samedi, août 30, 2003

Les "humanitaires" en Irak commencent à réaliser que le fait de vouloir "aider" les Irakiens en se démarquant des forces d'occupation ne les met nullement à l'abri des attaques, et même il se pourrait qu'elles en soient la première cible.

Ainsi le directeur des opérations de Première Urgence, Frédéric Bonamy, déclare : "La situation est extrêmement tendue. Longtemps, nous avons surtout craint des actions de banditisme mais aujourd'hui on se demande si nous ne sommes pas face à un sabotage de toute opération de reconstruction en Irak, visant aussi les humanitaires." (Source).

Moi ce qui m'étonne, c'est leur étonnement. Il est évident que les auteurs de ces attaques se foutent du bien-être de l'Irak comme de leur première chemise.

Il est évident aussi que dans ces cas-là, les ONG, l'ONU, gênent, bien plus que les GI's qui de toute façon n'ont besoin de personne pour se rendre antipathiques sur le terrain. De même si des personnalités politiques irakiennes doivent être tuées dans les prochaines semaines, ne se seront pas les plus "radicales" qui vont tomber. L'Irak est un jeu de Go où les Américains tentent de le faire basculer tout entier dans les camp des blancs (la stabilité) et où d'autres font tout pour que les noirs l'emportent (la désagrégation). Et les pions à manipuler, ce sont les Irakiens. Depuis la Bosnie, on aurait pu comprendre que faire de l'humanitaire sur un terrain de guerre, c'est tamponner d'éosine une gangrène crépitante.

mercredi, août 27, 2003

Il se pourrait que les Kurdes héritent du Ministère des Affaires Etrangères en Irak... eh oui, encore une preuve de l'ethnicisation de l'Irak, ce partage des postes par peuples ou religion, mais il faut reconnaître qu'à chaque fois qu'au Moyen-Orient on a déclamé avec conviction "nous sommes une seule nation sans différence ethnique ou religieuse" cela signifiait toujours un rabotage des identités au profit d'une seule, celle qui avait pris le pouvoir...

Et puis mettre les Kurdes aux affaires Etrangères n'est pas une mauvaise idée. Pour toutes les raisons expliquées dans le post précédent, et en raison aussi de la situation particulière qui a été la leur entre 1991 et 2003, les Kurdes sont les plus à même de faire le lien entre l'Irak post-Saddam et le reste du monde. Allez, ils pourraient même réconcilier la France et les Irakiens !
Ces blogs de jeunes Bagdadi sont intéressants quand on les lit pour ce qu'ils sont, c'est-à-dire des blogs de jeunes gens de Bagdad, éduqués, parlant anglais, ayant un accès à Internet, et dont l'appartenance à une classe moyenne ou même aisée fait que l'occupation américaine occasionne une chute de leur niveau de vie, ou à tout le moins un surcroît d'inconfort. Mais si l'on se fixe uniquement sur leurs paroles pour avoir une vue de "ce que pensent les Irakiens," cela risque de donner une vision singulièrement faussée. Il faudrait lire le blog d'un pauvre de l'ancienne Saddam-City, le blog d'un ex-opposant, d'un ancien prisonnier, le blog d'un chiite de Bassorah, rescapé des massacres de 91, le blog d'un Kurde (oui je sais ils pourraient le faire, les Kurdes ont toujours un métro de retard mais quand l'un d'entre eux va se décider, ils vont tous s 'y mettre, après il y aura pléthore).

Ce qui frappe dans la tonalité générale des "paroles arabes" d'Irak c'est l'absence de culpabilité en tout cas apparente, je ne dis pas qu'il n'y a pas malaise interne, mais en tous cas personne n'en parle. C'est encore et toujours la même attitude de "victime". Ce sont eux les victimes, eux qui ont été bombardés, qui sont sans eau ni électricité, et tout ceci est vrai, mais pourquoi ne jamais parler de l'autre passif, celui de l'agresseur, du bourreau ? Car ils ont aussi bombardé (le Kurdistan, l'Iran), ils ont aussi affamé et massacré, et gazé, et au Kurdistan comme en pays chiite comme en Iran on n'oublie pas, et pourquoi devrait-on taire "pudiquement" ces choses ?

Sans aller jusqu'aux extrêmes occidentaux (v. l'affaire Schwarzie), il serait peut-être sain même pour le peuple arabe de reconnaître que l'Anfal (le génocide kurde) a été commis majoritairement par des Arabes, au nom du nationalisme arabe. Et que oui c'est facile de dire que tout ça, ce ne sont que les crimes du seul Saddam et des seuls vilains baathistes. Un peu comme si l'on dédouanait tout à fait l'Alllemagne des crimes nazis, un peu comme si l'on voulait tout à fait dissocier les Allemands des années hitlériennes et des nazis. Le totalitarisme fatalement compromet toute une population, de gré ou de force. Entre les extrêmes, entre les opposants déclarés et les meurtriers actifs d'un régime, il y a le milieu, la masse qui subit ou qui profite, et il est difficile de tracer une frontière entre ceux qui sont opprimés et ceux qui sont responsables. Mais tout de même, l' Anfal a été commis par des soldats irakiens, ce sont des soldats irakiens qui ont détruit le Kurdistan qui ont fait disparaître près de 180.000 personnes en quelques semaines, qui ont enlevé (et pour en faire quoi ?) des filles kurdes, ce sont des familles arabes qui se sont installées dans les maisons et les propriétés confisqués aux Kurdes dans les régions de Mossoul et Kirkouk. Il semble que le droit au retour, celui dont on parle tant pour les Palestiniens semble moins légitime d'un seul coup, du fait qu'ils concerne des non-arabes...

Les Kurdes, très sagement (sagesse tribale, peut-être, mais le tribalisme n'a pas que des mauvaix côtés) ont décidé depuis longtemps de ne pas se venger, dès 91 en fait, quand la caserne de Mossoul a été prise et que les peshmergas se sont trouvés submergés par le nombre de prisonniers qui se rendaient... seuls des officiers particulièrement compromis ont payé. Et les soldats le savaient puisque qu'au printemps 2003 encore, il s'en trouvait pour déserter en passant en pays kurde. C'est sage pour la paix civile, cette amnestie-amnésie. Juger les crimes et la responsabilité de chacun mettrait davantage le pays à feu et à sang. Mais au moins, ceux qui pleurent sur le "démembrement ethnique" de l'Irak devraient avoir la décence de se la fermer là-dessus, car s'il se trouve des Kurdes qui préfèrent être gouvernés par les Américains plutôt que par leurs voisins arabes c'est qu'ils ont peut-être de bonnes raisons pour cela, et que la perspective de voir de nouveau flotter le drapeau irakien sur le Kurdistan n'en enchante pas beaucoup. Il peut y avoir accomodement entre les deux peuples, mais il ne faudrait pas que l'un des ces deux peuples oublie qu'il doit réparation à l'autre (réparation oui, même morale, même symbolique) et que c'est lui qui a perdu la guerre, et lui seul.

dimanche, août 24, 2003

A propos du film sur la Passion de Mel Gibson, j'entends presque toujours "tourné en araméen, une langue morte".
Non, l'araméen n'est pas une langue morte. Par exemple en Irak on le parle encore. Depuis l'émigration en Israël des Juifs du Kurdistan ses locuteurs se sont réduits puisqu'il n'y a plus que les Chrétiens d'Irak (et peut-être les Mandéens ?) qui le parlent, ils ne sont certes plus si nombreux mais ce ne sont pas non plus les derniers Patagoniens.

Pour en savoir plus sur les locuteurs actuels de l'araméen.


samedi, août 23, 2003

Ce qui est frappant dans la plupart des blogs irakiens tenus par des Arabes, c'est qu'ils ne parlent jamais des Kurdes quand ils abordent l'avenir du pays, ou même leur vie qutodienne, comme si, de facto, cette séparation était déjà faite. Et c'est effectivement un autre pays, depuis toujours, mais encore plus alors qu'il est en passe de devenir le "52ème état américain". Ce sont effectivement d'autres gens, un autre destin politique, le remarque le traîne-savate de Haute-Mésopotamie.

There is no clear path of the new government , although I believe presently that Kurdistan Iraq has its own country already. The US knows this, the Arabs know this and no one wants to rub it in their face. So they pretend they are part of Iraq.

vendredi, août 22, 2003

Entendu dire que l'ONU, à Bagdad, avait refusé, avant l'attentat de se faire protéger par la Coalition, de peur d'être confondue avec les "autorités d'occupation.

Finalement ce n'était peut-être pas une si bonne idée que ça...

mercredi, août 20, 2003

Il est douteux, selon moi, que l'attentat contre l'ONU émane d'une quelconque "résistance irakienne". Des coups de fusils ou de mortier ça et là, d'accord. Mais un attentat suicide (si c'est le cas) nécessite une plus longue préparation, non pas tant dans le geste lui-même que dans l'entraînement du kamikaze. On ne décide pas comme ça, en se levant un matin, de se porter volontaire pour se faire pulvériser dans un camion. Il y faut un long conditionnement, un enfermement dans une cellule totalitaire, une forme de désespoir qui cadre mal avec les anciens cadres du Baath. Je doute fort que même les plus fidèles zélateurs de Saddam ne se sentent plus aucune raison de vivre. Que la chute du régime ait nui à leurs intérêts matériels et leur position dans la société soit. Ces anciens nantis ont certainement planqué leur gros sous en lieu sûr et leurs familles dans quelques écoles étrangères. Il est aussi faisable d'inciter un pauvre diable à tuer un soldat américian pour une poignée de dollars, mais certainement pas à le pousser au suicide. Ce ne sont pas ces gens-là qui sont prêts à se faire sauter. Et il y a fort à parier que ces attentats peuvent malheureusement toucher les zones kurdes, les moins suspectes d'agressions anti-occidentales.

Mais l'Irak est une passoire et il est facile aux escadrons de la mort qui volètent de ci de là dans le monde en cherchant un terrain propice de se précipiter sur des cibles si choisies, qui feront tellement parler d'elles. Il y a aujourd'hui dans le monde, bien des camps où de futurs "élus" attendent de s'écraser en fracas contre un bâtiment ou un autre, que ce soit à New-York, Bagdad, Casablanca...

mardi, août 19, 2003

Radio

Ce soir à 18h15, sur France Culture : Les lumières d'août.

A l'occasion du Festival de Douarnenez consacré au cinéma kurde, rencontre avec Bahman Ghobadi, le réalisateur auteur notamment d' Un temps pour l'ivresse des chevaux.




****

No need to translate this advertisement, that is about a french radio broadcast. But english speakers could visit all the same the web site of the excellent Kurdish director, Bahman Ghobadi.

jeudi, août 14, 2003

Selon le journal turc Milliyet l'armée américaine aurait proposé à des responsables du PKK-Kadek de déposer les armes, en échange de quoi leur activité politique et le retour à la vie civile seraient garanties.

Mais visiblement des membres des forces militaires turcs n'ont aucunement l'intention de laisser retourner en Turquie les anciens guerilleros du PKK. Abdullah Öcalan ne le souhaite pas non plus d'ailleurs, il l'a dit et annoncé à la Turuqie et au monde entier : si les hommes du PKK-KADEK reviennent en Turquie, ils "échapperont à son contrôle et à celui de la Turquie" (comme ça, au passage, plus personne ne peut douter du fait de savoir QUI dirige -manipule- ce qu'il reste du PKK-KADEK).

Et donc, toujours selon Milliyet, Osman Ocalan, Kani Yilmaz et quelques représentants du PKK-Kadek, qui la semaine dernière avaient semblé accueillir favorablement la proposition sont revenus sur leur position et ont répété en choeur comme des agneaux les propos d'Abdullah Ocalan alias la Turquie : non ils ne déposeraient pas les armes, non ils ne retourneront pas à la vie civile et politique (de toute façon c'est un domaine dans lequel ils ne doivent pas se sentir très forts). Naturellement, il est peu probable que les camarades de la guérilla, coincés en Irak entre les Américains et les matons de leur propre parti, aient été librement consultés sur leur destin. La machine à épuration doit sûrement tourner à plein régime.

De fait, la Turquie n'aurait que faire des repentis du PKK sur son sol, alors qu'ils lui sont si utiles en Irak pour déclencher au moment opportun quelques incidents sanglants qui lui permettraient de gémir sur l'insécurité de ses frontières, de se poser en victime du "terrorisme kurde" et d'intervenir à nouveau en Irak quand bon lui semble. Il ne faudrait tout de même pas que l'US Army réussisse à pacifier réellement la région, certains généraux turcs n'en dormiraient plus.

  • Source kurde : Kerkuk-Kurdistan.com
  • .
    TV

    Mercredi 20 août, sur France 5 à 16h30, rediffusion du documentaire Les Derniers Jours de Zeugma (Thierry Ragobert, 2000).


    A peine découverte, cette cité antique (actuellement près de Gaziantepe) dont la production de mosaïques à l'époque romaine valait bien celle d'Antioche a été engloutie par les eaux, en raison d'une politique de construction forcenée de barrages en Turquie(le fameux GAP) qui menace encore bien d'autres régions au Kurdistan de Turquie. Zeugma a disparu, rappelons que la ville de Hasankeyf est toujours (théoriquement) menacée et que la vallée de Munzur dans le Dersim (Tunceli) et son parc naturel doit subir un plan de construction qui comprend au moins sept barrages.

    Pour en savoir plus sur Zeugma

    lundi, août 11, 2003

    Lors de l'Anfal (campagne de massacres et de déportations au Kurdistan d'Irak) des milliers de filles kurdes ont été enlevées par l'armée irakienne et ont totalement disparues. Certains ont supposé qu'elles avaient servi de prises de guerre aux soldats irakiens ou auraient pu être vendues dans le Golfe. Depuis quelques temps, une piste égyptienne mèneraient sur les traces de certaines d'entre elles. L'Alliance Internationale pour la Justice insiste auprès du gouvernement égyptien pour qu'il se préoccupe aussi du sort de la dignité de ces Irakiennes-là.

    Voir aussi la lettre de l'aij à madame Mubarak

    ***

    During Anfal (the campaign of massacres and deportations in Iraqi Kurdistan) thousands of Kurdish girls had been kidnapped by Iraqi army and had totally disappeared. Some have supposed that they would have been taken as "war trophies" by Iraqi soldiers or could have been sold in the Gulf. Recently, an Egyptian track could lead to find news of some of these Kurdish girls. International Alliance for Justice insists for the Egyptian government cares too for the fate and the dignity of these people who are Iraqi as so much as Arabic citizens.

    Read too the letter of IAJ to Mrs Mubarak

    vendredi, août 08, 2003

    L'écrivain Mario Vargas Llosa a publié dans Le Monde le récit de son voyage en Irak, dont le dernier volet se déroule à Suleimanieh.

  • Clez les Kurdes
  • jeudi, août 07, 2003

    Le président de la Ligue Arabe, Amr Moussa, a estimé, au sujet du nouveau conseil de présidence en Irak, qu'il eut mieux valu des élections, que cela aurait donné à ce conseil "plus de pouvoir et de crédibilité".

    C'est sûr, comme le fait remarquer Thomas Friedman, que le nombre des dirigeants de la Ligue Arabe qui ont été élus démocratiquement et en toute régularité est si majoritairement écrasant, qu'ils savent de quoi ils parlent. Au lieu de s'échauffer pour une éventuelle partition de l'Irak la rue arabe ferait mieux de porter son énergie contre les gangsters qui la dirigent. Mais il est vrai que pleurer à distance sur la Palestine ou sur les Bagdadis bombardés permet d'éviter quelques remises en question trop inconfortables.

    mercredi, août 06, 2003

    La façon dont les médias parlent des "voleurs de Bagdad", alias Ali Baba laisse croire qu'ils seraient presque une création de la libération de l'Irak, tout juste si on ne laisse pas entendre "au moins sous Saddam, il n'y avait pas de pick-pocket".

    Or les "Ali Baba" existaient bien avant la venue de l'armée US, des quartiers de Bagdad étaient réputés pour être des coupe-gorge où même la police ne s'aventurait jamais, même du temps de Saddam.

    Le point le plus chaud de la ville porte très justement le nom de son créateur, "Saddam City", puisque c'est effectivement de par la volonté de Saddam que des populations chiites trop remuantes ont été déplacées du Sud pour être parquées dans une zone où la pauvreté, l'indigence et même l'inexistence des infrastructures, la surnatalité, l'absence de scolarisation ont donné à ces quartiers une telle réputation qu'aucun Bagdadi plus favorisé n'acceptait de les traverser sinon en voiture et sans arrêt.

    Sinon, les Ali Baba de plus haute gamme, la mafia irakienne, ceux qui entraient où ils voulaient, se servaient chez l'habitant, avaient livré au pillage bien avant cette année les musées et les lieux de fouille de l'Irak, ceux-ci avaient un autre nom, on les appelait les Baassistes.

    mardi, août 05, 2003

    Un nouveau site à signaler et un projet intéressant de traduction en kurde de Linux. Ce projet, totalement bénévole, fournira des logiciels kurdes gratuits en téléchargement. Pour cela, l'aide de nombreux volontaires familiers de la langue kurde est requise (les connaissances techniques en informatique ne sont pas nécessaires). Si ce projet pour intéresse, contactez Kader sur son site.

    vendredi, août 01, 2003

    Faire appel aux chasseurs de prime est peut-être une vieille tradition de l'Ouest, mais ce n'est vraiment pas judicieux dans un pays que l'on essaie de pacifier, dans un pays où l'on essaie de construire un état. Car il est évident que toutes les rivalités claniques, les rancoeurs familiales, les querelles de voisinage vont donner lieu à pas mal de dénonciations fantaisistes et meurtrières. Si l'on ajoute à cela les représailles des baathistes contre les soi-disants "collaborateurs", il n'est pas près d'exister l'Irak pacifique et unifié.

    Concert de soutien à l'Institut kurde