mardi, mai 31, 2005

Une Expérience sociologique : juifs kurdes en Israël

« UNE EXPÉRIENCE SOCIOLOGIQUE », 
Saul Adler, paru dans Sion, n°3, avril 1950, pp. 19-20. 

Comparons cet état de choses (...) à la situation à Jérusalem avant la Deuxième Guerre mondiale. Prenons un exemple extrême. Deux hommes, dont l’un est juif kurde et l’autre juif aschkenazi, c’est-à-dire de l’Europe centrale, travaillent sur un même chantier. Tous deux sont membres de la Histadruth et reçoivent le même salaire. Ils ont dans la vie le même but : vivre en Israël, fonder une famille, participer à l’édification du pays ; ils parlent la même langue, l’hébreu, bien qu’avec des inflexions différentes. A part ces points communs, ils sont entièrement différents du point de vue social. Considérons, par exemple, leur attitude envers les femmes de leur famille, qui est, à mon avis, le plus utile des critères en matière de classification sociologique en Moyen-Orient. Pour le juif aschkenazi l’idée que sa femme est son égale est indiscutable ; pour le juif kurde cette idée est non seulement révolutionnaire mais révoltante, et l’actuelle génération des Juifs kurdes à Jérusalem ne l’admet pas. Le juif aschkenazi se réjouit de la naissance d’une fille, le Kurde exprime ouvertement sa déception et fait des reproches à sa femme de n’avoir pas réussi à mettre au monde un fils. L’ouvrier aschkenazi envoie sa fille à l’école primaire et même au lycée ; le Kurde n’autorise jamais sa fille à recevoir l’instruction secondaire, et souvent l’empêche de faire ses études élémentaires. Je connais personne- lement des cas de pères de famille kurdes qui ont interdit à leurs filles d’apprendre à lire et à écrire. (Il sera intéressant de voir comment la communauté kurde accueillera la nouvelle loi qui rend l’instruction obligatoi- re pour les deux sexes). A la différence de son camarade kurde, le juif aschkenazi lit un journal quotidien, achète des livres, assiste à des conférences, et de façon générale s’adonne à quelque activité dite tarbut (culturelle). De souligner ces différences n’implique nul jugement moral, car notre aschkenazi et notre kurde peuvent tous deux être des hommes fort estimables. Il s’agit simplement de faire ressortir que des groupes dont les usages et les conceptions sociales diffèrent profondément, vivent et travaillent ensemble.  

 L’arrivée dans le nouvel Etat d’Israël d’immigrants juifs, venus de tous horizons culturels et de toutes classes sociales, fut une des particularités et un des défis de la société israélienne naissante. Cet article brosse ainsi un portrait savoureux de deux « types de juifs » radicalement différents, le juif ashkenaze et un de ces juifs d’Orient, sociologiquement et culturellement très proches de leurs anciens com- patriotes musulmans. Pour Saul Adler, le statut de la femme à l’intérieur d’un groupe est le plus révélateur. Mais cette fois-ci, alors qu’il est assez commun d’opposer le juif « arabe » à l’émigrant de culture occidentale, c’est le juif kurde que le rédacteur prend en exemple, en opposant de façon amusante son mode de vie et de pensée traditionnel et même conservateur, à l’ashkenaze, forcément intellectuel, libéral et féministe.

lundi, mai 30, 2005

Deux chercheurs en ethno-musicologie expulsés de Turquie (suite)


Malgré l’envoi de cette pétition, et malgré l'intervention personnelle, parallèlement, du président d'Amnesty International, les deux chercheurs ont été arrêtés et reconduits à la frontière. Aucune réponse n'a été envoyée aux pétitionnaires, ni à A.I.

L’explication fournie ultérieurement par les autorités turques au consulat grec a été que Ioannis Kanakis avait séjourné plus de 90 jours successifs sur le territoire turc sans titre de séjour. Ceci est doublement faux : il avait fait une demande de permis de séjour, restée sans réponse, et il avait quitté la Turquie en février pour deux semaines.

L’explication fournie après l’expulsion au consulat français a été que Estelle Amy de la Bretèque n’avait pas effectué de demande de permis de séjour, ce qui est faux.

Les deux chercheurs avaient fait leur demande de permis de séjour dans les délais légaux, et avaient dans toutes leurs démarches administratives suivi strictement les indications qui leur étaient fournies par le département des étrangers du bureau de police de Hakkari.

AIRCRIGE.

dimanche, mai 29, 2005

À cinq heures de l'après-midi





Je ne sais pas pourquoi, j'ai trouvé ce film beaucoup plus poignant, plus déchirant qu'Osama, peut-être parce qu'il n'y a pas un seul personnage vraiment antipathique, qu'ils sont tous poignants, oui, même le vieux con à barbe blanche, qui pleure sur la chute des talibans, puisque Kaboul et ses femmes peu à peu dévoilées est devenu une Babylone de péchés... rien à voir pourtant avec l'odieux mollah d'Osama, dans cet homme étroit, toujours tempêtant, demandant pardon à Dieu quand il voit une femme, mais qui en a deux sur le dos, sa fille et sa bru, la première voulant devenir présidente de la république, comme Benazir Bhutto au Pakistan (qui pourtant, lui rappelle une camarade d'école, a soutenu les talibans), la seconde ignorant qu'elle est déjà veuve, avec un enfant qui se meurt doucement, faute de lait. Mais ce n'est pas un mélodrame de bout en bout, il y a de jolis moments avec le poète à vélo, et ce dialogue souriant et drôle avec le soldat français. Et pour finir, quand le père part pour une ville "islamique" où les femmes ne se dévoilent pas, quand il épuise toute sa famille, tous ses biens sur la route, quand son âne meurt de faim, quand il faut brûler la charette pour réchauffer l'enfant, quand il le porte, et "non vois-tu ce n'est pas parce qu'il est gelé et qu'il ne bouge plus qu'il est mort, il dort l'enfant dort voyons", et comment lui annoncer à ma bru que son mari est mort, eh bien on ne le trouve plus antipathique, mais pathétique, comme cet autre vieillard assis sur le bord du chemin, son âne en train de mourir lui aussi de faim et de soif, parti trouver Mollah Omar pour lui dire de ne pas livrer Ben Laden, ce musulman, aux Américains infidèles, et qui ignore que la guerre a eu lieu et est finie.

C'est un film sur la période d'après la dictature, avec ses paumés nostalgiques de l'ancien régime, les réfugiés en masse qui reviennent, les filles qui veulent attraper la chance que la nouvelle ère leur offre, mais sans trop savoir de quelle façon on sort de sa condition.

samedi, mai 28, 2005

Négationnisme et sanction

"La conséquence de l'annulation de la conférence à l'université de Bogaziçi sur la Question arménienne fait que la Turquie ressemble maintenant à la France, la Suisse et l'Arménie par son attitude intolérante dans les débats. Si vous vous rendez dans ces pays et dites "Il n'y a pas eu génocide", vous recevez une volée de bois vert ou bien devez faire face à de sérieuses poursuites. Il est devenu clair maintenant que certaines questions ne peuvent être débattues en Turquie."

La façon subtile avec laquelle Mehmet Ali Birand renvoie dos à dos une intolérance commune qui sanctionnerait tout débat contradictoire, "la Turquie menace ses opposants de poursuite et vous, de votre côté, faites taire et intimidez les vôtres" pose une fois de plus la question de savoir si une loi interdisant les négations de génocide est une bonne idée. L'interdiction de propagation d'une idée lui donne toujours un poids qu'elle n'aurait pas eu sans cela et fournit à ses zélotes l'argument, quasi-automatique dans ces cas-là, de la théorie du complot : "la preuve que nous avons raison, c'est que l'on veut nous faire taire, or il n'y a que la vérité qui dérange." Est-ce efficace ? Pas vraiment, il est difficile d'imaginer que la simple mention "la loi vous interdit de le croire" puisse
convaincre celui qui y croit. S'il s'agit d'interdire que de telles thèses polluent les écoles et les universités, le simple bon sens historique peut démolir ce genre de travaux. Après tout, aucune loi interdit d'affirmer que Napoléon n'a jamais existé ou que la terre est plate, et ce n'est pas pour autant que les universités sont encombrées de ces docteurs ès fantasiae.

L'argument des pro-loi Gayssot ou équivalent est que
"la négation d’un génocide n’est pas une opinion mais la continuation du crime de génocide" (voir plus bas dans l'appel au Sénat belge). Ce qui est vrai, la négation d'un génocide est effectivement une partie du processus subtil d'anéantissement d'un groupe, dans une graduation qui va de "ce groupe doit être éliminé" à "nous ne l'avons pas éliminé" jusqu'à "la preuve que nous ne l'avons pas éliminé, c'est que ce groupe n'a jamais existé." La tactique de la négation du crime par la mise en cause de l'existence de la victime, quoi. Donc il est certainement louable de vouloir protéger la parole ou la mémoire des victimes, mais je me demande si cet excès de zèle ne leur est finalement pas préjudiciable, car rien ne décrédibilise plus une parole qu'être forcé de l'approuver par avance, sans doute possible, sans remise en question. C'est faire de l'Histoire, ou du témoignage, un dogme qu'on ne saurait remettre en cause sous peine de blasphème. Or on n'écoute pas les dogmes, on n'y réfléchit pas, on les avale ou on fait semblant, on les pose dans un coin et on n'y touche plus. Pas sûre que c'est vraiment cela qu'attend une victime d'actes génocidaires.

Le génocide arménien n'a pas été reconnu par l'ONU. C'est peut-être par là qu'il faudrait commencer (mais l'ONU bon, on sait ce que ça vaut), après un jugement semblable à celui qui fut fait par le Tribunal permanent des peuples, ou bien, mieux encore, que la Cour International de La Haye s'en charge, les historiens y venant comme témoins, à charge ou à décharge, et les juristes tranchant sur la nature du crime. Un jugement rendu par une instance internationale, au dessus des Etats-nations aurait tout de même plus de poids que ces gains au coup par coup, dans un pays ou un autre, qui fait que certains débats peuvent avoir lieu ici et là-bas non, de sorte que les deux partis peuvent s'envoyer dans le nez leurs anathèmes mutuels
.

vendredi, mai 27, 2005

Génocide arménien : loujours sur la conférence annulée

L'annulation de la conférence sur la question du génocide arménien soulève des remous en Turquie, de nombreux journalistes turcs, même s'ils sont dans le "camp adverse" si je puis dire, désapprouvant cette annulation.

Pour l'équilibre, et pour ne pas faire croire que la Turquie marche comme un seul homme derrière la décision stupide du ministre, voici la traduction d'un papier dans le TDN de Mehmet Ali Birand qui résume assez bien la position de ceux pour qu'il n'y a pas eu génocide mais qui réclament une commission d'enquête libre et ouverte :

"Je ne crois pas qu'il a eu génocide. Cependant, je suis contre le fait de réduire au silence ceux qui n'agréent pas mon point de vue.

A quoi pensait le ministre de la Justice, Cemil Çiçek, qui est d'habitude loué pour ses opinions démocratiques, quand il a tenu ce discours ? Sa déclaration contre toute opinion alternative à ce sujet ressemble à un coup de poignard dans le dos, et est particulièrement malvenue. Qu'est-ce ces gens espèrent ? Nous n'aimons guère la façon qu'ils ont de se ranger derrière la version officielle des événements. Il se pouvait effectivement que certains d'entre nous auraient été jusqu'à dire "Oui il y a eu génocide et nous l'avons commis." Quel dommage leur aurait-il fait alors ? On a dit aussi : "une telle rencontre ne peut se dérouler dans une université".

Et pourquoi non ? Est-ce que l'université n'est pas justement l'endroit où tous les points de vue, les plus extrêmes ou les plus absurdes, puissent être débattus ouvertement ? La conférence rassemblait des gens uniquement opposés aux positions officielles et personne d'autre, et c'est ce qui a contrarié, paraît-il. Ceci implique donc que dans toutes nos autres conférences, tous les points de vue participent au débat afin que l'équilibre des opinions soit maintenu, ce qui est loin d'être le cas. Si vous soutenez la position officielle, il n'y a aucun problème, vous pouvez parler autant que vous voulez. Si vous soutenez un point de vue différent, vous courrez fatalement au devant d'ennuis.

La conséquence de l'annulation de la conférence à l'université de Bo?aziçi sur la Question arménienne fait que la Turquie ressemble maintenant à la France, la Suisse et l'Arménie par son attitude intolérante dans les débats. Si vous vous rendez dans ces pays et dites "Il n'y a pas eu génocide", vous recevez une volée de bois vert ou bien devez faire face à de sérieuses poursuites. Il est devenu clair maintenant que certaines questions ne peuvent être débattues en Turquie. Nous avons changé nos lois pour qu'elles soient plus démocratiques, mais ne pouvons franchir un seuil critique. Au delà d'une certaine limite, nous ne tolérons plus certaines idées. Nous avons été éduqués de telle sorte que les lignes rouges que nous devons franchir sont d'énormes obstacles, pour nous insurmontables. Nous savons à présent que changer les mentalités sera très dur, et c'est bien dommage. Nous aurions pu franchir aisément d'autres lignes rouges, bien plus inutiles. Mais Çiçek, le parti d' opposition CHP et les dirigeants du pays ont fait une faute. Juste au moment où nous étions sur le point de prouver que la Turquie était une nation confiante, caopable de débattre des allégations de génocide, nous avons échoué à l'examen, manquant ainsi une occasion majeure de discuter de ces mêmes allégations.

A présent, nous devrons débattre seulement entre nous de cette question et encenser la version officielle des événements. Nous n'avons donc aucun droit de fâcher si l'on vient nous dire "la Turquie est incapable de débattre de ces allégations" Il faut que la conférence ait lieu. N'essayez pas de lyncher ceux qui persistent à vouloir faire entendre leur voix. Un jour, vous pourriez être à leur place, empêché de faire valoir votre opinion. Sur la question du génocide, nous avons marqué un but dans notre propre camp."

Autre point de vue turc, point de vue humaniste celui ci, sur le site Imprescriptible. Ahmet Altan étant Turc, il encourt, rappelons-le les foudres judiciaires de son pays si un juge un peu excité se met en tête de considérer ses propos comme un danger pour le pays.

jeudi, mai 26, 2005

Pour infos : APPEL COMMUN LANCE AU SENAT BELGE

Par :
- L'Association des Arméniens Démocrates de Belgique (A.A.D.B.)
- La Fédération Euro-Arménienne pour la Justice et la
Démocratie(F.E.A.J.D.)
- La Fédération Internationale des Droits de l’Homme (F.I.D.H.)
- La Fondation Info-Turk
- L'Institut Kurde de Bruxelles
- La Ligue des Droits de l’Homme (LDH - Belgique)
- Le Mouvement contre le Racisme, l’Antisémitisme et la Xénophobie
(MRAX)

LA NÉGATION DU GÉNOCIDE DES ARMÉNIENS DOIT, ELLE AUSSI, ÊTRE SANCTIONNÉE PÉNALEMENT


"Bruxelles, Belgique (23 mai 2005) - Dans quelques jours, le Sénat belge examinera et votera le projet de loi 51/1284 relatif à l’extension du délit de négation du crime de génocide. En l’état, le projet voté par
la Chambre est fondé sur une qualification judiciaire du crime de génocide ce qui ne permet pas de sanctionner la négation du génocide des Arméniens qui est survenu avant la mise en place des juridictions internationales compétentes, et qu’il a précisément inspirées. Ce problème est d’autant plus aigu que le génocide des Arméniens souffre de très nombreuses attaques négationnistes en Belgique.

C’est pourquoi, près de la moitié des membres du Sénat ont souhaité évoquer ce projet de loi afin d’examiner des amendements étendant la sanction à des génocides reconnus par d’autres instances, et notamment par les instances législatives fédérales de Belgique et par les instances législatives européennes. Par ailleurs, le Sénat est soumis à d’intenses pressions de la part de groupes de pression négationnistes et demandant le rejet de ces amendements.

Dans ce contexte, nous appelons solennellement les sénateurs à faire preuve de fermeté et de discernement en adoptant une formulation qui sanctionne clairement et sans ambiguïté la négation du génocide des Arméniens. Nous rappelons que la négation d’un génocide n’est pas une opinion mais la continuation du crime de génocide. Nous rappelons également que d’autres génocides, et notamment le génocide des Juifs, sont également survenus avant la définition juridique de ce crime dont ils relèvent pourtant sans équivoque.

Au delà de leurs spécificités et particularités, nous récusons toute forme de hiérarchisation des génocides et par là toute concurrence entre leurs victimes, et nous réaffirmons que la négation du génocide des Arméniens - comme la négation de tout autre génocide - révulse d’égale manière tous les groupes de victimes ainsi que les tenants de l’humanisme.

Nous récusons aussi toute forme de banalisation par laquelle tout crime de masse serait qualifié de génocide. Nous constatons cependant sans contentement que les travaux académiques ont démontré au-delà de tout doute raisonnable la nature politique et concertée du génocide des Arméniens.

Nous considérons par ailleurs que la sanction pénale de la négation du génocide des Arméniens ne vise aucun groupe de population défini en tant que tel sur des critères ethniques ou religieux - et en
particulier pas les populations turques ou d’origine turque - mais toute personne qui se rendrait coupable du délit de négation de ce génocide.

Nous refusons enfin un communautarisme intolérant par lequel on dresse artificiellement des communautés les unes contre les autres. Nous croyons que cette conception nuit à la réconciliation entre Arméniens et Turcs. Nous rappelons que c’est précisément cette conception qui, dans des circonstances socio-politiques particulières, peut conduire au pire.

Nous considérons à l’opposé que la paix civile et la réconciliation ne peuvent se fonder que sur la Justice, dont l’une des vocations est de dire la vérité. C’est pourquoi il était impérieux de reconnaître le
génocide des Arméniens comme il est maintenant impérieux d’en sanctionner la négation."



E.A.F.J.D.
Avenue de la Renaissance 10 – 1000 BRUXELLES
Tel. : +32 (0) 2 732 70 26 - Tel. / Fax. : +32 (0) 2 732 70 27
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Communiqué de presse

LA TURQUIE INTERDIT UNE CONFERENCE SUR LE GENOCIDE DES ARMENIENS

"- Une chasse aux sorcières est déclenchée contre les universitaires;
- Le Ministre de la Justice qualifie les chercheurs de " traîtres à la nation "

Bruxelles, Belgique (26 Mai 2005) - La première conférence sur la Question arménienne en Turquie, prudemment intitulée "Les Arméniens ottomans durant le déclin de l'Empire. Responsabilité scientifique et question de démocratie" et qui devait se tenir les 25 à 27 mai à
l'Université Bogazici d'Istanbul a été annulée sur ordre du gouvernement.

La conférence visait selon ses organisateurs "l'émergence de ces pensées différentes et critiques " sur la question du génocide. Les sessions devaient porter sur des thèmes comme "massacre, génocide et le métier d'historien", "les événements de 1915-1916 selon les historiens du XXe siècle dans le monde", "l'intention et l'organisation du génocide", etc.


Cette conférence aurait constitué un pas en avant en Turquie, malgré la présence prévue d'universitaires au discours équivoque. Néanmoins, elle a violemment été prise pour cible par les plus hauts dignitaires de l'Etat. Ainsi, le procureur général a exigé d'avoir les textes des intervenants, afin de traduire en justice les auteurs d'opinions dissidentes; le Ministre de la Justice M. Çiçek a qualifié, devant le Parlement, la conférence d'acte de "trahison" et un coup
porté à la "nation turque", et le président de la société d'Histoire turque, M. Yusuf Halacioglu - qui fait actuellement l'objet d'une information judiciaire en Suisse pour négationnisme - s'est plaint de ne pas avoir été invité pour avoir exprimé la thèse officielle turque.

La Fédération Euro-Arménienne rappelle que cette interdiction, qui tombe peu après la proposition d'Erdogan d'une commission mixte, arménienne et turque, est bien l'illustration de la volonté des plus hautes sphères de ce pays d'empêcher tout travail de vérité sur la destruction du peuple arménien par l'Etat turc.

Elle remarque que les initiatives simulant le dialogue, prises par les autorités turques depuis l'échec du "Comité de Réconciliation Armeno-Turque", n' ont eu pour objectif que d'anesthésier l'opinion européenne.

"La Turquie n'a franchi aucun pas vers un véritable dialogue : elle reste bien un Etat ultra-nationaliste et négationniste", a estimé Hilda Tchoboian, Présidente de la Fédération Euro-Arménienne. "A cinq mois du début des négociations, nous réaffirmons que les
documents officiels des négociations doivent impérativement comporter l'exigence de reconnaissance du génocide", a affirmé Hilda Tchoboian.

La Fédération Euro-Arménienne a fait appel à la Commission et au Conseil européens d'inscrire explicitement dans la feuille de route des négociations, les résolutions du Parlement européen , et en particulier celle du 15 décembre 2004, exigeant de la Turquie la reconnaissance du génocide."


pour diffusion immédiate
26 Mai 2005
Contact :Talline Tachdjian
Tel:+32 2 732 70 26

mercredi, mai 25, 2005

Kingdom of Heaven

Kingdom of Heaven est un bon film d'aventures, agréable à voir, qui bouscule la réalité historique autant qu'une saga de Dumas, mais j'ai jamais trouvé ça très grave.
Seulement le succès qu'il rencontre dans les pays arabes et les déclarations de l'acteur syrien qui joue Saladin font quand même un peu grincer des dents au moment où les Kurdes de Syrie se battent pour exister au sein d'un Etat qu'il n'ont pas choisi.




Extrait de l'interview de Ghassan Massoud, dans le Daily Star :

" Tout dans la vie de Saladin correspond aussi à ma philosophie... Ma culture est celle de Saladin. Ma religion est la même que la sienne et je parle la même langue de lui, j'ai la même géographie et la même histoire. "

" Saladin a été un exemple pour les héros musulmans qui ont redonné aux Arabes et aux musulmans leur fierté et leur dignité".

" Je suis là pour donner aux Occidentaux une bonne image de l'Islam, des Arabes, de Saladin - cet immense leader. Ils ont besoin de réviser leurs informations sur les Arabes et l'Islam."

De ce fait, dans tout le film, on ne voit pas un émir kurde, pas un guerrier turc dans les armées de Saladin, dépeints sa famille et lui, comme de purs Arabes... alors que les contingents ayyoubides étaient majoritairement dirigés par des Kurdes, des Turcs et des Mamelouks de diverses origines caucasiennes...

Notons que dans le Daily Star pas une fois le mot "kurde" n'apparaît. Il semble que certains Occidentaux et Orientaux ont besoin de réviser leurs informations sur Saladin, les Kurdes et l'Islam."

samedi, mai 21, 2005

Les Surprises du Kurdistan

Dans son récit Les Surprises du Kurdistan (éd. Susse, Paris, 1945, Collection : Voyage et aventure), François Balsan, un négociant en laine, voyage au Kurdistan, en Turquie, juste avant le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale. Très admirateur du régime, de la nouvelle Turquie, aucune sympathique pour les Arméniens, "chrétiens hérétiques" et qui l'ont cherché, leur génocide, donc un livre peu suspect de turcophobie.

Il note cependant cette rage turque envers tout ce qui reste du passé arménien, la destruction des églises, des monastères, de toutes traces du peuplement arménien, en parallèle des thèses de la société pseudo-scientifique lancée par Atatürk, essayant pathétiquement de prouver que les Turcs descendent des Hittites (était-ce avant qu'on ne déchiffre le hittite, langue indo-européenne, et donc, comiquement, plus proche des langues arméniennes et kurdes ?)


Exterminer un peuple, puis nier ce massacre en niant l'existence des massacrés, et voilà la spirale infernale, finir par enlever toutes traces de la victime, en ôtant la présence historique de ce peuple sur le lieu des tueries.

Pour finir, quelques années plus tard, même attitude envers les Kurdes : il n'y a pas de Kurdes. Il n'y en a jamais eu. Il faut comprendre cette dénégation schizoïde par le fantôme du cadavre qui se cache derrière la victoire toute fraîche. Admettre qu'il a des Kurdes aurait été admettre qu'il n'y a pas eu, depuis toujours, que des Turcs en Anatolie, et donc avant les Kurdes, à Van, à Mus, à Bitlis, à Kars les Arméniens, et que s'il n'y sont plus aujourd'hui, c'est qu'il y a bien une raison inavouable à cela.

Ouroboros : pour nier un génocide on va jusqu'à en amorcer un deuxième, que l'on va nier aussi, plus tard ; et alors, pour cela, etc.

"Il existe, entre les monts d'Arménie et la plaine basse de l'Irak, entre le plateau du Taurus et les contreforts du Zagros, un pays où les mots sont hors-la-loi et pour cela se figent et gèlent dans la bouche des hommes.

Ce pays est le Pays-des-mots-gelés et ses habitants ont aujourd'hui une existence des plus mystérieuses. Ils furent là sans être là, ils sont là cependant mais c'est un grand sans-gêne de leur part, car il a été prévu et décrété de toute éternité que jamais ils ne furent. Jamais. Ils n'existent pas, ce peuple est une invention, un brûlot d'agitateurs et depuis la plus haute antiquité il n'y eut sur ces terres que le vide. Les tumulus, les palais enfouis, les églises à coupoles, les monastères de pierre, les bergers des montagnes, les nomades des tentes, les commerçants, les drogmans, les tisseurs de kilims, les seigneurs des châteaux, les guerriers redoutables aux beaux chevaux, furent et ne furent pas car depuis toujours, et pour toujours, il n'y eut pas de ces gens dans ce pays. Et tout ce qui affirme le contraire doit être détruit."

Kawa le Kurde, 2005.

vendredi, mai 20, 2005

Débat

Une rencontre avec
M. Sami SHORESH
le ministre de la Culture
du Gouvernement Régional
du Kurdistan

en visite officielle en France

aura lieu

à 18h30 mardi 24 mai 18h30

à l'Institut Kurde de Paris
106 rue Lafayette 75010 Paris
M° Poissonnière
entrée libre

vendredi, mai 13, 2005

Rejuger Öcalan ? Et alors ?

C'est entendu, la Cour européenne a tranché, Öcalan devra être jugé, le procès n'ayant pas été estimé "équitable" en raison de la présence d'un juge militaire dans le tribunal. S'il n'y avait que ça... Il faut se rappeler le climat d'hystérie qui prévalait en Turquie à l'époque, les avocats d'Öcalan, et surtout le principal, Ahmet Zeki Okçuoglu, menacés, plusieurs fois agressés par des bandes nationalistes, les visites à leur client entrâvées par la difficulté d'accès d'Imrali : Quand les avocats réusissaient à obtenir un bateau pour l'île d'Imrali, (et que les autorités jugeaient que les conditions météo permettaient la traversée), il fallait que les défenseurs d'Öcalan affrontent des "mères de soldats turcs" (vraies ou supposées, car ces mères de famille là semblaient bénéficier d'une logistique et de moyens matériels illimités pour manifester tant devant le tribunal que devant ces avocats).

Une fois arrivés à Imrali, il fallait subir une fouille au corps humiliante, et naturellement aucune conversation entre l'avoat et son client ne pouvait être gardée secrète, car un "garde" cagoulé assistait toujours aux entretiens.

Quant aux avocats de l'accusation, ils bénéficiaient de la plus grande indulgence pour tous les manquements aux règles : l'un d'eux, ainsi, arborant un tee-shirt représentant le drapeau turc, au lieu de sa tenue habituelle.

Procès inéquitable, donc. Soit. Mais en quoi rejuger Öcalan serait de quelque valeur, si dans le même temps, les crimes de l'Etat turc envers les Kurdes ne sont pas, eux, jugés ? Demander à rejuger Öcalan, d'une manière "équitable" est d'une hypocrisie sans nom, bien caractéristique de l'Union européenne, quand on pense qu'une bonne partie de l'Etat-Major turc et de sa classe politique, s'ils avaient été Serbes ou Ruandais hutu, seraient actuellement sur les bancs du Tribunal international de La Haye. Rappelons d'ailleurs que les pays de l'ex-Yougoslavie désireux d'intégrer l'Union européenne se voient imposer comme condition de coopérer à l'arrestation de leurs criminels de guerre... Insister sur la reconnaissance du génocide arménien, c'est bien. Mais bon nombre de dirigeants ou d'ex-dirigeants turcs ont de nos jours du sang beaucoup plus frais sur les mains.

Juger unilatéralement Öcalan, c'est accepter que la rébellion kurde a été illégale, et donc, qu'il est illégal de se révolter contre un Etat dictatorial à idéologie génocidaire. Si l'on suit la même logique, les peshmergas de Barzani et Talabani étaient dans l'illégalité quand ils se sont révoltés contre le régime de Saddam Hussein, de même les Tutsi s'ils avaient pu résister aux Hutus, etc. Le cas s'est déjà posé concernant les charges contre Nuriye Kesbir : l'UE va-t-elle déclarer toute prise d'arme illégale contre un Etat, quels que soient ses manquements aux droits de l'Homme ?

Mais voilà, ce procès qui aurait déjà dû être le "procès de l'Etat turc et de sa politique anti-kurde", tel que le voulait en tous cas Ahmet Zeki Okçuoglu, s'il n'a jamais eu lieu, c'est uniquement par la faute d'Öcalan, qui ne sut que dire à ses juges : "je demande pardon", "ce n'est pas moi, c'est ma guérilla", "ce n'est pas moi, c'est ma femme", et pour finir "je suis profondément kémaliste et je vous aime".

Dans ces conditions, évidemment, comment défendre la cause des Kurdes en Turquie quand leur" leader" les déclare automatiquement coupables ? Celui qui empêche, pour le moment, tout procès "équitable" de l'Etat turc, ce n'est pas la Turquie elle-même, c'est Öcalan.

mercredi, mai 11, 2005

Les feux de la rampe

Tout à l'heure commence le Festival de Canne, dont l'un des fims en lice est Kilometre Zéro de Hiner Saleem. On lui souhaite bonne chance !




mardi, mai 10, 2005

Colloque

L'Association Primo Levi organise un colloque :


Errances et Solitudes
Effets de la torture et de la violence politique

A l'occasion de la Journée internationale de soutien aux personnes victimes de la torture
24 et 25 juin 2005
Maison internationale de la Cité universitaire de Paris
17 boulevard Jourdan
75014 Paris

Renseignements, programme, inscription

Terroristes ou pas, c'est selon...

Quand L'Observatoire franco-kurde parcourait la Turquie et le "cher Sud-Est" si adoré des Turcs, il avait souvent à répondre aux questions des policiers, militaires, mouchards, etc., sur la raison de notre présence dans des villes aussi improbables que Cizre, Diyarbakir, Van, Dersim qui, durant les années 1999-2001, n'étaient pas précisément hantées par des hordes de Français en short, ce genre de spécimen se retrouvant presque toujours (et encore maintenant, heureusement), en Cappadoce.

Ce qui ne nous empêchait pas d'agiter notre Guide du routard (à quoi l'on reconnaît un Français en voyage aussi sûrement que s'il s'était épinglé le passeport sur le front) sous le nez des autorités en lançant le sésame "turist ! turist!" Même à Ovacik Plage, parfaitement !

Il est même arrivé que des policiers, plus fins que les autres, ou plus gradés et donc plus intelligents, (en tous cas nettement plus glamour, puisque la Turquie étant un pays d'ordre et d'étiquette, les méchants ont l'air bien cons et bien méchants, et les gentils sont très gentils et très beaux gosses, ce qui ne gâte rien) nous soufflent la bonne réponse avec anxiété, histoire d'embêter un collègue.

Bref c'est devenu une plaisanterie rituelle d'annonner "no terrorist, turist", à tel point que nos langues faillirent fourcher quelquefois, et inverser la formule.

Aujourd'hui, via un blogger iranien, Medya (son serveur connaît quelques petits problèmes mais il reviendra bientôt) nous apprenons que la télévision iranienne qui, auparavant qualifiait les terroristes en Irak d'"insurgés", se met tout soudain à les appeler "terroristes", et ce depuis qu'Ibrahim al Jafaari, un chiite, est devenu Premier Ministre d'Irak.


De même, nos journalistes français, si pressés de foncer à Fallujah rencontrer les "résistants", une fois qu'ils les ont rencontrés, et bien rencontrés, tellement qu'ils n'en reviennent pas, sont passés progressivement du terme de "résistants" à "insurgés". Je suppose qu'il faut attendre une bonne décapitation, un dépeçage dans les règles de l'art comme pour Margaret Hassan et tant d'autres Irakiens ordinaires dont personne ne se soucie ici, pour qu'un jour le mot" terroriste" finisse par apparaître dans les qualificatifs des médias français.

lundi, mai 09, 2005

Exposition-photos

Kurdistan : "Terre des dieux et des princes"





Du 9 au 17 mai 2005 - La municipalité de Dugny (93440) avec la collaboration de l'Institut kurde de Paris présente une exposition photographique de




L'exposition est ouverte au public :
du lundi au vendredi de 9h00 à 12h00 et de 13h30 à 17h30
le samedi de 9h00 à 12h00 et de 13h30 à 17h00.

Adresse :
Espace Victor Hugo
AVENUE AMBROISE CROIZAT/ RUE GUYNEMER 93440 DUGNY
01 48 36 19 92

samedi, mai 07, 2005

TV : Vodka lemon

Télévision



Canal+, mardi 10 mai à 3h10 : Vodkal lemon, film de Hiner Saleem, 2003. 90 mn.

mardi, mai 03, 2005

Vodka Lemon



Vodka Lemon est un charmant film étonnamment post-soviétique. je dis étonnamment parce que Hiner Saleem est un Kurde méridional, mais peut-être qu'à force de tourner en Arménie il finit par devenir un cinéaste du cru. Car loin de l'exubérance sentimentale d'un Bahman Ghobadi, Hiner Saleem travaille, lui, tout en sobriété, et de façon extrêmement plus risquée dans l'intrigue de Vodka Lemon, au sens où ses personnages sont d'un abord moins évidemment sympathique et tire-larmes que les beaux enfants tristes des Tortues volent aussi. Les héros de ce film sont en effet deux veufs d'âge respectable, qui en allant périodiquement se recueillir sur la tombe de leurs conjoints , s'éprennent l'un de l'autre. Cette idylle aux cheveux blancs n'a cependant rien de ridicule, car elle ne nous assène pas la guimauve de messages optimistes du genre "l'amour est beau à tout âge" ou "la vie continue malgré tout et l'espoir revient". Non, la délicate progression des sentiments est peinte avec une grande subtilité, un refus d'en faire trop. Au fond le dégel de la solitude et du deuil nous est surtout montré à travers le dégel de l'hiver, comme un amour perce-neige qui pointe timidement sous des mètres de neige. Car l'hiver est omniprésent dans ce film tourné par grand froid, au point que tout presque toutes les scènes sont filmées dans la neige, que les personnages marchent dans la neige, sortent les chaises pour converser dehors dans la neige, s'entretuent dans la neige, s'épousent dans la neige, se pardonnent dans la neige. Vodka Lemon pourrait aussi s'intituler Le Grand Hiver, comme le roman d'Ismaïl Kadaré.




Comme le film géorgien Depuis qu'Otar est parti, Hiner Saleem montre aussi combien l'effondrement soviétique a laissé pour compte tout un pan désemparé de la société. Le vieil Hamo vivote avec dix dollars de retraite, de même sa dulcinée qui doit cinq dollars au chauffeur de bus (à noter que la monnaie de référence là bas semble être le dollar). Les quadragénaires se débattent au pays dans des combines hasardeuses et plus ou moins régulières d'affaires en Asie centrale, les jeunes sont encore plus déboussolés, entre les désillusions de l'émigration et la prostitution occasionnelle quand la musique ne paie plus. Résultat : le fils qui vit en France et dont on espère de l'argent se révèle aussi aux abois que son père, la jeune pianiste voit le moment où son instrument lui est arraché pour le vendre. De façon général, tout est rythmé, au fur et à mesure que l'hiver avance, dans le dépouillement : télévision, armoire, costume, tout disparaît peu à peu, changé en dollars qui se changent non en fumée mais en fleurs ou en billet de car pour poursuivre le dialogue avec les morts, ces morts que l'on tente de prévenir de l'ensevelissement sous la neige.




En même temps, ce film si dépouillé a des scènes de poésie surréaliste qui refusent de laisser écraser l'humain sous la difficulté de vivre. Ainsi le dernier objet à être vendu et qui ne sera pas vendu est a priori le plus inutile, en tous cas plus inutile qu'une armoire, mais c'est celui qui va porter Hamo et sa nouvelle femme sur la route du bonheur, l'idylle du vieil homme contraste ainsi de façon saisissante avec l'amertume du mariage plus ou moins arrangé de sa petite-fille.

Concert de soutien à l'Institut kurde