mercredi, décembre 29, 2004

Là on est vraiment terrifié...

Le Premier ministre syrien, al-Otri, citant les propos récents du ministre turc des Affaires étrangères, sur le fait qu'un Etat kurde était une "ligne rouge" pour la Turquie, a indiqué que c'était aussi le cas pour la Syrie... Là, franchement, on est terrorisé si l'on pense aux nombreuses batailles que la Syrie a remporté depuis sa fondation, notamment la glorieuse Guerre du kippour en 1973, où, contrainte de laisser une partie du Golan, la Syrie avait quand même proclamé officiellement dans tous les médias d'Etat sa victoire et décrété ce jour fête nationale.... Il faut dire que rares sont les bataillons syriens qui ne détalent pas au premier coup de feu israélien... et même les bataillons arabes envoyés contre les Kurdes par Saddam ont montré plus souvent leur dos que le blanc de leur oeil aux peshmergas...

vendredi, décembre 24, 2004

Joyeux Noël
Cejna noel pîroz be
´Edo briko w-shato brikto
Merry Christmas
Iyi Noeller
Miilaad majiid

lundi, décembre 20, 2004

Les Kurdes ont pris le contrôle de Mossoul ?

... en tous cas selon l'AFP c'est ce qu'il paraît, comme l'indique le communiqué annonçant le meurtre de 5 policiers turcs dans ce district :

"Les dirigeants turcs ont dénoncé lundi un "piège lâche" qui a coûté la vie vendredi dans le nord de l'Irak, sous contrôle kurde, à cinq policiers turcs et ont promis de faire toute la lumière sur cette tuerie, au cours d'une cérémonie officielle à la mémoire des victimes."

il me semblait jusqu'ici que justement, les Kurdes n'exerçaient leur autorité ni sur Mossoul ni sur Kirkuk, justement en raison des protestation turques juste après la chute de Saddam. Donc si Mossoul est un chaos sécuritaire, ils savent à qui s'en prendre.


'Stupidity, however, is not necessarily a inherent trait.'
Albert Rosenfield.

Retour de bâton

Le Turkish Daily News vient de publier une dépêche assez ironique sur le système des Gardiens de village en détaillant la note assez salée que cela a finalement coûté à l'Etat turc. Pour ceux qui ne sauraient pas, les gardiens de village sont des Kurdes recrutés (bon gré mal gré) en milices pour combattre le PKK. Le vieux système "faire tuer par les Kurdes" n'est pas une première dans l'histoire. Mais finalement à part quelques atrocités commises entre villages rivaux (et qui n'étaient pas toujours des opérations directes de la guerilla) quel est le bilan ?

"Le système des Gardiens de village dont le Parlement européen a demandé l'abolition à la Turquie dans son rapport du 6 octobre aurait coûté à la Turquie 227 trillions de lires turques à cette date. Par ailleurs, 4,933 gardiens de village sur 85,000 miliciens recrutés dans la période de l'Etat d'urgence dans les années 1990 pour aider les gendarmes à combattre le terrorisme ont été impliqués par la Commission dans 2,640 crimes durant les dix-huit dernières années, notamment aide et complicité avec les terroristes du PKK, trafic de drogue et d'armes, kidnapping et viol."

La dernière phrase est savoureuse je trouve. Les milices armées et financées par l'Etat, jouant finalement un double-jeu et servant de plaque-tournante pour la drogue, les armes, en partageant avec le PKK, et finalement se livrant au kidnapping et au viol comme n'importe quel "patriote résistant " de Fallujah :lol:

Bref, la morale de tout ça ? Armer des milices privées en leur disant "feu à volonté", mettre tout ça sous le manteau de l'Etat d'urgence, laisser les super-préfets locaux avoir toute indépendance pour toucher leur part des trafics, qu'est-ce que ça donne ? Un Etat peu à peu gangrené par la mafia. Depuis l'affaire de Susurluk, tout le monde connait bien la collusion entre la classe politique et la mafia (l'AKP semble bien avoir été aussi élu par l'aura d'intégrité dont il bénéficiait)... Reste la mafia kurde mi-miliciens mi-PKK, mi ex-PKK, bien installée, bien en place, à qui la guerre a profité et à qui la paix profitera encore, qui risque même de survivre au PKK... d'Iran à Istanbul et jusque dans l'UE, c'est pas fini d'avoir les erreurs politiques des généraux d'Ankara sur le dos.

jeudi, décembre 16, 2004

Les Kurdes, les intellectuels et le PKK

(Suite de l'affaire : qui représente les Kurdes de Turquie ?)

Lors de son séjour à Paris, Leyla Zana a répondu aux critiques des 195 signataires de la pétition qui s'étaient sentis quelque peu "poignardés dans le dos" quand Zana avait finalement désavoué le texte, en prétendant avoir signé sans lire (déjà ça fait sérieux... la prochaine fois qu'Erdogan lui fera signer quelque chose, prendra-t-elle la peine de bien regarder ???)

Selon Zana, les intellectuels kurdes n'agissent que pour leur propre intérêt (sous-entendu pas comme elle, à qui on ne reproche de ne servir que les intérêts d'Öcalan...). Et ces "intellectuels" sont "détachés du peuple", comme il se doit pour des intellectuels, et chacun d'eux joue d'un instrument différent"... (pas comme le DEHAP qui change d'avis perpétuellement en fonction des directives et des contrordres et des épurations et des réglements de compte internes au PKK...)

Ainsi, selon elle : "Les intellectuels kurdes n'ont jamais été avec le peuple, avant ou durant la guerre". Historiquement c'est faux : le PKK fut bel et bien fondé par un groupe d'étudiants en 1978, et les premiers effectifs de la guérilla et des bureaux politiques se recrutaient plus facilement parmi les étudiants et la classe moyenne que parmi la paysannerie, considérée par Öcalan comme "inféodée" et complètement dénuée d'esprit révolutionnaire... Il a fallu les exactions de l'armée turque et la répression indistincte qui s'abattaient au Kurdistan pour que les classes populaires commencent à s'enrôler dans la guérilla... En ce sens, le meilleur recruteur du PKK a toujours été les jandarma...

Leyla Zana critique aussi la diaspora, ces Kurdes qui n'ont pas mis les pieds en Turquie depuis 30 ans, et poussent cependant les Kurdes "à la guerre et à mourir". Là encore, ce n'est pas tout à fait exact. Il est vrai qu'il y a - comme toujours - un gros décalage entre la diaspora et les Kurdes restés là-bas. Mais ça n'a rien à voir avec un fossé intellectuels/classes populaires. La majeure partie de l'immigration kurde de Turquie en France est composée d'ouvriers ou de paysans, et ce décalage existe aussi entre eux et les Kurdes restés au pays. Ceux qui poussent à la reprise des combats, ne sont d'ailleurs pas les intellectuels de la diaspora mais les branches dures du PKK, de Cemil Bayik à Murat Karayilan, le premier étant dans la guérilla, l'autre en Europe il est vrai, mais franchement, il serait très abusif de considérer Karayilan comme un "intellectuel"... C'est aussi celui qu'Öcalan voulait remplacer par Leyla Zana à la tête du bureau de l'ERNK pour l'Europe, au passage...

Présenter ces affrontements, qui ne sont en fait qu'un conflit d'intérêts, comme une "défense du peuple contre les intellectuels kurdes" est donc inexact, et cela rappelle de façon malsaine la hargne des durs du PKK contre les "lettrés" kurdes, quand dans leurs rangs, il ne fallait pas s'exprimer dans un style "trop riche", quand les cadres devaient cacher leurs diplômes universitaires sous peine de se faire attaquer là-dessus en réunion, quand dans les articles qu'ils écrivaient, il ne fallait pas utiliser plus qu'un vocabulaire basique (turc, bien sûr, le kurde étant banni par Öcalan) pour "faire peuple". ça s'appelle de la démagogie révolutionnaire, et ça cadre mal avec la ligne "défendons la culture kurde" présentée aux Européens. Il faudrait savoir : une culture sans intellectuels, ça se résume au folklore et à la cuisine traditionnelle. Effectivement, c'était pas la peine de faire 15 ans de guerre pour préserver ça.

Or, depuis le début du mouvement nationaliste kurde, les intellectuels, contrairement à ce que dit Zana, ont toujours été à la pointe des combats : que ce soit au temps des frères Bedir Khan, ou bien du temps de la république de Mahabad (Qazi Mohammad n'était pas un ouvrier illettré que je sache) ou lors des révolutions de Mustafa Barzani (lui-même peu instruit mais n'ayant jamais évincé les cadres plus instruits de son parti), les intellectuels ont toujours fait partie de la lutte nationale kurde. Ce sont eux qui en Turquie ont entretenu, avec les villageois (ceux que le PKK appelle des traîtres arriérés) l'usage de la langue kurde : Emin Bozarslan publia le premier alphabet kurde en 1968 (qui fut interdit en Turquie alors), Musa Anter choisit d'écrire en kurde et fut assassiné à Diyarbakir en 1992... En fait si l'on regarde toute l'histoire des écrivains kurdes au 20° siècle, bien peu échappèrent à l'exil ou à la mort... Pas tout à fait ce qu'on appelle des planqués.

Enfin la mouvance du DEHAP représente-t-elle le peuple ? L'AKP ayant obtenu de bien meilleurs résultats parmi les Kurdes de Turquie que le DEHAP lors des dernières élections, on peut en douter. Quant à Leyla Zana, seule une légitimité électorale lui donnera le droit de prétendre "représenter et défendre" les Kurdes de Turquie.

source : Hurriyet/ Dec 15, 2004.


'Stupidity, however, is not necessarily a inherent trait.'
Albert Rosenfield.

dimanche, décembre 12, 2004

En final, qui représente les Kurdes de Turquie ?

Depuis environ une semaine, un appel coordonné par l'Institut kurde de Paris a été publié à la fois dans Le Monde et l'Herald Tribune, et s'intitule comme suit : Que veulent les Kurdes en Turquie ? 200 personnalités kurdes appellent l'Union européenne. (Bonne idée, bien que tardive, de demander avant tout l'avis de ceux qui sont concernés en premier chef). Suivait un texte de revendications assez consensuelles et raisonnables, qui conciliaient les "durs" et les "conciliants", la diaspora et les Kurdes restés sur-place :

  • une Constitution nouvelle et démocratique, reconnaissant l’existence du peuple kurde, lui garantissant le droit de disposer d’un système d’enseignement public et des média dans sa langue ainsi que le droit de fonder des associations, des institutions et des partis destinés à concourir à la libre expression de sa culture et des aspirations politiques;

  • une amnistie politique générale afin d’instaurer un climat de confiance et de réconciliation et de tourner définitivement la page de violences et de conflits armés ;

  • mise en œuvre avec le soutien de l’Europe d’un vaste programme de développement économique de la région kurde comprenant en particulier la reconstruction de plus de 3 400 villages kurdes détruits dans les années 1990 et des mesures incitatives pour le retour à leurs foyers des trois millions de déplacés kurdes.


  • Les conditions à l'entrée de la Turquie dans l'UE étaient en fait résumées dans ce paragraphe :

    Pour intégrer cette famille de démocraties, la Turquie doit elle même devenir une démocratie véritable, respectueuse de sa diversité culturelle et du pluralisme politique. Elle doit notamment garantir à ses citoyens kurdes des droits comparables à ceux dont bénéficient Basques, Catalans, Ecossais, Lapons, Sud-tyroliens ou Wallons dans les pays démocratiques d’Europe ou à ceux qu’elle réclame elle-même pour les Turcs de Chypre.

    Le texte était signé à la fois par des Kurdes de Turquie et de l'extérieur, (voir le détail et les noms ici), dont Leyla Zana.

    Mais voilà...

    Comme on pouvait s'y attendre, la réaction turque fut féroce : ministres, leaders de partis politiques, la presse et des intellectuels turcs se sont déhcaînés, avec les invectives habituelles, séparatisme, complot, etc., Erdogan accusant personnellement les anciens membres du DEP et tous ces intellectuels kurdes, là, sur la liste, de vouloir saboter la candidature turque via l'étranger...

    Bref, pour les Kurdes de Turquie qui avaient signé, de plus ou moins bon gré cet appel, ça chauffe...

    Quant à Leyla Zana et son petit groupe, ils se sont rétractés immédiatement et désolidarisé formellement des autres pétionnaires, avec un argument que nous livrons comme tel : Elle n'était pas au courant, elle ne savait pas ce qu'il y avait dans le texte, la preuve, elle ne l'avait même pas lu.

    Ce qui lui a attiré la réplique cinglante d'autres signataires : "Tous ceux qui ont signé cet appel l'ont lu et en connaissaient le contenu."

    Alors que les ex-DEP disent, eux : "Peut-être que quelques Kurdes souhaitent que la résolution de la Question kurde en Turquie se fasse sur le modèle de l'Espagne, l'Irlande ou l'Italie, et qu'ils réclament de la Turquie que les droits des Chypriotes turcs soient aussi accordés aux Kurdes, mais la majorité des Kurdes en Turquie que nous représentons ne veulent pas actuellement d'un fédéralisme ou d'une autonomie dans de telles conditions."

    Signalons au passage que les députés de l'ex-DEP ne sont pas plus les "représentants légitimes" des Kurdes de Turquie, que le DEHAP, lequel s'est quand même ramassé une belle veste aux dernirèes élections, défaite dont les raisons sont expliquées ici, et que si l'on s'en tient aux urnes, c'est paradoxalement l'AKP qui est censé représenter les Kurdes, ce qui est effectivement un peu dommage pour l'équilibre des négotiations...

    Ce qui n'a pas empêché, pour bien montrer la bonne volonté du DEP/DEHAP dans toute cette histoire, l'organisation aujourd'hui d'une manifestation réunissant paraît-il 50.000 Kurdes à Diyarbakir, pour réclamer l'entrée de laTurquie dans l'UE, Hatip Dicle, un des députés DEP emprisonnés avec Leyla Zana a même déclaré : "L'UE devrait donner une date inconditionnelle à la Turquie pour le début des négociations d'adhésion".

    Ce qui est exactement le contraire du texte lancé par les 200 représentants des Kurdes de Turquie...

    Pour finir, on ne saura pas davantage ce que veulent les Kurdes de Turquie... ni qui les représentent vraiment d'ailleurs... Ou peut-être ont-ils TROP de représentants autoproclamés ?

    In English on KBU

    L'homme de cour

    Gracian. L'Homme de cour. Curieux mélange, qui me laisse une impression mitigée, donc. Par certains côtés, un esprit très déplaisant, qui recommande avec sécheresse l'hypocrisie, la flagornerie, une habileté et un coeur froid et cela pour quoi ? Pas grand chose, une place, l'art de plaire, le néant de l'apparence de la courtisanerie. De belles phrases aussi, une lucidité tactique, quelque chose de Sun Tzu, mais L'Art de la guerre présente des ruses moins mesquines, puisque la mort et la perte encourues au combat donnent à tout ça un autre enjeu, plus essentiel. Machiavel idem, c'est la force, le pouvoir et l'art de ne pas être renversé quand on s'en empare. Mais dans L'Homme de cour, de quoi s'agit-il ? d'être bien vu dans les salons et les antichambres des ministères ? ça a quand même moins de gueule... Cela m'intrigue que Jankélévitch le cite autant. Il n'y a rien de moraliste dans Gracian, mais ce n'est pas non plus un cynique. Il donne un ensemble de recettes pour réussir dans ce qui reste tout de même l'inanité, le creux.


    Cela dit, certains propos sont beaux, et bien tournés. Il faut simplement les appliquer en oubliant ce à quoi l'auteur les destinait, lui.

    Ainsi, cela, qui vise la mode de l'élégie, et peut viser le diarisme intimiste (et donc moi-même) :

    "NE POINT MONTRER LE DOIGT MALADE

    Car chacun viendra y frapper. Garde-toi aussi de t'en plaindre, d'autant que la malice attaque toujours par l'endroit le plus faible ; le ressentiment ne sert qu'à la divertir. Elle ne cherche qu'à jeter hors des gonds ; elle coule des mots piquants, et met tout en oeuvre jusqu'à ce qu'elle ait trouvé le vif. L'homme adroit ne doit donc jamais découvrir son mal, soit personnel, ou héréditaire, attendu que la fortune même se plaît quelquefois à blesser à l'endroit où elle sait que la douleur sera plus aiguë. Elle mortifie toujours au vif ; et, par conséquent, il ne faut laisser connaître ni ce qui mortifie, ni ce qui vivifie, pour faire finir l'un et faire durer l'autre."

    La dissimulation absolue, donc. Si les Grecs craignaient l'ubris dans le bonheur, c'est-à-dire un excès de fortune qui devait entraîner fatalement l'irritation des dieux et le rabotage divin de cette félicité humaine si offensante à l'Olympe, Gracian voit pire, attend pire de la Fortune : dissimule ton bonheur, dissimule ta douleur, car la Fortune te frappera immanquablement là où tu auras montré ta faiblesse, quelle qu'elle soit, heureuse ou malheureuse. "


    SE SAVOIR AIDER

    "Dans les rencontres fâcheuses, il n'y a point de meilleure compagnie qu'un grand coeur ; et s'il vient à s'affaiblir, il doit être secouru des parties qui l'environnent. Les déplaisirs sont moindres pour ceux qui savent s'assister. Ne te rends point à la fortune, car elle t'en deviendrait plus insupportable. Quelques-uns s'aident si peu dans leurs peines, qu'ils les augmentent faute de savoir les porter avec courage. Celui qui se connaît bien trouve du secours à sa faiblesse dans la réflexion. L'homme de jugement sort de tout avec avantage, fût-ce du milieu des étoiles."


    L'école du courage. On insiste plus guère là-dessus, comme remède à la souffrance.

    Et ces propos sur le secret, qui correspondent trop bien à ma pente, aussi je les mets pour ce qu'ils sont :


    SE RETENIR DE PARLER, C'EST LE SCEAU DE LA CAPACITE

    "Un coeur sans secret, c'est une lettre ouverte. Plus il y a du fonds, les secrets y sont profonds, car il faut qu'il y ait de grands espaces et de grands creux, là où peut tenir à l'aise tout ce qu'on y jette. La retenue vient du grand empire que l'on a sur soi-même, et c'est là ce qui s'appelle un vrai triomphe. L'on paie tribut à autant de gens que l'on se découvre. La sûreté de la prudence consiste dans la modération intérieure. Les pièges qu'on tend à la discrétion sont de contredire, pour tirer une explication ; et de jeter des mots piquants, pour faire prendre feu. C'est alors que l'homme sage doit se tenir plus resserré. Les choses que l'on veut faire ne se doivent pas dire, et celles qui sont bonnes à dire ne sont pas bonnes à faire."


    "NE POINT MENTIR, MAIS NE PAS DIRE TOUTES LES VERITES

    Rien ne demande plus de circonspection que la vérité, car c'est se saigner au coeur que de la dire. Il faut autant d'adresse pour la savoir dire que pour la savoir taire. Par un seul mensonge l'on perd tout ce que l'on a de bon renom. La tromperie passe pour une fausse monnaie ; et le trompeur pour un faussaire, qui est encore pis. Toutes les vérités ne se peuvent pas dire ; les unes parce qu'elles m'importent à moi-même, et les autres parce qu'elles important à autrui."


    Balthasar Gracian, L'Homme de cour, trad. Amelot de la Houssaie.

    mardi, décembre 07, 2004

    Bonne nouvelle

    Les chiites d'Irak commencent à réfléchir sérieusement au moyen de constituer une région fédérale sur le modèle kurde, et envisagent de débattre de tout ça dans un Congrès.

    Bonne nouvelle parce que les chiites étant la majorité en Irak, si eux souscrivent au fédéralisme, les demandes kurdes en seront confortées. D'autant plus qu'on peut aboutir à une surenchère à chaque initiative du genre: "si eux ont droit à ça nous aussi" et ainsi de suite...

    Bonne nouvelle parce que si les chiites se révèlent de fervents partisans du fédéralisme, ce ne sera plus les Kurdes qui apparaîtront seuls comme de mauvais citoyens irakiens séparatistes. Et Ankara pourra toujours gueuler, nos jandarama bien aimés n'auront qu'à envahir Bassora.

    lundi, décembre 06, 2004

    Le DEHAP interdit la plus ancienne édition kurde en Turquie

    La mairie de Diyarbekir a organisé un Salon du livre, du 30 novembre au 5 décembre. Si ce salon se voulait international et non pas seulement kurde, le maire de Diyarbakir, Osman Baydemir, a jugé tout de même bon de l'interdire aux éditions DOZ, alors qu'y étaient présentés des livres venant de tout le Moyen Orient, des Balkans, etc. Mais le salon a fermé ses portes devant la maison d'édition la plus ancienne de langue kurde, fondée par Ahmet Zeki Okçuoglu, à une époque où publier, lire, écrire en kurde était autrement périlleux qu'aujourd'hui.

    Doz devait être présenté par une librairie de Diyarbakir, qui a dû retirer cette édition de sa liste, car les responsables de la mairie ont menacé de ne pas donner de stand à cette librairie si elle maintenait DOZ dans ses présentations. Après un débat long et difficile, le responsable de la librairie Murat Bey a finalement obtempéré et a pu ainsi garder sa place au salon. Ce qui est bien avec certains élus kurdes, c'est que les autorités turques n'ont pas à intervenir pour censurer les écrivains kurdes, certains s'en chargent à leur place.

    (source : kerkuk-kurdistan).

    Alors à votre avis pourquoi ? Ben voilà c'est que le maire de Diayarbakir, Osman Baydemir, est un élu DEHAP. Et que DOZ, fondé par Ahmet Zeki Okçuoglu, est une édition indépendante, qui a toujours vomi le terrorisme intellectuel turc, tout comme comme celui du PKK.





    photo Roxane.

    Ahmet Zeki Okçuoglu, rappelons-le, actuellement réfugié politique en Allemagne, fut avocat pendant très longtemps en Turquie, et éditeur de livres kurdes. Toujours opposé au PKK, qu'il considérait avec mépris comme des crétins sans cervelle, tout aussi occupés que les Turcs à détruire la culture kurde et à tuer ses intellectuels, Ahmet Zeki était donc sur la liste noire de ce parti. Ce qui n'a pas empêché Öcalan (pas fou quand il s'agit de son propre intérêt) de faire à appel à lui, immédiatement après son arrestation en février 1999 pour assurer sa défense. A cette époque, tout le monde tremblait en Turquie au seul nom d'Öcalan, mais Ahmet Zeki, au nom du peuple kurde a accepté d'être le premier avocat du leader du PKK. Ce qui fait qu'il s'est retrouvé être la cible n°1 en Turquie, plusieurs fois agressé, menacé, en plus d'avoir le PKK sur le dos, surtout lorsque écoeuré par la lâcheté de son client, qui ne pensait qu' à demander pardon à la Turquie, histoire de sauver sa tête, Ahmet Zeki choisit de laisser tomber cette défense, ne voulant pas, lui, trahir la cause kurde. Alors il fit de nouveau face à un déchainement hystérique de la part du PKK, outré que l'on puisse s'en prendre à leur cher président qui la main sur le coeur et les larmes aux yeux, demandait pardon à toutes les mères turques...

    DOZ a toujours eu une image pro-kurde et même pro-kurdistani, avec un brin de partialité pour les Barzani. De quoi donner des cauchemars au PKK et aux Turcs, évidemment. L'année dernière, pour avoir publié le livre de Massoud Barzani, "Barzani et le mouvement de libération nationale kurde", DOZ a d'ailleurs eu quelques ennuis avec la justice turque.

    Alors le DEHAP ? Eh bien ce genre d'agissements montre une fois de plus que les gens du DEHAP sont soit des pantins manipulés à la fois par les Turcs et le PKK, soit des hommes politiques de bonne volonté, rescapés du HEP, DEP, HADEP, mais pris entre leurs "Camarades"" et l'Etat, comme entre le marteau et l'enclume.

    D'ailleurs, toujours dans la ligne DEHAP/PKK, ce dimanche, à Istanbul, plusieurs partis turcs manifestaient contre les US, avec des slogans à la gloire des Palestiniens ET des milices de Fallujah. Parmi eux défilait le DEHAP qui braillait entre autres : "Fallujah, Gaza contre les US", "Vive la résistance de notre président Ocalan" (quelle résistance ???? il a refusé de dire bonjour à un de ses gardiens quand on l'a privé de télévision ?), "nous sommes tous à Fallujah" etc., enfin rien sur Kirkuk, ce qui préoccupe le DEHAP c'est Fallujah on vous dit. "
    Source amud.com


    In English on KBU

    jeudi, décembre 02, 2004

    Radio, TV : Turquie, Théodore Zeldin

    Mardi 7 décembre, sur ARTE, à 20h50, Thema : L'Europe face à la Turquie.



    Jeudi 9 décembre, sur France Culture à 19:30 CAUSE COMMUNE :



    La Turquie, un pays moderne ?
    par Brice Couturier, avec Jacqueline Hénard
    Avec : Théodore Zeldin, écrivain

    Expo photos Roxane


    Mosaïque d'empires







    Du samedi 4 au vendredi 10 décembre 2004
    Centre socioculturel La Lutèce
    1 rue Charles Gounod 94 460 Valenton
    de 8 h 30 à 12 h 00 et de 14 h à 19 h
    Pour plus d'infos, possibilité d'appeler au 01 43 86 83 26

    D'Urartu, en passant par Rome, Byzance et les Ottomans, voici l'histoire et les vestiges de quatre empires, où vécurent et vivent encore tant de peuples : Arabes, Arméniens, Kurdes, Turcs... Les églises, les mosquées et les sources sacrées racontent la multitude des religions et croyances des peuples du Levant, des mythes grecs et iraniens, aux religions bibliques et mésopotamiennes, tandis que les portraits d'enfants, blonds, bruns, yeux verts, bleus ou noirs, témoignent encore de la pluralité de l'Asie mineure, bariolée comme un kilim...

    mercredi, décembre 01, 2004

    Mort d'un terroriste II

    J'apprécie assez les papiers de Mehmet Ali Birand dans le Turkish Daily News. Je ne pense pas qu'il soit pro-kurde, au contraire, et peut-être est-ce mieux, car il est ce dont les Kurdes ont besoin : un adversaire INTELLIGENT, capaable de voir son propre intérêt et donc capable de négocier (et c'est mieux mieux qu'un stupide allié, je pense).

    La route de l'UE passe par Mardin

    Ahmet Kaymaz était âgé de 30 ans. C'était un chauffeur de camion de Mardin, dans la zone de Kiziltepe. Il était connu comme membre du Parti de la démocratie du peuple (DEHAP). Des membres de sa famille avaient été incités à devenir gardiens de village, mais ils avaient refusé.

    Alors là j'explique pour ceux qui ne savent pas ce qu'est un gardien de village : un milicien enrôlé, volontairement ou par force (et souvent par force) pour traquer et tuer la guérilla et ses sympathisant, la vieille tactique : faire tuer des Kurdes par des Kurdes. Refuser de devenir un gardien de village peut vous exposer à quelques ennuis, comme on le voit.

    Son fils, Ugur Kaymaz, avait 12 ans. C'était un élève de primaire, un bon élève avec de bonnes notes, selon son instituteur.La semaine dernière, lors d'une opération de police, Ahmet etUgur Kaymaz ont été tués. On a extrait treize balles du corps d'Ugur. Neuf de ces balles ont été tirées à 50 centimètres du corps et dans le dos.

    13 balles, c'est déjà beaucoup pour une "erreur". Mais tirées à 50 cm du corps et dans le dos, difficile d'évoquer la légitime défense, quand même.

    On a trouvé un pistolet près d' Ugur. Mais selon son professeur, Ugur était bien trop jeune pour porter sur lui une telle arme

    (plus de 3 kilos la kalach, un peu lourd pour un gosse quand même).

    Le gouverneur de Mardin a annoncé que deux individus étaient morts dans une fusillade. Ugur, qui portait des "pantoufles"... y aurait pris part. C'est donc la version du gouverneur. Mais la mère d'Ugur prétend que la dernière vision qu'elle a eu de son fils c'est celle d'un officier de la Sécurité le pied sur le cou de son fils. L'instituteur d'Ugur, accouru sur les lieux après avoir entendu les coups de feu, confirme ses dires.

    Maintenant il est temps d'écouter votre conscience. Il est temps de passer au crible les rapports, de découvrir la vérité et de prouver que cela n'a pas été un assassinat. Nous sommes en train de parler d'un garçon de 12 ans, tué devant sa maison, alors qu'il disait au revoir à son père qui partait pour un autre trajet en camion. Nous parlons d'un père qui devait rester hors de chez lui pendant des mois pour joindre les deux bouts.

    La vérité doit être faite. Personne ne doit être soustrait ou protégé de la justice. L'ensemble des lois que nous appelons les critères de Copenhague sont un choix de vie. En bref, ça s'appelle la démocratie. La démocratie est un régime qui doit s'appliquer à tous dans ce pays. Le gouvernement est confronté à un test de sincerité. Le moyen de prouver que la démocratie a réellement été instaurée en Turquie réside dans les efforts nécessaires pour enquêter sur le meurtre des Kaymaz. La route vers l'UE ne passe pas par Bruxelles mais par Kiziltepe, à Mardin.

    Mehmet Ali Birand.

    J'ai fait un rêve...

    Sérieusement, ce que j'aimerais bien, c'est que le crime de torture soit compté au nombre des crimes contre l'humanité, et donc imprescriptibles... Que même 30 ans après, un ancien bourreau ne soit jamais sûr, dans quelque pays ou situation qu'il se trouve, de ne pas se faire enlever et passer en jugement. Un rêve, juste un rêve ...

    Ils ont mis le temps, mais ils vont peut-être y arriver !

    Mieux vaut tard que jamais... pour les prochaines élections en Irak (si jamais elles ont bien lieu en janvier) les deux partis mastodontes du Kurdistan fédéral, l'UPK et le PDK, vont faire liste commune.

    Avantage ? Jusqu'ici, au sein du gouvernement intérimaire, les Kurdes ont pu faire entendre leur voix alors même qu'ils étaient minoritaires (sur la question de la constitution, du veto, du refus des troupes turques en Irak), parce qu'ils présentaient un front uni face à une classe politique arabe très divisée.

    Inconvénient ? Bien sûr, cela ne peut que renforcer la suprématie quasi régalienne de ces deux partis (ce qui, comme en 1992) risque de faire raler les petits partis, conforter peut-être le népotisme et la corruption (voir à ce sujet le post d'Avas,în)... Mais pour le moment, je pense que la puissance de ces deux partis est nécessaire pour des élections nationales. Quitte ensuite à amorcer un assainissement de la vie politique au sein d'un Kurdistan fédéral aux prérogatives renforcées par la constitution.

    Défense de Thomas



    "Tout homme peut voir, mais très peu savent toucher." Machiavel.

    Concert de soutien à l'Institut kurde