mardi, septembre 27, 2005

Dans la série on peut rêver....

Un journaliste qui cherche à contacter des "intellectuels" Loup Gris en France ne doute déjà de rien ! ça doit se trouver plus facilement dans les asso sportives. Mais qu'il vienne en plus demander des noms et des adresses à l'Institut kurde, comme si on prenait le thé ensemble tous les jours, ça laisse pantois. Enfin on est gentil, on aurait pu l'envoyer chez les Arméniens...


'Stupidity, however, is not necessarily a inherent trait.'
Albert Rosenfield.

lundi, septembre 26, 2005

Génocide arménien

Pour ceux qui de bonne foi estiment encore qu'il y a eu massacre des Arméniens mais pas génocide d'Etat, une émission dans les Lundi de l'histoire pour égrener les faits gênants, sur France Cul, avec des intervenants très posés, très informés et objectifs et pas du tout anti-Ottomans, dont Hamit Bozarslan, c'est vous dire.

Réécoutable toute la semaine.

samedi, septembre 24, 2005

UP : Expo photo


Hasankeyf joyau de Haute-Mésopotamie



Samedi 24 septembre
à 19 heures
Vernissage de l'exposition photographique de

Roxane, José Bertolino, Abdo

Après la submersion dramatique du site antique de Zeugma, Hasankeyf est à son tour condamnée par le projet de construction d'un barrage.

Or, cette ville est elle aussi d'une importance majeure pour le patrimoine de Haute - Mésopotamie. En effet, en plus d'abriter dans ses grottes un village troglodyte habité sans discontinuité depuis des millénaires, Hasankeyf fut la capitale somptueuse de l'ultime branche de la dynastie des Ayyoubides de Saladin. Les photographies de Roxane, de José Bertolino et d'Abdo montrent la beauté exceptionnelle de ce site au bord du Tigre. Une conférence de Sandrine Alexie et des projections de diapositives le samedi 1er octobre expliqueront l'intérêt historique particulier de la ville.


L'exposition est ouverte au public du 26 septembre au 9 octobre 2005, du lundi au samedi de 14h00 à 19h00. Institut kurde de Paris, 106 rue Lafayette, 75010. Métro Poissonnière.

mardi, septembre 20, 2005

Démocratie

On était en mars et c'était pourtant l'hiver encore, un des plus froids que j'ai connu. Dans ce trou du cul du monde à la frontière iranienne. Dans la ville, des congères d'un mètre de neige, et l'hôtel sans chauffage, avec un lavabo minuscule dans la chambre, et son filet d'eau glacé, qui allait nous dissuader de nous laver. Ce qui fait qu'entre garde à vue à l'hôtel, arrestation, expulsion, pendant 4 jours, on promènerait nos cheveux gras et nos fringues froissées et sales, de vrais clodos.

Dans leur bureau, aussi glacé qu'à l'extérieur, plus encore, un seul poêle avec une chaleur quasi-inexistante. Je garde mon anorak et fourre mes mains dans mes poches en frissonnant. Autour, les militants, pas mal d'anciens combattants, ça se voit tout de suite, en blouson et chaussures de montagne, décontractés. On boit du thé bouillant, morceau de sucre dur entre les dents (bonjour les carries dentaires, ai-je pensé).

C'est alors qu'il est entré dans le bureau.

Splendide.

Par moins dix (température ressentie en tous cas), costume sombre, chemise claire, cravate élégante. Rien d'autre, pas même une gabardine.

J'ai beau le détailler je ne vois pas le moindre défaut, pas le plus petit laisser-aller. Ses cheveux noirs, épais, avec des fils blancs sont impeccablement coupés, sa moustache toute aussi soignée. Une gravure de mode.

Le maire de cette ville, dans son bureau politique.

Qui va être arrêté cette nuit. Il le sait, il nous le dit. D'ailleurs ils vont tous être arrêtés, ils le savent.(Et nous consignés à l'hôtel et expulsés mais ça on le sait pas, et d'ailleurs ça n'a aucune importance).

Et donc ce splendide député-maire sera arrêté ce soir et va passer la nuit (et plusieurs peut-être) au poste, entre les mains de la douce police et peut-être des forces spéciales qui, cagoulées, patrouillent la ville et l'extérieur. Et lui, parce qu'il est MAIRE, ELU DEMOCRATIQUEMENT, au lieu de s'habiller en chaud, met son beau costume de député en attendant que les brutes qui eux, se torchent avec la démocratie, viennent l'embarquer et le foutre dans une cellule aussi froide (et même plus) que son bureau, le foutre à poil aussi sans doute, le tabasser peut-être, en riant bien "t'as l'air malin hein monsieur le maire avec ta démocratie dans l'anus ?"

N'empêche, classe jusqu'au bout des ongles, les yeux noirs, pétillants, avec cette malice spéciale un peu fataliste mais jamais dure des gens bien qui en bavent, il nous offre ses marlboro, boit le thé, sans grelotter dans ses vêtements alors que moi j'ose à peine sortir une pogne de mes manches.

Parce que ce que l'on va l'arrêter cette nuit, c'est la démocratie, monsieur, pas un combattant, pas un révolutionnaire qui pourrait brailler sa haine du système toute la nuit , mais un MAIRE ELU.

Dans les campagnes électorales, déchiquetés à la grenade par les Sections spéciales le soir d'un meeting, ou bien avec 14 balles dans le corps quand on vient sonner à leur porte, ou bien torturés en garde à vue, n'empêche, ils seront plusieurs comme ça : costume-cravate, programme électoral en main, affiche, fonction en bandoulière et respectabilité affichée et outrée qui attire les coups sur la gueule : je suis député, maire, président de parti, président de syndicats, je suis ELU.

J'apprécie les bons combattants mais je ne les admire pas. j'aime profondément les gens des réseaux, les résistants et leurs rendez-vous la trouille au ventre. Mais ceux que j'admire vraiment, ce sont les civils qui assument leur fonction de civilité. Parce qu'ils ne peuvent même pas se défendre. Cible vivante, ils sont le porte-drapeau des batailles, tout le monde peut leur tirer dessus, ils n'ont pas le droit de répondre, ils sont les règles, la loi, la démocratie.

vendredi, septembre 16, 2005

Parution


"Jusqu'au début de la Seconde Guerre mondiale, les relations entre musulmans et juifs au Kurdistan ne virent pas d'événement marquant. Les juifs que nous avons interrogés ont caractérisé leurs relations avec les Kurdes musulmans comme étant généralement bonnes. Le statut de ces juifs et leurs relations avec le voisinage étaient notablement meilleurs dans les villes d'Akra et de Zakho que dans les autres centres urbains kurdes. Les juifs de Zakho se rappellent avec une affection émue que le samedi, alors qu'ils rentraient chez eux, revenant de la synagogue où ils s'étaient rendus pour le Shabbat, ils devaient passer devant le café du coin. Les Kurdes musulmans, par respect pour les juifs, éteignaient alors leurs cigarettes. Ce souvenir est celui d'une époque révolue du Kurdistan, quand les relations entre juifs et musulmans étaient bonnes. L'émergence du mouvement sioniste et du nationalisme arabe au XXème siècle modifia la position des juifs dans les pays arabes. Ailleurs, un juif pouvait embrasser ou soutenir le sionisme sans être vu comme un traître par ses concitoyens. En Irak, les autorités considéraient le sionisme comme un mouvement anti-arabe et un juif sioniste était un traître aux yeux des Arabes nationalistes. Les relations entre les juifs et leurs voisins musulmans subirent une altération spectaculaire avec la création de l'Etat d'Israel.(...)"



ETUDES :

Juifs, Kurdes et Arabes, entre 1941 et 1952, Moti ZAKEN
La communauté kurde au Liban : le présent et l'avenir, Lokman I. MEHOR et Farah KAVTHARANI
Les Assyro-Chaldéens de Perse et du Hakkari : des migrations à l'exil (1835-1935), Florence HELLOT
DOCUMENT :

Les événements de Qamichlo : irruption de la question kurde en Syrie ?, Julie GAUTHIER
ARCHIVE
Une expérience sociologique : Juifs kurdes en Israël, Sandrine ALEXIE
COMPTE- RENDU

Lokman L. Meho, The Kurdish Question in U.S. Foreign Policy. A Documentary Sourcebook, Westport, Connecticut, Londres, Prager, 2004, xvi+698 p., Hamit BOZARSLAN
BIBLIOGRAPHIE :

Chirine MOHSENI

mardi, septembre 13, 2005

Hiner Saleem: Kilomètre Zéro


Sortie demain du film. Aujourd'hui, Hiner animait les Matins de France Culture, de 7h à 9h (réécoutable en ligne toute la journée).
Par ailleurs, le cinéma Georges Méliès de Montreuil (93) présente : Rencontre avec Hiner Saleem autour de son nouveau film « Kilomètre Zéro » Le Jeudi 15 septembre 2005 à partir de 20h30 Centre Commercial Croix-de-Chavaux Métro : ligne 9, arrêt Croix-de-Chavaux. Plein tarif : 5,50 euros. Tarif réduit : 4,35 euros.













photo © Auchatraire/RF

lundi, septembre 12, 2005

Le statut des Kurdes dans la nouvelle Constitution irakienne (compte-rendu)

Bonne conférence de Saywan Barzani, samedi. Claire, synthétique et allant droit au but, c'est-à-dire dépouillant dans la masse d'articles de la Constitution( lisible en anglais sur le site du GRK) ce qui nous intéresse, à savoir les Kurdes ont-ils à être satisfaits du texte ou non ? Ce qui va suivre sont des notes prises à toute vitesse, je ne garantie pas la retranscription exacte des propos dans la forme mais je n'ai rien changé quant au fond.



Après un rappel des différentes dispositions et lois provisoires ayant tenté de gérer l'Irak après la guerre, Saywan explique le jeu des trois groupes principaux ayant débattu sur cette Constitution, les Kurdes, les chiites et les sunnites, et la difficulté qu'il y a eu à trouver un accord à la date butoir du 15 août.

Les sunnites auraient souhaité la dissolution de l'assemblée et la tenue de nouvelles élections. Pour les Kurdes, cela n'aurait pas changé grand-chose car les résultats auraient été les mêmes. Mais les chiites s'y sont opposés, craignant que la participation des sunnites (qui avaient boycotté les élections de janvier) amoindrisse la majorité qu'ils avaient obtenue. La Commission a donc demandé un délai de 3 jours, et c'est finalement le 28 qu'un accord "provisoire" (puisque que 40 points non tranchés renvoient à l'adoption ultérieure d'une loi), a été présenté.

Depuis, les sunnites refusent cette Constitution. Mais ils ne sont pas représentatifs car non-élus, seulement" choisis" et très différents donc le bloc n'est pas soudé : certains sont d'anciens baasistes, d'autres modérés (et eux sont plus pour le projet).

Le projet actuel n'a pas été modifié depuis, sauf pour les compétences du gouvernement central concernant la question de l'eau du Tigre et de l'Euphrate qui est une question internationale, entre l'Irak, la Syrie et la Turquie.

Les principaux points du projet qui ont été le plus débattus :

L'identité de l'Irak :

- I, 3 : La proposition des Kurdes était de faire mention d'un Irak multiethnique. La question de l'Irak en tant que part de la nation arabe a donc été mise sur le tapis. Les Arabes auraient voulu une formule "le territoire irakien est une partie de la nation arabe", mais comme le fait remarquer Saywan, qu'un territoire soit une partie d'un groupe humain est un non-sens. On a donc opté pour une autre formule : "Les Arabes irakiens sont une partie de la nation arabe et l'Irak est un membre fondateur de la Ligue arabe dont il respecte les accords, et fait partie du monde musulman" (ceci pour satisfaire les chiites).

La Constitution :

C'est le fruit d'un compromis entre les différentes ethnies. Elle est à analyser en deux parties, l'une concernant l'ensemble de l'Irak en tant qu'Etat fédéral et l'autre qui concerne la Région kurde. C'est aussi la première Constitution permanente d'Irak depuis 1958, toutes les autres ayant été provisoires, en raison des conflits internes et externes en Irak et au Moyen-Orient.

Après un préambule très poétique, rappelant que les Irakiens sont les enfants de la Mésopotamie, que l'Irak a vu sur son sol apparaître la première loi, la première écriture, etc, les points importants de la Constitution portent sur :

- Comment nommer ce pays ? Les Kurdes souhaitaient "République fédérale d'Irak", les chiites, "République islamique d'Irak" ce à quoi les Kurdes étaient opposés. Les sunnites appuyaient les chiites uniquement par opposition au terme de République fédérale. Finalement on en est resté à "République d'Irak", tout en le définissant dans son article 1 comme étant une république"démocratique, fédérale, representative (parlementaire). "

- La place de l'islam dans l'Etat : Comme on l'a vu, les chiites et les sunnites souhaitaient (ou n'étaient pas opposés à ce) que la république soit islamique et que l'islam soit la source déclarée de la législation. Cela, les Kurdes ne pouvaient l'accepter, refusant toute inféodation à un quelconque clergé (il faut garder à l'esprit la toute-puissance du clergé chiite, très hiérarchisé). Les Kurdes ont donc mis en avant les nombreuses minorités religieuses de l'Irak : chrétiens bien sûr, mais aussi yézidis, shabaks, sabéens, etc. Et puis à quel islam se référer ? Entre la loi de l'islam chiite et la loi sunnite il y a en effet des différence de taille. Ainsi le "mariage temporaire" admis par le chiisme ne l'est pas pour le sunnisme. Il y a eu donc un compromis, mentionnant l'islam comme UNE des sources de la législation, mais pas la source unique donc, ce qui est le cas de la plupart des constitutions arabes.

Les Kurdes ont par contre imposé que soient garantis les droits religieux des autres confessions dans l'article 2 : "Cette constitution garantit l'identité musulmane de la majorité du peuple irakien et tous les droits religieux de tous ainsi que la liberté de croyance et des pratiques religieuses."

Cette constitution est, si on la compare à la plupart des régimes du monde arabe, très moderne et avancée. Elle garantit les libertés syndicales, politiques, de la presse, de circulation, prône le suffra universel direct, l'alternance du pouvoir, condamne la torture, les châtiments dégradants. Elle permet le droit des Irakiens d'avoir une double nationalité sauf pour les hauts responsables du gouvernement, le droit à l'éducation, à la santé, à la propriété privée et à l'économie de marché (se souvenir que le baasisme est une doctrine à la fois ultra nationaliste, voire raciste et plutôt socialiste dans son économie).

- Sur le statut de la femme : les Kurdes voulaient qu'un quota de 40% de femmes soit représenté à l'Assemblée nationale. Finalement, 25% a été accepté. Les femmes jouissent de tous leurs droits politiques et d'exercer des fonctions officielles.

Les institutions politiques de l'Irak fédéral :

A la tête de l'Etat il y a un président, un Premier Ministre et deux assemblées. C'est un régime parlementaire. Le président a un pouvoir surtout honorifique malgré quelques prérogatives. L'exercice du gouvernement appartient au Premier Ministre, mais qui est contrôlé par l'Assemblée nationale (notamment par motion de censure).


Le Parlement régional :

Nous avons peu d'informations sur cette institution, car ses pouvoirs restent à définir dans une loi ultérieure, ce qui est dommage, car c'est cette assemblée qui garantira le droit des régions face au gouvernement central, et donc à la Région du Kurdistan.

Le Kurdistan (ou Région fédérale du Kurdistan) :

Les chiites voulaient créer aussi leur propre région, mais les sunnites s'y sont opposés, en raison de la question des ressources naturelles (le pétrole de Bassorah) et la question a aussi achoppé sur le fait de savoir qui avait le droit de se constituer en région à l'intérieur de l'Etat ? Les sunnites acceptent le Kurdistan comme un fait accompli sur lequel on ne peut revenir. Mais ils s'opposent à ce que les régions chiites suivent le mouvement. Pourtant le mieux serait de diviser l'Irak ainsi : la région des villes saintes (Kerbelah, Najaf), celle de Bassorah, la région sunnite, le Kurdistan.

Sur la Région, toutes les revendications kurdes ont été acceptées, sauf deux : l'appellation de "république fédérale" comme nous l'avons vue, et le droit dans 6 ou 8 ans, de faire un référendum kurde sur l'autodétermiantion pour choisir de rester ou non dans l'Irak. Cette demande est d'ailleurs inspirée de l'accord entre le sud soudanais actuel et le reste du pays. Mais les Arabes l'ont refusée. Maintenant les composantes du peuple irakien sont présentées comme formant une "union libre" tant que la Constitution ne sera pas modifiée. Cette "union irakienne" peut donc être remise en cause à chaque changement constitutionnel. Donc pour repenser à l'autodétermination kurde, il faudrait que le reste de l'Irak viole cette Constitution.

La langue :

Dans l'article 4 il est stipulé que le kurde et l'arabe sont les deux langues officielles de l'Irak, ce que voulaient les Kurdes. Les sunnites avaient demandé que l'arabe soit la langue de l'Irak et le kurde la langue officielle de la région kurde seulement, mais on pouvait alors se demander en quelle langue les deux entités allaient pouvoir communiquer. Il faut se souvenir que 60% des Kurdes d'Irak ne parlent pas l'arabe. Par ailleurs, les Kurdes ont demandé et obtenu que soient mentionnées les autres langues, telles que le turcmène ou le syriaque, et le droit de ces minorités d'éduquer leurs enfants dans leurs langues maternelles.

Les compétences respectives du gouvernement central et des régions :

Le gouvernement n'a que 9 compétences exclusives, tout le reste relevant des régions. Parmi ces compétences, on trouve la politique étrangère, la diplomatie, la politique commerciale et économique, monétaire, la défense nationale, la politique douanière, l'établissement des poids et mesures, les télécommunications, les ressources hydrauliques, le recensement de la population, etc.

Dans la réalité cependant, beaucoup de ces compétences "exclusives" sont en fait assumées par les régions en raison de la faiblesse de l'Etat central. Il y a aussi des compétences partagées qui empiètent même sur le domaine des compétences exclusives, ainsi dans le domaine des douanes, la distribution en eau/électricité, l'environnement, la santé, l'éducation etc., qui sont aussi assurés par les régions.

Les compétences des régions :

Les régions (qui peuvent être créées par référendum) ont le pouvoir de modifier les lois fédérales dans les domaines non exclusifs. Les régions peuvent bénéficier aussi d'une "politique de dédommagement" de la part du centre, quand elles ont souffert sous l'ancien régime de dévastations (on pense particulièrement au Kurdistan et aux régions chiites).

Les régions ont aussi le droit d'avoir leurs propres bureaux de représentation à l'étranger (et donc les bureaux du GRK sont toujours valides). Ces bureaux, à l'image du Qébec, ont des compétences pour les affaires économiques, sociales, civiles, à l'intérieur de l'ambassade, la notion d'intérieur étant géopgraphiquement souple. Elles s'autoadministrent et assurent l'organisation de leur sécurité intérieure : police, armée, garde des régions.





Les Kurdes ont trois objectifs majeurs pour le futur :

La question de Kirkouk, Xaneqîn, etc. :

L'article 58 de l'ancienne Loi provisoire qui prévoit le retour des populations chassées et la restitution de leurs biens n'a pas été encore appliqué depuis 14 mois. Les Arabes voulaient bien reprendre cet article dans la nouvelle Constitution mais sans délai spécifié, ce que les Kurdes ont refusé, ne voulant pas attendre un siècle. Les Arabes ont alors proposé 10 ou 20 ans de délai. Nouveau refus kurde. Finalement, c'est dans un délai de 26/28 mois que les Kurdes pourront rentrer et les colons arabes devront repartir, c'est-à-dire avant le 30 décembre 2007. Il doit y avoir aussi un référendum dans ces régions pour que les habitants choisissent ou non d'être incorporé dans la région kurde, mais le gouvernorat de Kirkouk ayant été dépecé en plusieurs parties rattachées à d'autres gouvernorats, il faudrait le remodeler sur ses frontières d'avant l'ère sadamiste. Les Arabes objectent à cela que TOUS les gouvernorats ou presque ont été remodelés par Saddam et qu'il faudrait donc, en toute logique, refondre entièrement ce système et non pas celui de Kirkouk, ce qui demande donc un peu plus de temps.

L'autre demande kurde est celle des revenus pétroliers. Les Kurdes voulaient que 60% des revenus pétroliers aillent au Kurdistan et 35% au gouvervement central. Mais devant le refus qui leur a été opposé, il y a eu une autre proposition acceptée : les exploitations actuelles pétrolières appartiennent au gouvernement central, les nouveaux gisements découverts seront la propriété du Kurdistan.


Les peshmergas :

Les Kurdes voulaient conserver ce corps de défense, même si en retour les chiites menaçaient alors de garder leurs milices. Avec le système de "gardes des régions", chaque région appelant ce corps comme elle l'entend, la région kurde a nommé sa garde "Peshmergas du Kurdistan" et gardera ses peshmergas.

Autres points litigieux :

- Le drapeau et l'hymne irakiens :

Tous deux sont des références explicites au nationalisme arabe et sont tous deux catégoriquement refusés par les Kurdes car c'est sous ces couleurs-là et au nom que ce nationalisme-là qu'on a voulu les génocider. Ce drapeau a flotté une fois à Silêmanî mais n'a jamais montré le bout d'un coin de ses couleurs dans le nord kurde depuis 1991. En juillet dernier, le Consul des USA a ainsi refusé de se rendre à la réception organisée par les Kurdes en l'honneur de la Fête nationale américaine, sous prétexte que dans le bâtiment (et dans toute la ville) ne flottait pas le drapeau irakien (le même que sous Saddam mais sans la formule pieuse écrit avec la main et le sang du raïs déchu) mais kurde. Ce à quoi certains Kurdes ont réagi en demandant au consul si à la chute du Reich en 1945, ils auraient exigé que le drapeau allemand continue de flotter sur les camps de concentration...

L'ancien nouveau drapeau n'avait pas eu de succès, car les Arabes lui reprochaient de trop ressembler au drapeau d'Israël. De toute façon il a été convenu que le choix d'un autre drapeau serait voté plus tard.

Quelles sont les garanties que cette Constitution et ses dispositions avantageuses pour les Kurdes seront respectées et appliquées sur le terrain ?

Cette Constitution est très rigide et contraignante, et laisse très peu de pouvoir au gouvernement central. Elle repose entièrement sur la notion "d'union volontaire" entre les deux peuples majeurs d'Irak, les Arabes et les Kurdes. Beaucoup de ces dispositions nécessitent les 2/3 de l'Assemblée pour être changées et les parlements des régions peuvent décider de les accepter ou rejeter par référendum.

Sur le terrain, bien sûr, tout dépend de la façon dont l'occupation américaine se poursuivra, ou si les troupes se retireront et quand. Mais dans la réalité, nous pouvons dire que le Kurdistan est enfin constitué et a une légitimité politique sur laquelle l'Irak ne peut revenir. Le 15 octobre le texte de la Constitution fera l'objet d'un référendum. Il sera très propbablement approuvé, puisque les principaux partis kurdes et chiites ne le contestent pas et appelleront leurs sympathisants à voter pour.

Quelques questions dans la salle :

Q. : Qu'en est-il de la situation de Mossoul ?

R. : Mossoul a une population très mélangée ethniquement ce qui en fait un terrain complexe. Le territoire de la ville peut en gros se partager en deux rives, la droite et la gauche (du Tigre). La rive gauche est peuplée de Kurdes, de chrétiens, de yézidis, de shabaks, etc et est contrôlée par les forces kurdes. La rive droite a une population arabe sunnite en majorité, à fort passé baasiste (parmi l'ancienne Garde républicaine de Saddam, 20,000 d'entre eux venaient de Mossoul). En raison de l'insécurité et de la présence des groupes terroristes, des régions du nord de Mossoul souhaitent de plus en plus être rattachées au Kurdistan, ce que l'on peut envisager de faire en les faisant passer dans les districts de Kirkouk ou Dohouk. La rive droite elle, est contrôlée par les Américains le jour, par les terroristes la nuit.

Q. : Comment les Kurdes sunnites et chiites vivent leur identité religieuse différente ?

R. : L'appartenance religieuse n'est pas prépondérante dans l'identité kurde, contrairement aux Arabes. Ainsi, le Kurdistan est actuellement dirigé par un chrétien nestorien (Assyrien), son Vice-premier ministre, puisque le Premier Ministre est en déplacement. Les confessions religieuses ont peu d'importance, c'est l'identité "kurdistani" qui prime.

Q. : A combien s'élèvent actuellement les effectifs des peshmergas ?

R. : Quand Bremer avait demandé un recensement des forces kurdes, il lui avait été indiqué 72,000 peshmergas, mais comme c'était pour le règlement des soldes, le chiffre a pu être un peu gonflé. Officiellement aujourd'hui, on compte 37,000 peshmergas appartenant à l'UPK et entre 50 et 60 000 peshmergas du PDK. Mais en vérité, seulement 15,000 hommes ont été correctement entraînés et sont opérationnels. Il n'est pas souhaitable d'en employer plus, car le Kurdistan souffre d'une pénurie de main d'oeuvre (en raison de la guerre, des exils, des génocides) à tel point qu'il envisage de faire appel à des immigrants.

Q. Quelles sont les garanties que l'article 58 sur le retour des déportés de Kirkouk et le départ des colons arabes sera vraiment appliqué ?

R. : Il est stipulé que cet article devra être appliqué avant le 30/12/2007. Sinon, comme pour tous les articles de la Constitution, son non-respect cassera "l'union libre des irakiens" sur laquelle se fonde cette Constitution. Les Américains freinent parfois le retour des réfugiés, ainsi des chrétiens qui avaient réinvesti un village en ont été délogés par les soldats US, qui ont ramené les colons ! Mais les Kurdes et les autres rentrent tout de même et récupèrent leurs terres. Ainsi, autour de Kirkouk, 55% des terres kurdes ont été reprises par leurs propriétaires. On estime qu'entre 170 et 200,000 Kurdes sont rentrés à Kirkouk.

Mais il n'y a pas que des colons : Des fonctionnaires, les employés arabes de la Compagnie pétrolière du nord avaient été mutés à Kirkouk, selon la politique de l'ancien régime baasiste qui nommait des employés de préférence loin de chez eux, surtout quand il s'agissait d'employer des Arabes en pays kurde. Ainsi sur les 178,000 employés de la Compagnie pétrolière du nord à Kirkouk, seulement 180 employés sont Kurdes, et à des postes très subalternes. Mais il est délicat de réclamer une "épuration" de tous les fonctionnaires non originaires du Kurdistan, dans le domaine de la santé, de l'éducation, dans la mesure où ils sont à Kirkouk parce qu'ils ont été mutés ici et non par choix.



samedi, septembre 10, 2005

Up : Conférence

Samedi 10 septembre
à 16 heures
Conférence de Saywan Barzani, représentant du Gouvernement régional du Kurdistan en France :
Le Statut des Kurdes dans le projet de la Constitution irakienne
106 rue Lafayette
75010 Paris
M° Poissonnière, Gare du Nord, Gare de l'Est
Tél.: +33 (0)1 48 24 64 64

La mondialisation est partout

Reçu ce spam d'un site scout (oui tout le monde s'y met à la pub-pourriel, même ceux qui pestent contre la société de consommation-mondialisation) :

"Nouveau site Scout pour du matériel de Fabrication 100 % Française

Chers amis,

Devant l'incroyable déferlante de produits importés proposés dans vos catalogues d'équipement,jusqu'aux éléments les plus emblématiques comme les foulards,fabriqués désormais en Turquie, nous vous proposons une sélection d'articles de fabrication 100 % française."

En Turquie, non mais vous vous rendez compte, si ça se trouve, les foulards scouts, les drapeaux turcs, les badges Loup Gris tout ça fabriqués pêle-mêle et cousus par les petites mains kurdes... Tout fout le camp (c'est le cas de le dire)...

jeudi, septembre 08, 2005

Rews,a malbatê (flash de dernière minute)

Le plus beau pour la fin je crois :

"Rews,a malbatê (situation de famille) : hemu saxin (tous en vie)."

Le programme audio/visuel de la semaine

TV

Samedi 10 septembre sur ARTE, à 20h 40 : La Vie quotidienne à l'âge de pierre, un documentaire de Gérard Thiel (All., 2000). Pour changer un peu des éternelles rediffusions de Zeugma...

Pendant longtemps, le site néolithique le plus ancien connu fut le village de Jarmo (5000 av. JC), au Kurdistan irakien. Puis le site fut détrôné par çattal Hüyük (6000 av. JC), en Turquie. Avec la découverte d'un édifice qui pourraît le plus ancien sanctuaire du monde connu (11 000 av JC), l'archéologue Klaus Schmidt repousse les frontières du néolithique et le Pays kurde récupère la palme de l'ancienneté puisque Göbekli Tepe se trouve dans la région d'Urfa.

rediffusion le 11/9 à 14h, le 17 à 12h20 sur TNT


Le renard serait-il l'animal fétiche de ces hommes du "proto-néolithique" ?



lundi 12 septembre sur Planète, 2 documentaires sur l'Irak :Saddam, le maître de Bagdad à 16h15 et Irak, la guerre des médias à 17h10.

et si vous n'êtes pas fatigués des documentaires :

mercredi 14 septembre sur ARTE : Mustapha Kemal Atatürk, Naissance d'une république. Inédit, Séverine Labat, 2005. (rediff. le 16/9 à 16h45 sur TNT).

Radio :

dimanche 11 septembre sur RFI à 15h40 : La marche du monde : la Turquie. Une série de 3 volets, le premier portant sur "l'histoire imaginaire" de la Turquie, ou "comment les mythes scolaires mysthifient toute une période historique". Reportage au lycée francophone de Galatasaray, avec un professeur, Ahmet Kuyash et des élèves sur cette nouvelle mise en lumière du passé.

mercredi, septembre 07, 2005

Rews,a Malbatê

Parmi les perles rencontrées dans les demandes de bourse, figurent en première place les confusions engendrées par la demande de précision sur "rews,a malbatê (aîlewî)" , autrement dit "situation de famille".

Tout simplement pour savoir si le candidat est célibataire ou marié.

Eh bien, ça ne doit pas être très clair pour pas mal de candidats, car en dehors des "nezewicî, bekar, zigortî, ezeb" tous synonymes pour signifier que l'on est célibataire, j'ai eu le droit à des réponses intrigantes :

Pak = propre. Soit le mariage est finalement considéré comme un truc un peu louche, et dans ce cas "pak" est employé comme on dirait "vierge" d'un casier judiciaire, soit malbat voulant dire littéralement maison, j'imagine le candidat avant de remplir sa fiche jetant un oeil autour de lui et vérifiant si le ménage a été fait, au besoin engueulant sa mère pour qu'elle passe un coup de balais avant qu'il ne remplisse son dossier...

Cotker, karker : deux variantes de bekar ? même pas ! Cotkar signifiant "paysan, agriculteur" et "karker" ouvrier. Ceux-ci doivent avoir interprété la question comme un renseignement sur leur statut social ou la profession des parents...

Qels = faible. probablement un indice sur la situation économique de la famille, ou bien un candidat que son mariage aura mis sur les rotules.

Navcîn : voulait-il dire navçîn ? moyen, au milieu ? Sans doute un cadet en sandwich ou une opinion s'affichant comme moyennement pour ou contre l'institution matrimoniale.

et enfin la meilleure pour la fin :

"Rews,a malbatê = "Kurde alévi".

mardi, septembre 06, 2005

Photos

Les enfants de Hewlêr.

Attention, ne volez pas les photos, elles ne sont pas libres de droit, c'est juste pour le plaisir des yeux !

samedi, septembre 03, 2005

Le LIvre noir de Saddam Hussein




Le Livre noir de Saddam Hussein, ouvrage collectif écrit sous la direction de Chris Kutschera, se veut un livre de référence et un bilan, et servira aussi de réquisitoire contre les 35 ans de règne du dictateur le plus sanglant du Moyen-Orient. C'est aussi une analyse des raisons qui ont fait que tous les pays occidentaux, ainsi que les pays arabes et bien d'autres, ont soutenu un gouvernement totalitaire qui a fait 2 millions de victimes.

Il ne s'agit pas seulement de traiter des victimes kurdes, mais de toutes les victimes irakiennes et même iraniennes et koweitiennes, puisqu'à deux reprises Saddam Hussein s'est lancé dans une guerre d'agression et d'invasion contre un Etat voisin. Il faut aussi mettre en lumière le caractère particulièrement brutal du régime de Saddam, même comparé aux autres dictatures du Moyen-Orient, et ceci afin d'éviter toute tendance "comparatiste" hélas très en vogue en France, tendant à minimiser la terreur irakienne. Pour cela, rappeler et définir ce qu'est un génocide, des crimes contre l'humanité, des crimes de guerre, n'est pas inutile.

C'est ce que fait, dans le premier chapitre de la première partie intitulée "Un régime contre son peuple", Patrick Baudouin, président de la FIDH, avec tout de suite les chiffres donnés par Bakhtiar Amine, ministre des droits de l'homme du gouvernement intérimaire irakien, dans le rapport de la Conférence internationale sur les réfugiés et déplacés irakiens, en juillet 2002 : "Deux millions de personnes ont été blessées ou ont succombé dans la zone frontalière entre l'Iran et l'Irak lors de l'invasion irakienne en 1980; 200 000 personnes ont été tuées pendant la Guerre du Golfe, 200 000 chiites irakiens lors du soulèvement de 1991 et 500 000 Kurdes en Irak à la suite de la politique génocidaire du régime de Saddam Hussein. L'Irak détient également le record mondial des disparitions forcées : plus de 200 000 disparus (10 000 Kurdes faylis de Bagdad et ses alentours ont disparu depuis 1980, 8000 membres de la tribu de Barzani du camp de Kouchtepe. 4500 villages et 26 villes ont été détruits dans les années 1980. Au Kurdistan irakien, 110 camps de concentration appelés "camps collectifs" ou, selon le régime, "villages stratégiques" ou "villages modernes", entourés de barbelés et encerclés par les forces de sécurité, ont été créés. C'est plus de 750 000 Kurdes des régions montagneuses qui ont été déplacés dans ces camps. Un demi-million a été déplacé dans le désert, dans des camps à la frontière avec l'Arabie saoudite et la Jordanie, les camps d'Arar, de Rutba, de Nougra Salman,et dans la région de Rumadiya. A ce jour, le régime irakien est responsable de 4 millions de réfugiés."

Peter Slugett, dans son chapitre "Portrait d'un dictateur", relate la prise de pouvoir par Saddam à la fin des années 60, et toute l'histoire de l'Irak baasiste, et revient en détail sur les fondements et la création de l'idéologie baasiste, qu'il résume en trois termes : panarabiste, nationale-socialiste et dictatoriale. Selon lui, une des raisons majeures pour lesquelles il a pu se maintenir est l'appui d'un monde "qui semblait généralement d'avis qu'une dictature était préférable à l'anarchie et que, face au risque de désintégration de l'Irak après la chute de Saddam Hussein, il valait mieux laisser les choses en l'état." Critiquant sévèrement, comme la plupart des analystes "l'incompétence et la stupidité de la politique américaine en Irak" après 2003, Peter Slugett affirme 'qu'il est cependant difficile de penser que L'Irak ne se porte pas mieux sans Saddam Hussein.'

Dans les chapitres "Le dictateur et son portrait" de Zuhair al-Jezary et "Saddam Hussein, quel totalitatisme ?" de Hazem Saghieh, la société délirante et totalitaire de l'Irak baasiste, ce monde où Saddam était partout, où le pays était quadrillé de réseaux et contre-réseaux visant à atomiser le monde irakien, la nature de ce régime est mise en lumière avec les grilles de lecture qui ont déjà été appliquées pour décrypter les univers totalitaires du nazisme et du stalinisme, notamment celle de Hannah Arendt. Une des caractéristiques de ce régime est la prolifération hallucinante des services de renseignements et de sécurité, existant en parallèle, et même rivaux, qui aboutit à faire de chaque Irakien un espion au sein même de sa propre famille. Par ailleurs la "république de la peur", comme l'intitule dans son livre Kanan Makiya, a eu recours pour se maintenir à l'échelle la plus large des crimes et moyens de coercitions contre une population, allant de l'assassinat extra-judiciaire, à la torture, jusqu'au génocide et l'usage d'armes prohibées.

Etat profondément chauvin et raciste, ayant amené au pouvoir un groupe ethnique et religieux défini : Arabe/Sunnite, le régime irakien débuta presque tout de suite par des actes de persécution ethnique ou religieuse. Les massacres de Kurdes et de chiites sont les plus connus. Chris Kutschera met cependant en lumière de façon intéressante un événement maintenant assez oublié, celui des "pendus de Bagdad", qui vit le procès et l'exécution en 1969, en représailles à une opération militaire israélienne, de 14 Irakiens, dont 9 juifs. Déjà quasi disparue après le farhud et l'émigration massive des juifs irakiens en 1950-51, ce qu'il restait de la communauté juive d'Irak, dont l'histoire est relatés dans ce chapitre, s'est trouvée annihilé par le régime. C. Kutschera rappelle qu'en 2003, à la chute du régime il ne restait plus que quelques dizaines de juifs à Bagdad.

La première partie du livre se termine sur des témoignages de prisonniers détenus à Abu Ghraib sous le régime baasiste.

La deuxième partie est consacrée à la répression des chiites, à leur histoire et à leur statut dans l'Irak, à leur déportation en Iran et aux milliers de réfugiés. Quelques hautes figures du chiisme irakien sont étudiées, ainsi les dignitaires religieux Hakim, qui furent dans la ligne de mire des Baasistes, comme les Barzanis du côté kurde. Emma Nicholson raconte la "destruction et le génocides des marais du sud de l'Irak", cette région dont le patrimoine humain et écologique remonte aux plus anciennes pages de l'histoire mésopotamienne. Sans l'intervention américaine et la chute du régime, les Arabes du marais auraient aujourd'hui disparu, d'abord avec le détournement des eaux et la destruction des marais mais aussi par le meurtre et l'expulsion. De 400 000 en 1950, les Arabes des marais ne sont plus que 83 000 en mai 2003. Quant aux marais, les 2/3 avaient été asséchés en 1993. La libération de l'Irak et la campagne de réhabilitation de cette zone a déjà permis de récupérer 30% de l'étendue des marais.

Naturellement outre la déportation et la disparition des Kurdes faylis, le massacre des chiites culmina avec la répression de leur soulèvement en 1991, qui fut le second Anfal, après celui des Kurdes.

La troisième partie est consacrée au génocide des Kurdes, qui fut le plus anciennement lancé par le régime, l'Etat irakien ayant été, de toute façon dès sa création, un Etat anti-kurde, un "Etat contre les Kurdes", comme le souligne Chris Kutschera. L'Anfal kurde est très documenté en raison de la minutie administrative du régime irakien, ce qui permet de donner une vision détaillé du plan et de ses différentes étapes, qui visait véritablement à exterminer la population kurde, ainsi que d'autres communautés, tels les chrétiens du Kurdistan, de langue syriaque. Françoise Brié traite plus particulièrement de l'utilisation des armes chimiques contre les Kurdes. La déportation des Kurdes fayli fut également le moyen d'anéantir un groupe humain pour des motifs tant économiques que politiques.

la partie 4 présente "les guerres de Saddam Hussein", contre l'Iran en 1984-1988 et l'invasion du Koweit en 1991, durant lesquelles de nombreux crimes de guerre furent commis ( attaques de gaz contre l'Iran, disparition de 600 Koweitis, entre autre).

La partie 5 est particulièrement cruciale en ce qu'elle aborde la question des "Réseaux irakiens", c'est-à-dire de toutes les complicités, alliances politiques ouvertes ou corruption occulte dont Saddam s'est servi pour rester 35 ans au pouvoir et jusqu'en 2003, bénéficier de voix occidentales, et tout particulièrement françaises, pour défendre ou à tout le moins maintenir en place sa dictature. Jonathan Randal aborde d'emblée les "relations ambiguës" entre les Etats-Unis et l'Irak, tout au long du 20° siècle. Il montre ainsi que l'aide américaine permit souvent à Saddam de ne pas vaciller lors des révoltes internes en Irak. Ainsi "des importations à prix réduit de blé et de riz américains (...) permirent à Saddam Hussein d'ignorer l'insurrection du Kurdistan, fertile grenier à blé de l'Irak."Les intérêts céréaliers et pétroliers américains, ainsi que le choix de soutenir l'Irak contre l'Iran firent que les USA fermèrent obstinément les yeux sur le scandale de Halabja. Il y eut même des essais de falsification concernant les responsables des gazages : "Un rapport ahurissant émanant de l'Army War College de Carlisle, en Pennsylvanie - et pas entièrement dépourvue de toute impulsion venue de Washington - affirma même que c'étaient les Iraniens qui avaient commis le massacre de Halabja." Rappelons que cette fable, à la fois forgée par Saddam et soutenue un certain temps par les Etats-Unis continue à courir dans le monde arabe... et ailleurs. Quand la conférence de Paris, de janvier 189, se tint pour l'application du traité de 1925 interdisant le recours aux armes chimiques, les Français et les Américains s'entendirent pour écarter toute délégation kurde de cette conférence, alors que cette population avait servi de victimes initiales, voire de cobayes pour l'utilisation de ces gaz.

Chris Kutschera lui, revient longuement sur les relations franco-irakiennes, qualifiée par lui "d'idylle sans faille". Les relations "complexes" entre l'URSS/Russie et l'Irak sont aussi abordées.

Enfin quatrième bloc politique complice des crimes de Saddam, le monde arabe lui-même. Antoine Sfeir pose la question "Pourquoi les Arabes ont-ils choisi Saddam Hussein ? Mais l'ont-ils choisi ?"

Le bilan de 35 ans de dictature ? "une société traumatisée, une société civile anéantie, une économie en ruine" selon Sami Zubeida. Enfin le livre s'achève sur la question du procès de Saddam, les tonnes de documents qui serviront de preuves, "une base de données sans pareille" les fosses communes ou "les champs de la mort de Saddam Hussein" passés en revue par Sinje Caren Stoyke, et enfin sur le problème soulevé par le lieu et le moment choisis pour le procès. André Poupart prend ouvertement position en expliquant "pourquoi Saddam Hussein doit-il être jugé par les irakiens" : "L'exemplarité inévitable d'un événement aussi immense, auquel tous les Irakiens pourront assister en direct ou sur place ou par l'intermédiaire de la télévision, peut et doit au contraire devenir un ferment de réconciliation nationale. Les uns apprendront quel genre de dirigeants ils ont soutenus et les souffrances indicibles endurées par des compatriotes. D'autres découvriront, exposé à la lumière crue du prétoire, le secret de tortures inavouables qui n'ont pas fini de tourmenter chaque jour les survivants. S'il peut y avoir une certaine fierté douloureuse à être malgré tout un survivant, les tortionnaires et ceux qui les ont appuyés devront assumer l'horreur et l'invraisemblance de crimes devenus manifestes."


Présentation du livre par Françoise Brié, Chris Kutschera et Jonathan Randal à l'Institut kurde de Paris

Question : Est-ce que le Quai d'Orsay vous a ouvert ses archives et jusqu'où ira la tendance actuelle du gouvernement français à atténuer et minimiser les crimes de Saddam ?

Françoise Brié : Dès l'annonce du procès il y a eu cette tendance à minimiser ici les crimes de Saddam. Il est difficile de dire comment les choses vont évoluer, mais les scandales de corruption liée à la résolution Pétrole contre Nourriture montre l'ampleur des réseaux dont Saddam se servait. Le procès durera près de deux ans, et beaucoup de choses seront dévoilées alors. Il faudrait par exemple publier la liste des personnes et des sociétés qui ont profité de ces réseaux. Le gouvernement irakien et toutes sortes de soutiens, eux, poussent à ce que soient dévoilés toute l'ampleur des crimes.

Jonathan Randal : Il y a tendance à dire ici que le régime est noirci par des officines, etc. Mais l'ampleur des crimes est telle qu'on ne pourra les minimiser longtemps et je crois que sans l'affaire Mérimée il aurait été plus facile de vouloir atténuer ces crimes. Mérimée n'est pas n'importe qui. Donc cette enquête amènera beaucoup de choses sur la scène publique, et notamment la raison du silence et des complicités.

Chris Kutschera : On peut parler d'une véritable idylle franco-irakienne, avec des accords nucléaires. Chirac est allé à Bagdad en 1974, quand Saddam écrasait la révolte kurde de Barzani. La gauche a continué, en fait toute la classe politique, de droite comme de gauche, a soutenu Saddam. Pour quelles raisons ? D'abord la hantise, la peur du régime de Khomeiny, Saddam étant présenté comme le "rempart" laïque et aussi par souci de faire des affaires, par mercantilisme : il s'agissait de contrats fabuleux, d'usines clefs-en-main, d'aéroports, de routes construites... Mais, aussi dur que cela soit, cela pour moi reste encore du domaine du "normal", dans la politique de l'intérêt des Etats. Mais on le voit avec l'affaire Mérimée, il y a une autre face, qui montre une corruption telle, qu'elle amène la France au niveau d'une république bananière.



Pour l'accès aux archives, j'ai pu consulter les notes des années 74-75. Evidemment les Affaires étrangères n'ont pas tout montré. Par contre, parce que cela lui tenait à coeur, Massoud Barzani a communiqué des documents impliquant les responsables baasistes des massacres des 8000 Barzani en 1983.

J. Randal : Les US ont aussi beaucoup de documents. Un autre livre se prépare, uniquement sur la politique américaine en Irak. Et puis, il y a les documents que les peshmergas kurdes ont pu saisir en 1991 à Erbil, Silêmanî, Kirkouk, et qui ont été envoyé aux US : c'est une mine d'or. Il y a aussi les documents récupérés au Koweit après l'effondrement de l'occupation irakienne en 91. Enfin, les US ont pris en 2003 des tonnes de documents à Bagdad, mais là dessus, règne le secret le plus total. On peut espérer que ces documents ressortiront au procès.

Le signe curieux de ce régime est que, comme les nazis, ils adoraient écrire. Les services secrets irakiens ont filmé le premier bombardement chimique en 1987 d'un village du Bahdinan, et la cassette a été retoruvée dans les archives, en 1991. C'est pourquoi il est difficile de nier ce qui s'est passé, car il y a eu trop de documentations produites. Même les documents correspondent aux doubles retrouvés dans les villes kurdes, etc. Une telle ampleur dans la documentation empêche de soutenir la thèse de la falsification.

Question : Vu l'ampleur des crimes dans toute la société irakienne, jusqu'à quel niveau de hiérarchie le jugement des responsables aura lieu ?

C. Kutschera : Les Américains se sont concentrés sur leur fameux jeu de cartes, négligeant des milliers de cadres, officiers, fonctionnaires, etc., impliqués directement dans les anfals. Or, depuis Nuremberg, l'argument selon lequel on n'a fait qu'obéir à un ordre n'est pas valable. Je ne suis pas juriste, c'est au tribunal de décider, mais sans doute l'éventail de responsables sera large.

J. Randal : Beaucoup de ces officiers sont actuellement aux mains des Américains. Ont-ils été questionnés comme les généraux allemands en 1945 ? Sans doute pas, vu la mauvaise organisation des Américains en Irak.



F. Brié : Des milliers de tortionnaires et hauts responsables sont encore libres en Irak et dans les pays voisins, notamment la Syrie. On peut s'attendre à beaucoup de règlements de compte, aggravant l'insécurité en Irak.

Question : sur le sort des Djash (collaborateurs kurdes du régime baasiste) , est-ce que la société irakienne va se retourner contre eux ? Quelle est la capacité de vengeance des Irakiens et contre qui peuvent-ils tourner les armes ?

F. Brié : Si cela avait dû être le cas, une guerre civile aurait déjà eu lieu. Au contraire, on observe une retenue des communautés et un contrôle sur elles des partis politiques. Les personnes vraiment impliquées dans les procès sont sans doute des hauts gradés.

Question : Comment Saddam a-t-il pu rester 35 ans au pouvoir ?

C. Kutschera : La première raison est la terreur. Dès qu'il est arrivé au pouvoir, il a bâti un ensemble de réseaux d'espionnage, de contre-espionnage dans tout le pays, où même les enfants étaient délateurs de leurs parents. La crainte était telle que les Irakiens qui venaient à l'étranger, par exemple en France, avaient peur de parler, même s'ils savaient n'être pas en présence de services irakiens, par peur de représailles de retour en Irak. La deuxième raison est le soutien des Occidentaux, de tous les Occidentaux, avec des crédits, des armes, et aussi les autres pays arabes, qui l'ont soutenu par de l'argent, car Saddam, c'est avant tout l'argent du pétrole. Il se trouvait à la tête d'un énorme magot pétrolier, a pu développer le pays, fournir la santé, l'éducation gratuites, offrir des contrats énormes, il y avait toute une classe d'hommes d'affaires véreux sur lequel reposait le régime, les professeurs d'universités avaient un logement gratuit, chacun avait une Mercédès, on appelait le quartier universitaire le « quartier Mercédès ». Beaucoup de gens ont profité de ses largesses. En Irak il y avait beaucoup de petits Saddam. Cela seul explique que 108 mille hommes ont été fusillés, enterrés, parfois enterrés vivants dans le désert, et que pas un seul membre des services irakiens, pas un soldat ne se soit enfui, passé à l'Ouest, par refus d'obéir. Il y a là-dessus une complicité majeure de la société irakienne.

J. Randal : En 1991, quand les peshmergas ont pris le pouvoir, eux qui avaient une vision si pure de l'homme kurde dans leurs montagnes, ils ont été attristés de voit des gens qui avaient subi un tel lavage de cerveau, même parmi les Kurdes. Alors, imaginez les Irakiens ! Comment Washington pouvait ignorer ce qui se passait ? Enfin moi, je doute.

Question : Est-ce que l'opinion publique mondiale s'intéresse à ces crimes ou a plutôt tendance à minimiser, disant « c'est un pays oriental, c'est normal, etc. » ? Y a-t-il, sous influence américaine, un refus de les qualifier de « génocide », employant seulement le mot « crimes contre l?humanité » ?

C. Kutschera : Très clairement, après le premier procès de Saddam, qui a été choisi pour commencer parce que c'était le plus facile, que les faits étaient clairs, que les témoins sont prêts à déposer, on va entrer ensuite dans les affaires les plus sérieuses, les Anfal, et là, évidemment il sera clairement question de génocide.

J. Randal : Ces procès vont avoir lieu, mais que va-t-il se passer en Irak, sur le terrain ? On peut voir déjà une répugnance à parler de ces crimes, parce que le gâchis de la présence américaine est telle, qu'il y a une tendance à resserrer les rangs contre eux. Ce gâchis occultera, j'ai peur, l'importance de ce génocide.

C. Kutschera: L'opinion publique arabe, la "rue arabe", a soutenu longtemps Saddam. D'abord parce qu'elle ne pouvait pas faire autrement (à cause de ses propres régimes). Mais dans cette opinion, quand le procès aura lieu et que les horreurs du régime de Saddam vont être exposées, que l'on verra les photos terribles des charniers par exemple, on devra se rendre compte de la réalité : j'ai vu des photos de cadavres tenant des poupées dans les bras, parce qu'il s'agissait d'enfants. J'espère que la rue arabe va réaliser qu'elle a mal choisi son héros. Les Occidentaux, peu à peu, évoluent sur cette question.

Question : est-ce que la justice doit se confondre avec la vengeance ? Peut-on envisager des « commissions de réconciliation » avec les gens ordinaires, les petits gradés ?

F. Brie : Des propositions ont été faites par des associations, dans un second temps, mais pas tant que le procès n'a pas eu lieu. Il y a eu aussi le choix entre deux types de tribunal, soit en Irak soit à l'étranger. Dans un chapitre, Patrick Baudouin, de la FIDH pense, et moi aussi, qu?il valait mieux que cela se passe en Irak pour apaiser les victimes. Pour qu'il y ait pardon, il faut d'abord que les responsables reconnaissent les faits et que tout ce qu'ils ont commis soit étalé.

Question : Il y a un scandale dans le comportement de l'Etat français depuis 30 ans, les partis politiques, de la droite à la gauche, tout le monde a collaboré, mis à part peut-être le PCF. On peut faire un parallèle avec le travail de François-Xavier Verschave sur la Francafrique. Aussi je m'étonne et condamne le discours tenu par les médias français, qui appellent « résistants » ceux qui combattent à Bagdad. Il faut que de tels ouvrages soient présentés et défendus pour que les médias tiennent un autre discours (pour autant qu'ils soient libres, ce dont on peut douter). Car cela contribue à semer la confusion dans les esprits français.

F. Brié: Le scandale Pétrole contre Nourriture a montré l'ampleur des réseaux de corruption, qui ont empêché que des témoignages soient réellement publiés dans la presse. Il y a eu beaucoup de pressions, un réel travail pour empêcher la dénonciation, à plusieurs moments, du régime irakien. Sûrement, il y aura encore des tentatives pour que ce procès qui est lui-même jugé avant même qu'il ait commencé ne sombre dans l'oubli ou l'indifférence au cours des deux prochaines années.

Question : Quelle est la validité d'un procès dans un pays occupé par les Etats-Unis ? Sera-t-il équitable dans un tel contexte ? Et les autres pays de la région ne sont-ils pas aussi coupables que lui ?

C. Kutschera : Je ne suis absolument pas d'accord. Le but de ce livre est d'être un ouvrage de références, d'analyser la situation, de donner des clefs pour la comprendre, et surtout de débanaliser Saddam, qui n'a aucune commune mesure avec les petits dictateurs comme al-Assad ou Kadhafi. Pour moi Saddam = Hitler et Staline. Si on rapporte les 2 millions de victimes dans la population irakienne plus celles de la guerre iranienne, à celui des victimes du nazisme ou du stalinisme dans les pays qu'ils ont gouvernés, Saddaml rejoint le niveau des victimes de Hitler ou Staline. C'est incomparable et il faut cesser de se livrer au petit jeu du comparatisme.

Par ailleurs, comme Françoise l'a dit, il ne faut pas faire le procès du procès avant qu'il n'ait commencé. Les beaux esprits parisiens ne pensent que de leur point de vue et oublient les Irakiens. Le procès a lieu à Bagdad, mais il faut aussi qu'il ait lieu à Halabja, car les Kurdes y tiennent.

J. Randal : Le problème est que les US ont échoué. Le gâchis actuel et l'instabilité sont réels, mais si on ne le juge pas maintenant, Saddam risque de mourir de sa belle mort.

C. Kutschera : Il vaut mieux le juger maintenant.

Question : Le livre sera-t-il traduit en arabe et diffusé en Irak ?

C. Kutschera : la semaine prochaine, nous nous rendront à la conférence d'Erbil. Peut-être nous rencontrerons des responsables pour le faire traduire en arabe et le vendre en Irak et dans le monde arabe.

J. Randal : J'ai un ami libanais qui a traduit en arabe mon livre sur les Kurdes. Il m'a dit : « Maintenant, les Arabes ne peuvent pas dire qu'ls ignoraient. » Il faut que ce soit la même chose pour cet ouvrage.

vendredi, septembre 02, 2005

la Bourse ou la Vie

Deuxième fois de l'année que je suis dans les dossiers de demande de bourses d'étude jusqu'au cou... Comme toujours, quelques caractéristiques suivant la provenance des demandes, qui témoignent de l'influence des Etats et de leur système éducatif sur les têtes kurdes :

- Les dossiers des Kurdes de Turquie sont souvent une merveille à traiter, fréquemment envoyés dans des classeurs, sous feuilles plastiques, chaque document est présenté par groupe : formulaire, Etat-civil, diplômes, relevés de notes... Et souvent précédé d'une feuille qui donne la liste dans l'ordre de tous les papiers présentés. C'est un pur bonheur de n'avoir pas à faire des fouilles désespérés dans un tas de paperasses mélangées pour trouver les renseignements, simples et concis, mais indispensables, dont je dois remplir ma fiche : civilités, état-civil, diplôme, relevé de notes, etc. On sent l'influence du Turc que le système éducatif discipliné et prussien prépare à cocher et remplir les bonnes cases, sans en sauter une seule et dans un ordre immuable.

- Les dossiers des Kurdes d'Iran sont extrêment abondants en certificats, diplômes, relevés de notes, lettres de motivation etc, mais qu'est-ce que le persan est difficile à lire ! ce qui fait que c'est un Kurde d'Iran qui s'y colle. Par contre, les timbres iraniens sont superbes, à thèmes qui varient un peu suivant les années. L'an dernier, les perdrix rencontraient un grand succès. Cette année, les papillons ont tout détrôné.

Les envois d'Iran sont également camouflés dans les supports les divers, piles de journaux, grands posters roulés dans des tubes, ou bien s'il s'agit d'une grosse enveloppe, celle-ci est renforcée de multiples couches de scotch... On sent la confiance dans l'administration des postes.

- Les Kurdes d'Irak sont un gros gros problème. Depuis la libération, les dossiers des étudiants ne passent plus par ici, les bourses sont attribués par le consulat français en Irak. Environ 150 bourses attribués aux étudiants irakiens dont 35 réservés d'office aux Kurdes.... Mais voilà, le système peine à être mis en place. D'abord, apprenant cela, les dirigeants des universités kurdes ont commencé par présenter au responsable français une liste de postulants, tous professeurs, dont certains d'un âge bien mûr, des copains à eux quoi, ravis de profiter de 4 années d'études en France aux frais de Marianne. "Gasp, a répondu la France, nous voulons des étudiants ! des jeunes !" Bon, après pas mal de temps perdu, la nouvelle commission refait une liste de jeunes Kurdes souhaitant étudier en france. Et là, ils apprennent avec désagrément qu'ils doivent faire parvenir le tout à Bagdad, avec les autres dossiers de tout l'Irak, que le gouvernement irakien (est-ce l'éducation ou un autre service je ne sais pas) doit présenter au Consulat. Sursaut et prurit régionaliste, pas question de passer par Bagdad ! Et encore une année de loupée pour les étudiants kurdes... Au début de l'été, difficile de leur expliquer clairement le problème et que l'institut kurde n'y peut rien avec leur candidature bloquée. A leur place, je n'arrêterais pas de harceler les responsables d'université sur place, jusqu'à ce qu'ils fournissent enfin 35 dossiers de bourse valables et selon le protocole demandé...

- Au Kurdistan de Syrie ce sont plutôt les rumeurs qu'il faut déjouer. Comme la région est petite, je suppose que dès qu'une invention circule elle gagne rapidement du terrain. cette année c'était le fantasme d'un quota par région. Ainsi ils avaient dans l'idée qu'un seul Kurde de Syrie pourrait être retenu et non pas plusieurs, le cas échéant. Ji'gnore d'où cela vient, mais j'ai dû démentir ça tout le printemps et l'été. Sinon l'envoi par fax est souvent problématique, quand nous recevons des feuilles illisibles, ou incomplètes, sans numéro lisible pour rappeler le correspondant en lui signalant le problème. Heureusement, l'envoi de dossiers scannés par mail gagne du terrain.

- Sinon, il y a comme toujours le lot de dossiers irrecevables car incomplets : formulaires d'inscription sans les papiers, papiers sans formulaire, diplômes mais sans relevés de notes... Des Kurdes d'Iran ont aussi quelque soucis avec leur université qui refuse parfois de leur délivrer leur diplôme (en gros une histoire de chantage au pot-de-vin ). Là j'ai eu droit à un dossier d'immigration déguisé, venant d'un Kurde de Cizre, qui bien que marié (condition éliminatoire), prétendait postuler ainsi que sa femme (qui n'avait que son diplôme de lycée) plus un membre de la famille (son frère ?) plus jeune, le seul à remplir les conditions en fait.... Manquait plus que le dossier de la grand-mère, en fait.

A part ça, les envois sont officiellement clos au 31 juillet, ce qui n'empêche pas que je reçois encore des dossiers... cela dit, cette année les Kurdes d'Iran ont une excuse pour être en retard, car l'Etat d'urgence à Mahabad est intervenu en juillet avec des communication perturbées... d'où indulgence de ma part...

Sinon l'afflux des demandes et le peu de bourses attribuées par l'Etat chaque année est décourageant. L'année dernière seulement 5 bourses étaient financées.... Dans ces cas-là, seuls les dossiers "géniaux" peuvent passer.


Concert de soutien à l'Institut kurde