement en langue minoritaire, comme L’Institut d’Etudes Basques à Bayonne. [12]

Inutile de dire que ces cours sont compris dans les heures de classe réglementaires partout en France.

Situation dans la culture et les arts

Les privilèges dont jouissent les langues minoritaires ne sont pas seulement limités au domaine de l’éducation. Ces langues sont protégées et soutenues dans la culture, la formation et l’éducation. Elles sont financées par l’Etat français dans des domaines variés tels que la musique, les livres, le théâtre, le patrimoine ethonlogique, les archives, les musées, les films.

Par exemple, le programme de la “Bibliothèque des langues de France” a été établi afin de fournir des prêts pour les bilbiothèques qui acceptent ou recherchent des livres écrits en ces Langues de France, et aussi de fournir des subventions pour les éditeurs qui voudraient publier dans ces langues. Il y a une division du travail en France: le ministère de l’Education nationale est responsable de la protection et du dévelopement du français et le ministère de la Culture et de la Communication de ceux des “Langues de France”[13].

Je ne sais si vous avez noté que je n’ai pas du tout mentionné le corse. Je ne pourrais le faire sans expliquer le statut d’autonomie administrative de l’Ile. Laissez-moi seulement dire ceci : Le corse est enseigné depuis 1974 dans les écoles primaires et secondaires, tout comme à l’université de Corte fondée en 1980. Selon les données de 1998, 85% des élèves de l’école primaire dans l’Ile apprennent le corse à l’école, surtout dans les onze écoles “bilingues”.

Les droits des minorités religieuses en France

Contrairement à ce que proclame le Procureur, il y a aussi des minorités religieuses en France.

La question religieuse a suivi un chemin standard après la Loi de 1905 qui a séparé l’Eglise de l’Etat.

Sauf pour la région d’Alsace-Moselle. Ainsi :

- Aucun enseignement religieux, obligatoire ou facultatif, ne peut être donné dans les écoles primaires et secondaires en France. (Cependant ces écoles ferment le mercredi pour que les parents puissent assurer une instruction religieuse pour leurs enfants, mais le samedi les écoles sont ouvertes. Les écoles privées décident elles-mêmes pour tout ce qui ressort des questions religieuses.)

Cependant, l’enseignement religieux est obligatoire dans les écoles primaires et secondaires de la région d’Alsace-Moselle. Mais les parents peuvent choisir cet enseignement religieux : catholique, protestant, juifs ou cours de morale pour leurs enfants. [14]

- Les religieux ne sont ni payés ni nommés par le gouvernement nulle part en France. Ils vivent des dons des fidèles. Ils ne sont pas non plus inclus dans le protocole de l’Etat.

Cependant, dans cette région, les religieux des trois religions et cultes reconnus en France (catholicisme, protestantisme, judaïsme) sont des fonctionnaires payés par le gouvernement et logés par la commune. Le président de la République nomme les archevêques choisis par la Congrégation catholique. C’est la même chose pour les deux églises protestantes reconnues. Le chef des rabbins choisi par la Congrégation juive est approuvé par le gouvernement. Avec les rabbins, le sacrificateur et le circonciseur (mohel) sont aussi rémunérés par le gouvernement. Tous les dirigeants religieux sont inclus dans le protocole de l’Etat.

- Il n’y a pas de cimetières religieux en France; tous les cimetières sont gérés par la municipalité et les gens de religion différente sont enterrés ensemble; il est interdit de les séparer. Ainsi, Yılmaz Güney est enterré au cimetière du Père Lachaise dans le nord de Paris, au milieu des autres défunts.

Pourtant dans cette région les cimetières sont des cimetières religieux et ils apaprtiennent aux édifices religieux à côté d’eux. Par conséquent il y a des zones funéraires spécifiques pour les musulmans, appelées “carrés musulmans” dans ces cimetières d’Alsace-Moselle[15].

J’aimerais ajouter que le Procureur ne fait aucune autre erreur : le ministre de l’Intérieur de la France “laïque” qui “rejette le concept de minorité” est dans le même temps le ministre d’Etat responsable des Affaires religieuses. Bien qu’en grande partie symboliques dans toutes les régions autres que l’Alsace-Moselle, ces cultes officiellement reconnus sont sous les auspices réels et officiels du ministre de l’Intérieur, en d’autres termes, de l’Etat. Cette situation constitute un privilège religieux (droits additionnels) pour les religions et les cultes de cette région, à la fois financièrement et en terme de protocole d’Etat.

Les droits légaux et administratifs des minorités en France

Je reste en France métropolitaine, en excluant toujours les Territoires d’Outre-Mer afin de ne pas nuire à la santé de certaines personnes :

Dans cette France qui rejette le concept de “minorité”, deux minorités jouissent de droits légaux et administratifs dans ces deux régions : l’Alsace-Moselle et la Corse.

“droits ethniques et religieux”, “droits à une représentation spéciale”, “droits administratifs spéciaux”: Ce sont ces trois types de droit qui sont demandés par les minorités. Je n’élaborerais pas de théorie et épargnerais votre temps. Cela figure dans mon livre, que le Procureur prétend avoir lu; laissez-moi juste commenter la conclusion:

La troisième de ces demandes, “droit à une représentation spéciale”, est la plus sérieuse de toutes et les Etats-nations n’aiment pas le leur accorder.

Pourquoi ? Parce que cela signifie une auto-administration de la minorité et par conséquent son isolement de la “nation”. Dans de tels cas, les minorités prennent des décisions sur certaines questions, ou étendent et pratiquent cette autonomie de façon territoriale dans une région spécifique.

Ce que je mentionne ici sur l’Alsace-Moselle et la Corse est la forme la plus radicale des plus sérieuses de ces demandes. C’est une grande affaire que ces droits légaux additionnels en Alsace-Moselle et les droits à une administration directe de la minorité en Corse. Voyons cela :

1) Alsace-Moselle[16] :

a) Après le retour de l’Alsace-Lorraine à la France en 1918, le code pénal français prit immédiatement effet en Alsace-Moselle. Pourtant, certains des codes locaux de la Loi germanique furent maintenus. La Cour d’appel française a dû commenter cette question qui nous paraît très étrange, déclarant que “ces codes sontdevenus codes français.”

La Cour a été très avisée de faire cela. C’est grâce à cette sagesse pragmatique qu’il n’y a pas de problèmes de minorité en Alsace-Lorraine aujourd’hui.

b) Parce que l’Allemagne a commencé son industrialisation plus tôt que la France, elle a procédé en son temps en termes de mesures de sécurité sociale. Après le transfert de cette région à la France ces règles juridiques furent aussi maintenues. Par exemple dans cette région un système supplémentaire de sécurité sociale est en effet où les assurés paient une contribution de 10% au lieu de 20%.

c) Dans l’Allemagne du 19ème siècle, le maire avait une fonction administrative fondamentale. Même après le transfert de la région à la France, l’autorité des maires en Alsace-Moselle fut plus étendue que celle des autres maires de France. La situation fut rééquilibrée seulement après que la Loi sur les Administrations locales de 1982 entra en vigueur.

d) Les associations dans la région sont sujettes à plusieurs articles du code civil allemand. Ainsi une association fondée en accord avec la loi locale peut fonctionner comme une organisation à buts lucratifs.

C’est là un exemple supplémentaire qui pourra vous faire dire “Maintenant ç’en est trop !”: certains codes en vigueur en Alsace-Moselle tel que le code des associations locales, ne sont même pas traduits en français. Ils sont demeurés en allemand. En 1975 la Cour d’appel a rejeté une plainte contre le fait que ces codes étaient en allemand.

La Cour d’appel française a statué le 10 mars 1988 : “La loi du 1er juin 1924 qui maintient en application certains textes juridiques locaux en allemand, ne conditionne pas leur pratique à leur traduction en français.” Ainsi certaines lois en vigueur en France aujourd’hui sont totalement en allemand.

Continuons: les privilèges juridiques de la région ont été approuvés par le Conseil constitutionnel France qui “rejette les minorités”; le Conseil ne considère pas que ces privilèges soient en désaccord avec les principes de “l’indivisibilité de la République” ou “l’égalité des citoyens”.

La Corse[17]

Nous arrivons à l’exemple qui va surprendre et désappointer le plus le Procureur. Je pense qu’il va regretter éternellement d’avoir donné la France en exemple. Car l’île corse est une unité sujette à une administration territoriale séparée.

Son statut spécial inspiré par différentes lois pratiquées dans les pays d’Outre-Mer est quelque chose entre la France métropolitaine et ces pays d’Outre-mer et est le seul exemple dans ce cas en France.

Je ne vous prendrais pas beaucoup de temps. Je n’évoquerai pas les changements par lesquels la Corse est passée avec les lois de 1982, 1991 et 2002. Je donnerai seulement un tableau de son état actuel. La Corse a sa propre existence juridique, son Assemblée, et son corps exécutif.

a) La Collectivité territoriale de Corse

L’île, que l’on appelle “Collectivité territoriale de Corse”, est administrée par un statut spécial accordé en 1991. Imaginez les îles de Marmara ou d’Avsa administrées de cette façon.

Les pouvoirs accompagnant ce statut couvre tous les champs auxquels on peut penser : économie, dévelopement, finances, agriculture, sylviculture, tourisme, énergie, logement, toutes sortes de transports, l’éducation et l’enseignement supérieur, la recherche, les qualifications professionnelles, les constructions d’écoles de tout type, l’aménagement de l’environnement et sa protection, le développement local, le développement de la culture corse et de la langue, l’art, la culture, la protection des sites historiques qui n’appartiennent pas à l’Etat, etc.

Tous ces domaines sont administrés par des bureaux qui avaient auparavant un caractère “national” mais ont maintenant été repris par des administrations locales qui ont un statut “territorial”.

b) L’Assemblée de Corse

Depuis 1982, les problèmes de l’Ile sont débattus et tranchés par “l’assemblée de Corse”, élue par les Corses pour une durée de 6 ans. Cette assemblée tient deux réunions annuelles régulières qui peuvent durer 3 mois chacune. Elle peut également tenir des réunions extraordinaires. Cette Assemblée de 51 membres fait son propre statut interne, adopte le budget et les programmes de développement de la Corse, et dirige également "le Conseil exécutif" que j'expliquerai plus tard.

Avant d’adopter les propositions et les décrets qui concernent la Corse, le Parlement français doit consulter l’Assemblée de Corse. L’assemblée donne sa réponse en un mois; dans des circonstances urgentes ce délai peut être raccourci à 15 jours par requête du Gouverneur de Corse.

L’assemblée est autorisée à faire des propositions d'amendement au gouvernement français dans le respect des lois et des aménagements qui concernent la Corse .

Dans le cas où l’assemblée ne peut plus fonctionner, le gouvernement français peut la dissoudre par un décret ministériel. Dans ce cas les élections de l’assemblée peuvent être faites dans un délai de 2 mois. Durant cette période le Conseil exécutif prend en charge les procédures courantes et ses décisions sont appliquées après avoir été approuvées par le Gouverneur de Corse.

Les débats à l’assemblée se tiennent habituellement en français; cependant certains membres préfèrent parler en corse. [18]

L’assemblée a pris la décision le 26 juin 1992 de déclarer le corse langue officielle de toute l’île (Article 1). Cette décision stipule aussi que le corse, “langue du peuple corse”, et le français “langue officielle de l’Etat” sont les deux langues officielles de l’assemblée corse (Article 2). Selon l’article 5 les étudiants de tous niveaux doivent avoir au moins 3 heures de cours de corse par semaine. Cependant cette décision n’a pas été appliquée et n’a eu aucune conséquence.

c) Le Conseil exécutif

Le Conseil exécutif se compose d’un président et de 6 membres, choisis parmi parmi les membres du Parlement corse. Le Conseil a en charge d’administrer la Collectivité territoriale corse dans tous les domaines, particulièrement ceux du développement économique, social, éducatif et culturel aussi bien que la gestion de l’environnement.

Le président et les membres de l’Assemblée peuvent assister aux sessions et rencontres parlementaires. L’assemblée peut renverser le Conseil en refusant de lui voter sa confiance. Mais avant que cela n’arrive, afin d’éviter toute vacance, les groupes politiques de l’Assemblée doivent parvenir à se mettre d’accord sur un nouveau Conseil exécutif.

Le président du Conseil exécutif représente la Collectivité territoriale corse. Il dispose du budget de l’Ile et présente un rapport annuel à l’assemblée. Il est habilité à porter n’importe quelle proposition au Premier ministre de France concernant les services publiques de la Collectivité.

Le Conseil économique, social et culturel de Corse sert de corps consultatif à l’Assemblée.

Pour résumer, Monsieur le Président, l’île de Corse est comme un Etat dans l’Etat.

L’Alsace-Moselle est aussi un Etat dans l’Etat. Elle autorise l’usage de l’allemand, la langue de son ennemi historique dans les tribunaux. C’est un système multi-juridique. Ce qui est insupportable, même pour les Etats-nations les plus tolérants.

Il n’y a pas d’erreur dans l’analogie, mais c’est tout comme valider la langue arabe et la loi syrienne à Hatay (Antioche), la langue russe et la loi moscovite à Kars et Ardahan. Voici le genre de pays que l’acte d’accusation cite en exemple pour la Turquie.

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[1] Délégation Générale à la langue française et aux langues de France, Le Corpus juridique des langues de France, Etude réalisée par Violaine Eysséric, Paris, Avril 2005, s.67.

[2] Les langues de France: un patrimoine méconnu, une réalité vivante, web site of French Ministry of Culture and Communication :
www.culture.gouv.fr/culture/dglf/lgfrance/lgfrance_presentation.htm

[3] www.languefrancaise.net/dossiers/dossiers.php?id_dossier=45

[4] Corpus…, s.18.

[5] Corpus…, s.68.

[6] Interview with Assoc. Prof. Samim Akgönül at Max Bloch University in Strasbourg, January 10, 2006.

[7] Corpus…, s.71.

[8] Corpus…, s.71 ve 79.

[9] Le Monde , 04.10.2005.

[10] www.uoc.es/euromosaic/web/document/basc/fr/i3/i3.html#3.1

[11] Corpus…, s.18.

[12] www.uoc.es/euromosaic/web/document/basc/fr/i3/i3.html#3.1

[13] Les langues de France: un patrimoine méconnu, une réalité vivante, web site of French Ministry of Culture and Communication: www.culture.gouv.fr/culture/dglf/lgfrance/lgfrance_presentation.htm

[14] Jean-Luc Valens, “Le maintien d’un droit local en Alsace-Moselle”, Quand la France se nomme diversité, Partie 2, Problèmes politiques et sociaux, no.909, Février 2005, s.46-47.

[15] Interview with S.Akgönül.

[16] Pour de plus amples informations sur les privilèges légaux des minorités en Alsace-Moselle voir Le Guide du Droit local: le droit applicable en Alsace et en Moselle de A à Z, Paris, Publications de l’Institut du Droit Local/Ecomica, 2002. Pour de plus amples informations sur les droits des minorités en France voir Norbert Rouland, Stephane Pierre-Caps, Jacques Poumarede, Droit des minorités et des peuples autochtones, Paris, Presses Universitaires de France, 1966, p.307-345.

[17] Pour les références sur les privilèges des minorités en Corse voir :
Le Statut particulier de la Corse : www.corse.pref.gouv.fr/scripts/display.asp?P=COstatut
Collectivité Territoriale de Corse : www.corse.fr/institution/assemblee/?id=1&id2=47
Présentation du statut de la Collectivité Territoriale de Corse : www.eurisles.com/Textes/presentation/PresStatut_CTC_FR.html
Découverte des institutions, La Corse : www.vie-publique.fr/decouverte_instit/approfondissements/approf_083.htm
La collectivité territoriale de Corse : www.corse.pref.gouv.fr/scripts/display.asp?P=COloi91legis

[18] www.transcript-review.org/section.cfm?id=232&lan=fr

Concert de soutien à l'Institut kurde